La campagne électorale, qui prend fin demain à minuit, aura été jalonnée, 21 jours durant, d'une foultitude de dérives, de partis pris et de privatisation éhontée des symboles de l'Etat et de l'argent des contribuables. La saine compétition d'une campagne qui aurait pu se jouer autour des axes programmatiques des partis engagés a été faussée par des pratiques indignes qui ont ravivé le mauvais souvenir du fameux parti-Etat. En l'occurrence, le Front de libération nationale de Abdelaziz Belkhadem aura été l'instigateur et le principal bénéficiaire de cette « concurrence déloyale » dénoncée y compris par ce qu'il convient d'appeler les partenaires dans l'Alliance présidentielle. L'épisode le plus scandaleux de ces dépassements aura été sans doute l'usage abusif, illégal voire immoral de l'argent public par le ministre de la Solidarité nationale. M. Ould Abbas, qui confond allégrement sa qualité de ministre de la République avec sa casquette de militant du FLN, a usé et abusé des deniers publics pour booster la popularité de la tête de liste de son parti à Kouba, également président d'un club de foot de la municipalité. Et les promesses de notre ministre ne sont pas des paroles en l'air comme celles de ces candidats qui promettent monts et merveilles… Moins d'une semaine après son meeting à Kouba, « Sid el wazir » a envoyé 100 fauteuils roulants au profit des personnes handicapées et un bus à l'équipe du WRK (Wifaq Riadhi de Kouba) de son ami le candidat… Cette « mascarade » dénoncée par les cinq partis en lice (le RND, le FFS, le FNA, le MSP et le RCD) aurait, sous d'autres latitudes, suffi pour disqualifier le candidat du FLN et pourquoi pas précipiter le limogeage du ministre. Mais rien n'y fait. La bourse déliée de Ould Abbas continue à sévir et à servir généreusement les « frères » du front en mal de popularité au nez et à la barbe des autorités. On comprend mieux maintenant pourquoi il a été décidé de « zapper » la commission nationale indépendante de surveillance des élections qui aurait pu mettre le holà à cette confusion des genres. Mais ce n'est pas uniquement l'argent qui a coulé à flots durant cette campagne finissante. En bus pour un 3e mandat… Le FLN, encore lui, s'est distingué par une thématique discursive pour le moins curieuse pour des élections locales. Dans la majorité de ses meetings, Abdelaziz Belkhadem s'est fait fort d'appeler de ses vœux à une révision de la Constitution et bien sûr à une « Ouhda Thalitha » (troisième mandat) à Bouteflika. Comme si l'on était déjà en… 2009. Il est en effet moralement inacceptable et politiquement prématuré de haranguer les foules sur une élection présidentielle alors qu'on est censé les convaincre d'élire les candidats de son parti à la tête des APC. A moins que ce parti n'ait aucun bilan de sa gestion à exhiber ni un programme de campagne à mettre en avant à même de valoir une onction populaire à ses militants-candidats. La plaidoirie de Belkhadem pour un troisième mandat à Bouteflika est d'autant déplacée qu'elle engage également le chef du gouvernement qu'il est lui-même. Est-il donc un envoyé spécial de Bouteflika pour sonder le pouls de la « base » en prévision du printemps 2009 ? Ou alors s'agit-il simplement d'un excès de zèle d'un homme qui ne doit sa survie politique qu'à la seule personne du président de la République ? Mais dans les deux cas, Belkhadem aura aidé, à son corps défendant, à discréditer davantage le double scrutin censé effacer les traces de la gifle du 17 mai dernier. Il faut souligner, soit dit en passant, que le discours aux raz des pâquerettes de la majorité des candidats n'a pas vraiment réussi à capter l'attention du grand gisement des abstentionnistes. Encore qu'un surcroît de participation aux locales, jeudi prochain, ne serait pas ipso facto un signe de revitalisation de la vie politique tant les maires « gèrent » directement les préoccupations des citoyens. Passons sur l'usage abusif de l'emblème nationale et du portrait du président de la République par le FLN, pourtant patrimoine commun à tous les partis, et interdit par la loi. Il y a, par ailleurs, un autre dérapage à verser à l'actif de la télévision nationale dont les réflexes typiquement « parti unique » semblent avoir la peau dure. En effet, le talk-show intitulé, simplement, « Baramidjouhoum » (Leurs programmes) proposé durant cette campagne pour meubler le vide sidéral du débat contradictoire est, le moins que l'on puisse dire, politiquement très orienté. Les téléspectateurs auront certainement relevé la teneur des questions auxquelles ont eu droit Saïd Sadi du RCD et Karim Tabbou du FFS. Ces deux responsables politiques ont dû à plusieurs reprises s'accrocher verbalement avec l'animatrice. C'est à croire que l'émission était conçue comme un rouleau compresseur qui devait écraser les partis d'opposition sur son passage et, bien sûr, faire la part belle au FLN et à l'administration. C'est l'impression générale que laisse ce programme qui va être « zappé » aujourd'hui de la grille de l'ENTV. Et, jeudi soir, l'unique reprendra son unicité et le discours politique se déclinera sur un ton monocorde. Comme au bon vieux temps… du vieux front ! A l'unisson.