Alger en sons, photos, musique, tchatche, bruits, ambiances… C'est “Alger Nooormal”, avec trois oh ! Un beau livre qui marque le grand retour de deux enfants terribles de la radio : Mohamed Ali Allalou et Aziz Smati. Une lectrice l'a qualifié de “Livre-poème”. C'est peut-être le mot. Paroles. “Alger est une parole, pas une ville”, écrit Allalou, star d'Alger Chaîne III, exilé à Paris depuis dix ans. Depuis qu'un oiseau de malheur a tiré sur son pote, Aziz Smati. Aziz, qui était avec lui ce samedi 24 septembre 2005, au Salon du livre de Peshawar, euh… d'Alger, pour présenter Alger Nooormal, leur bijooo. Avec trois “oh !” . Paru chez Françoise Truffaut, éditrice parisienne devenue algéroise au terme de cette aventure qui lui a appris à fredonner Edzayer ya assima, le fameux hymne de Abdelmadjid Meskoud, un tube “mondialement connu au niveau national” comme aime le charrier Allalou. Alger Nooormal, un livre fou comme ses auteurs, les deux enfants terribles de la radio dont l'humour, Dieu merci, est resté intact. Mais aussi d'un artiste photographe avec un grand A : Jean-Pierre Vallorani, JP pour les intimes. JP signera des photos d'anthologie. Des photos douces-amères d'où le cliché est exclu. Des photos si vraies, si tendres, si pures, instantanés feutrés des houmate, des fatchate et des gargotes d'Alger. Le matériau textuel, signale-t-on, est mixé, agencé et retravaillé par les soins de Mustapha Benfodil, auteur et journaliste connu pour son humour trash, lui aussi. Récapitulons donc : Alger Nooormal, ce sont des photos, de la musique et de la tchatche autour d'Alger ; des entretiens polyphoniques réunissant El Hadi El Anka, Abderrahmane Lounès, Bnet Leblad, Belgacem Aït Ouyahia, Farid Rocker, Meskoud, Jean-Jacques Deluz, architecte de renom, Monique, une vieille prostituée de la Casbah, Abderrahmane, un restaurateur de la Madrague, Mustapha Toumi, monstre sacré du chaâbi qui a commis, entre autres, Sobhane Allah Ya L'tif… quinze heures de rush au total que Allalou a dû charcuter la mort dans l'âme et qu'on retrouvera en partie dans le CD qui accompagne le livre. Un CD qui se décline comme un mixage explosif des musiques, des voix, des vannes, des cris, des blagues, des bruits et du houl d'Alger. “J'ai voulu à travers cette bande-son retracer un peu l'histoire sonore d'Alger, depuis les années 40 jusqu'à Kamel Messaoudi, le rap actuel”…, explique Aziz au public, venu nombreux assister au lancement du livre. Cela va ainsi de Chérie je t'aime, chérie je t'adore, Lili Boniche chantant Alger Alger, jusqu'aux Gnawa Diffusion et leur percutant Nâa Ding Dingue Dong. “Mais on trouve aussi de tout, l'USMA, Boumediène, Omar Gatlatou, Ali Benhadj… Ce n'est pas nostalgique, c'est historique”, dit encore Aziz Smati. Comme quoi, Alger Nooormal, “c'est un livre qui s'écoute, un film radiophonique” pour reprendre Aziz. À un moment donné, Allalou monte sur son siège en brandissant le livre haut devant les flashs des photographes et la caméra des RG. Allalou pavoise comme un gosse. “Un soir, on fumait du shit, et Aziz a balancé cette idée”, raconte l'ancien animateur vedette de “Contact”, de “Local Rock” et autre “Sans pitié”, émissions-cultes de la Chaîne III. De fait, l'aventure Alger Nooormal, c'est le croisement entre le projet de Aziz Smati de mixer 50 ans d'histoire musicale d'Alger et de l'éditrice Françoise Truffaut qui, dans le cadre de sa collection “Villes portuaires”, souhaitait faire quelque chose sur Alger. Françoise a tenu à rendre hommage à Aldo et Arlette Herlaut du CCF qui l'ont beaucoup aidée. Allalou reprend le micro. “Ça faisait dix ans que je n'avais pas traîné mon micro sur les trottoirs d'Alger. Quand j'ai pu le refaire, c'était une telle jouissance ! Et je crois que j'ai communiqué cette joie à JP”, confie-t-il. JP : “C'est une performance de découvrir Alger avec deux Algérois de qualité comme Allalou et Aziz. Je passais mon temps à serrer des mains et boire du thé. J'avais peur de trahir Alger mais très vite, je m'y suis senti dans le bain.” M. B. Alger Nooormal, Ed. Françoise Truffaut. Distribué en Algérie par Edif 2000. Prix Alger : 1 200 DA.