Selon le fameux Pacte national de 1943, le président libanais doit être issu de la communauté chrétienne maronite. En vertu de la même règle non écrite, le chef du gouvernement est sunnite et le président du Parlement chiite. Une manière de garantir un équilibre entre les communautés. L'actuel blocage entre majorité et opposition s'inscrit sur plusieurs niveaux, internes et régionaux. Mais comme le font remarquer des observateurs libanais, le véritable conflit n'est pas autant entre pro-syriens et antisyriens, mais il s'agit plutôt d'une guerre de leadership entre chrétiens. La plus spectaculaire démonstration de force oppose effectivement les trois pôles chrétiens : Michel Aoun, Amine Gemayel et Samir Geagea. Le premier a combattu la Syrie à la fin de la guerre civile. Le second, héritier d'une grande dynastie se voit contesté par le dernier. Le cas du général Michel Aoun constitue un cas d'école. Son alliance avec le Hezbollah — avec des réserves sur les allégeances à Damas et Téhéran — a cassé les clivages classiques. Mais force est de constater que la « déconfessionnalisation » de la vie politique si chère à Aoun, inscrite dans les accords de Taref de 1990 ne reste qu'une vue de l'esprit. Preuve en est le recours à l'autorité religieuse maronite, le patriarche Sfeir Nasrallah pour proposer une liste de présidentiables. L'initiative de ce dernier a échoué et le patriarche pense à quitter le Liban quelques semaines. Car le camp chrétien n'a pu mettre de côté ses divergences et surtout ses faiblesses dans une carte politique à son désavantage. Les chiites démographiquement et politiquement puissants ont réalisé la « révolution des faibles » grâce à la locomotive Hezbollah. Les sunnites sont de plus en plus unis derrière le clan des Hariri. L'émigration de l'élite chrétienne, l'hostilité du voisin syrien et surtout, le caractère féodal des grandes familles ont paralysé la proposition chrétienne, mettant en péril sa propre existence politique. Féodalité et culte du « chef » handicapent les politiques chrétiens. Salah Abou Jaoude, directeur de l'Institut d'études islamo-chrétiennes de Beyrouth (voir El Watan du 23 octobre 2007) s'inquiétait de « l'absence d'une conscience politique saine, surtout chez les jeunes chrétiens. Ils n'ont pas d'esprit critique. On sent une certaine obéissance instinctive au chef. « C'est très oriental. Ici, les jeunes suivent leurs chefs. Ils sacralisent le chef. Quoi qu'il dise, il a raison. » Alors, pour sortir de ce cercle vicieux et afin d'éviter un vide institutionnel, un certain consensus commence à se former autour de Michel Edé, ancien ministre, ancien président de la Ligue maronite, surnommé le « maronite rouge » pour ses idées chrétiennes progressistes. Selon le quotidien libanais Assafir, cet extraordinaire connaisseur du conflit israélo-arabe, qui a le respect de Hassan Nasrallah (à qui il a offert une îcone chrétienne) et qui est opposé à la domination syrienne, se distingue des autres candidats à la candidature suprême. La séance du Parlement vendredi le dira.