Le rapport de l'agence en charge du projet n'est arrivé que depuis une semaine sur le bureau du président Bouteflika. Il prendra le temps de décider. La désignation du lauréat du concours international d'architecture pour la grande mosquée d'Alger n'a jamais été gelée », affirme Mohamed Alloui, directeur général de l'agence nationale en charge de l'ouvrage. « Je me demande sur quoi se basent ceux qui ont rapporté cette information. Quel est le critère qui permet de juger des délais pour rendre une décision par la présidence de la République. Le rapport de l'agence a été remis il y a juste une semaine. Vous ne trouvez pas que c'est un peu normal que l'on prenne le temps de la réflexion avant de trancher. Il s'agit d'une œuvre qui va durer des siècles. » Le démenti de M. Alloui fait donc écho à celui du ministre de tutelle, M. Ghlamallah, et celui du chef du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem. Le quotidien El Khabar avait annoncé à la Une de son édition du lundi la décision du président Bouteflika de geler la seconde phase du concours, celle du choix de l'agence qui assurera la conception et le suivi du projet. Le premier quotidien arabophone a précisé que le directeur de cabinet à la présidence de la République, Moulay Kandil, était chargé de rédiger un rapport au sujet des infractions qui ont émaillé la conduite de cette opération. Principale cible de la démarche, Dessau-Soprin, le bureau d'études canadien qui a enlevé en 2006 l'appel d'offres pour assistance à maître d'ouvrage, n'aurait pas respecté, selon l'article d'El Khabar, les règles juridiques dans la confection et le suivi d'un cahier des charges. « Je suis très content de mon assistant de maître d'ouvrage », rétorque M. Alloui. L'agence qu'il dirige est le client de Dessau-Soprin « un bureau international de très haut niveau qui a fait ses preuves dans le monde. Le contrat prévoit que nous lui fassions appel à chaque étape en fonction de nos besoins. Et Dessau-Soprin nous a assistés convenablement conformément aux dispositions contractuelles ». L'article 13 permet de ne pas respecter le classement Qui a donc intérêt à charger ainsi le bureau Dessau-Soprin afin de faire annuler le concours après en avoir bloqué sa seconde phase ? Pour une des sources près du concours, « il faut chercher du côté des autres bureaux d'études qui ont été battus par Dessau-Soprin lors de l'appel d'offres pour l'assistance à maître d'ouvrage. L'un d'eux a un représentant en Algérie qui jure sur la place publique qu'il fera capoter la procédure et la fera reprendre depuis le début. Les rapports qui atterrissent sur le bureau présidentiel se sont peut-être fait l'écho de quelques-uns des arguments des concurrents de Dessau-Soprin ». A cette charge de longue date, forcément intéressée mais dont tous les arguments ne sont pas pour autant dénués d'intérêt, est venue s'ajouter le cafouillage dans la rédaction du rapport de l'agence après que le jury ait proposé son classement. El Watan en a déjà rapporté la teneur dans son édition du dimanche 11 novembre. En effet, le classement technique du jury a placé le projet de la très huppée agence parisienne Architecture Studio (AS) en tête devant celui du groupement d'études franco-algéro-britannique ATSP-Atkins, moins coûteux (50 milliards de dinars contre 28 milliards de dinars). Mais le ministère des Affaires religieuses s'est effarouché de l'approche architecturale contemporaine de ces deux projets et a tenté d'influer sur le rapport final en faveur du projet de l'agence germano-tunisienne, Kreber-Kiefef, en raison de sa plus grande référence à la tradition patrimoniale maghrébine. Complication dans le concours, ce projet plus cher que les deux autres favoris (54 milliards de dinars) n'était classé que troisième. M. Alloui se dit pourtant à l'aise vis-à-vis de la rigueur du rapport de son agence adressée à la Présidence : « L'article 13 du cahier des charges est très clair. Il dit qu'il existe un classement numérique et un classement de préférence. Tous les participants au concours le savent. » Il faut donc comprendre que l'agence a toute latitude juridique de préférer un autre projet que celui qui est le mieux classé. Le président Bouteflika également. Mais en attendant, les adversaires du concours tel qu'il a été conduit ont réussi à insinuer le doute dans la capacité de la procédure à aller à son terme. « Le président Bouteflika va prendre le temps de bien s'informer. Mais la probabilité qu'il fasse reprendre tout du début est très faible », estime un architecte proche du jury.