Le monde est assurément devenu un village global. Sinon, comment les attentats du 11 septembre 2001 à New York ont-ils pu donner lieu à la présentation, six ans plus tard, à Alger, d'un beau livre sur les vestiges d'El Djazaïr du temps de sa grandeur ? Par l'entremise de son éditrice et auteure, Chahida Dghine-Ousseïmi qui, bouleversée par l'évènement et le climat socioculturel malsain auquel il donna lieu, quitta la mégalopole américaine où elle avait pourtant construit sa vie : études brillantes de sciences politiques et médias, emplois dans des institutions internationales, famille et relations. De là, Genève, où cette fille du héros de la guerre de libération, le colonel Lotfi, se voit enfin rapprochée de son pays et réinvestit sa mémoire et ses attaches au cours de plusieurs voyages et séjours. La visite du Palais des Raïs (dit Bastion 23) agit sur elle comme une révélation. Sa restauration lui fait comprendre combien de merveilles Alger recèle, méconnues, délaissées, oubliées. Seule, et sur ses propres moyens, elle décide de consacrer un ouvrage à ce patrimoine. Avec la complicité du photographe suisse Didier Jordan, l'œuvre voit le jour, réalisée avec un soin incomparable, s'appuyant sur la minutie d'une imprimerie d'art et d'un atelier de reliure helvétique, assurément un coup de maître que de nombreux éditeurs chevronnés envieraient à l'apprentie. Tiré à 1000 exemplaires dont 150 de grand luxe, numérotés et sous coffret, c'est un véritable objet d'art, imprimé sur des papiers de premier choix, reliures traditionnelles de haute facture, tranche dorée, etc. Le plaisir de le tenir en main vient renforcer celui de parcourir ces lieux d'Alger « à nuls autres pareils », empreints d'histoire, de raffinement et de sens. De la Citadelle au Palais Mustapha Pacha, en passant pas Dar Essouf, Sidi Abderahmane, la villa Abdelatif, l'hôtel El Djazaïr et autres édifices qui ont conservé leur magie et la force de leur témoignage, le livre apparaît presque comme un recueil de poésie illustrée. La visite des jardins, architecture vivante sinon survivante du passé, est un autre ravissement de cet ouvrage où la sensibilité des images chuchote avec des citations et extraits littéraires particulièrement bien choisis et rendus par une maquette équilibrée. Un livre qui respire l'amour d'une ville aujourd'hui bafouée par la laideur et apparaît bien comme l'hommage à son père que son auteure a voulu. Chahida Dghine-Ousseïmi. Photos de Didier Jordan. Splendeurs cachées d'Alger. 196 pages. Edition à compte d'auteur, Genève, 2007. Présentation à la Galerie Arts en Liberté : 40, rue Boualem Bouchafa, Kouba aujourd'hui de 16 à 20 h.