Sunnites et chiites ont allié leurs voix à celles des chrétiens maronites qui réfutent la candidature de Lahoud au nom de la Constitution. La perspective d'une reconduction du président Emile Lahoud à la tête du Liban fait bruit. Des personnalités libanaises de premier plan, politiques et religieuses, chrétiennes et musulmanes, ne désirent pas voir Lahoud se succéder à lui-même. Il est reproché à Lahoud d'avoir été promu à ce poste par la Syrie. Il faut dire que depuis l'occupation de l'Irak par les Etats-Unis, Damas n'est plus en mesure de dicter sa loi chez son voisin. Sunnites et chiites ont allié leurs voix à celles des chrétiens maronites qui réfutent la candidature de Lahoud au nom de la Constitution. Les muftis Rachid Kabbani, sunnite, et Abdel Amir Kabalan, chiite, ont exigé l'application de la loi fondamentale qui limite le président à un seul mandat. Lahoud a manifesté le désir d'amender la constitution pour ouvrir la voie à un autre mandat. Ce sont les chrétiens maronites qui, les premiers, ont crié au scandale. Pourtant, en vertu de la constitution, le poste de président de la république revient à leur communauté. Le patriarche chrétien maronite, Nasrallah Sfeir, chef de la communauté de laquelle est issue le chef de l'Etat est sans appel : Lahoud doit se plier à la constitution et il n'est pas question pour le Liban de suivre l'exemple de pays arabes dont les présidents n'arrêtent pas d'amender leurs constitutions pour rester au pouvoir jusqu'à leur mort. Au-delà de l'empêchement constitutionnelle, la levée de bouclier contre Lahoud doit être plutôt appréhendée comme une mise en garde contre les autorités de Damas sommées de ne plus considérer leurs voisins sous leur tutelle. Sunnites, chiites et maronites mettent l'accent sur l'évolution de la société libanaise dans un sens unitaire, soulignant que les Libanais n'ont plus besoin de tutelle extérieure pour gérer leurs affaires. Damas est catastrophé par l'attitude inédite de représentants des communautés musulmanes libanaises, lesquelles, traditionnellement, épousaient, sans coup férir, le jeu et les intérêts du “grand frère syrien” dont un corps expéditionnaire est stationné en permanence au Liban. Les libanais s'attendent d'ailleurs à des pressions de la part de Damas. Le premier ministre Rafik Hariri, sunnite, serait lui aussi hostile à la reconduction de Lahoud mais il est contraint au silence pour raison de stabilité. Allié difficile de Damas, le chef druze, le député Walid Joumblatt, observe lui aussi la même attitude, relevant tout de même que l'homme n'a aucune valeur s'il n'a pas la liberté de choisir. Tout le monde au Liban a compris à qui est destiné ce commentaire. Cela dit, en vertu de la constitution, le président en exercice ne peut briguer un second mandat successif. Mais l'article 49 de la constitution a été violé à deux reprises, le Parlement libanais ayant été forcé, sous pression de la Syrie, de l'amender. La première fois en 1995 pour prolonger de trois ans le mandat du président Elias Hraoui, un homme proche de Damas et une deuxième fois, en 1998, pour ouvrir la voie à l'élection de Lahoud, alors commandant en chef de l'armée qui n'avait pas démissionné dans le délai réglementaire pour devenir éligible. La réélection d'Emile Lahoud dont le mandat de six ans expire le 24 novembre a été avancée par des hommes politiques libanais pro-syriens, juste après qu'ils aient rencontré le président syrien Bachar Al-Assad qui, pour succéder à son père, a dû amender la constitution pour faire baisser l'âge de l'éligibilité ! Cette possibilité a été retenue par la Syrie alors que son influence au Liban est sérieusement remise en cause aux Etats-unis où une loi, adoptée fin 2003 par le Congrès, la Syrian Accountability Act, prévoit le recouvrement de la souveraineté du Liban. D. B.