Le président Bouteflika a choisi d'entériner la préférence du ministère des Affaires religieuses. C'est le plus conventionnel des projets favoris qui l'emporterait. Le résultat du concours international d'architecture pour la grande mosquée d'Alger sera connu ce mercredi à l'occasion d'une cérémonie à l'hôtel militaire de Beni Messous. Les cinq agences encore en course dans la « short liste » ont été conviées à cette remise solennelle de prix au lauréat. Le Conseil des ministres entendra préalablement un rapport du ministre des Affaires religieuses, Bouabdellah Ghlamallah, sur la conduite du concours, un thème soumis à forte controverse. Selon une source proche du concours, « le président Bouteflika a décidé d'avaliser le choix préférentiel de l'agence en charge de l'ouvrage (ANRGMA) ». Il s'agit, comme annoncé par El Watan, du projet proposé par l'agence germano-tunisienne Kreber-Kiefef. Le projet qui a obtenu les faveurs du maître d'ouvrage (ANRGMA) est estimé provisoirement à environ 55 milliards de dinars sur la base d'un calcul dérivé du pourcentage que représente la rémunération de l'agence pour la conception et le suivi sur le coût total du projet. La conception architecturale du projet Kreber-Kiefef est qualifiée de « traditionaliste » par des architectes proches du jury. Elle fait abondamment référence aux thèmes classiques de l'architecture maghrébine, renouvelée encore à la fin du XXe siècle par la mosquée Hassan II de Casablanca. L'inclinaison du rapport final de l'agence de la grande mosquée d'Alger en faveur du projet de Kreber-Kiefef n'a pas été sans histoires. En effet, le jury international réuni après la réception des 17 offres d'agences n'a classé ce projet qu'en troisième position. Il était devancé dans l'ordre par celui de l'agence parisienne Architecture Studio (AS) et par celui du groupement anglo-franco-algérien ATKINS-ATSP qui présentait, en outre, la particularité de proposer un ouvrage à moins de 30 milliards de dinars ; 50 milliards environ pour AS. C'est l'approche architecturale plus audacieuse de ces deux projets qui aurait poussé les fonctionnaires du ministère des Affaires religieuses à se replier sur un style plus conventionnel. M. Ghlamallah pouvait faire jouer l'article 13 du cahier des charges qui donne la liberté au maître d'ouvrage d'établir un autre classement que celui qui émane du jury, comme nous l'a expliqué Mohamed Alloui, directeur général de l'ANRGMA. « Il existe un classement numérique et un classement préférentiel. » Le président Bouteflika a déclaré, il y a un mois, qu'il s'en tiendrait strictement au choix que lui proposerait l'ANRGMA. Il n'aurait pas changé de point de vue, à la fin de la semaine dernière, au moment d'avaliser la préférence proposée par le département de Ghlamallah pour le projet germano-tunisien. De nombreux observateurs estiment que la polémique qui a accompagné ce concours international d'architecture a poussé le président Bouteflika à ne pas exprimer de préférence personnelle. Les chances de retenir l'agence AS, classée en tête par l'expertise du jury, étaient contrariées, selon les spécialistes, par la réticence des Algériens à opter pour une formulation du béton — proposée dans le projet AS — qui allait réduire les prétendants à la réalisation de la mosquée, « seules trois ou quatre entreprises méditerranéennes détiennent les brevets de ce béton évolutif, parmi lesquelles le géant français Bouygues ». Le compromis aurait été alors d'opter pour le projet de ATKINS-ATSP, classé second, mais il semble que ce qui aurait dû faire l'un de ses atouts — outre son équilibre écologique (il prévoit de mettre la mosquée dans un parc) — s'est retourné contre lui. Pas assez cher. L'identité en bonne partie algérienne des architectes de ATSP n'a manifestement pas pesé dans les arbitrages du ministère des Affaires religieuses qui a attaché plus d'importance à l'identité culturelle du projet qu'à celle, nationale, de ses concepteurs. Enfin, il se précise que le forcing conduit dans les couloirs de la Présidence, par des recalés de la premières phase du projet (le choix de l'assistant au maître d'ouvrage), ait surtout été contre-productif. Le président Bouteflika aurait confirmé le choix du lauréat dans les 24 heures qui ont suivi la parution de l'article d'El Khabar annonçant le gel de la phase deux du concours d'architecture. Dommage, il y avait de vrais arguments chez d'autres opposants au concours qui méritaient d'être plus entendus.