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Les élections bouleversent le quotidien de la vallée du M'zab
Ghardaïa la conservatrice se dévoile
Publié dans El Watan le 29 - 11 - 2007

La vallée du M'zab a troqué ses légendaires quiétude et calme pour le tumulte électoral, le temps d'une campagne qui aura duré une éternité pour certains et juste l'espace d'un clin d'œil pour d'autres. C'est dire que les avis sont mitigés dans cet antre du conservatisme qui voit naître de ses entrailles un bouleversement incontrôlé échappant à la compréhension des gardiens du temple sacré de l'ibadisme.
Ghardaïa : De notre envoyée spéciale
Un mouvement sans précédent s'est emparé du très célèbre souk de Ghardaïa. Est-ce là la dynamique commerciale créée par la célébrissime vente à la criée qui fait dérouter le plus chevronné des marchands ? Que nenni, d'autres voix sont venues se greffer à ce décor des marchands des mille et une nuits, celles de la campagne pour les élections locales. Se faisant face ou situées l'une à côté de l'autre, des permanences électorales, chargées de couleurs politiques et de stridents slogans, se sont frayées une place parmi les senteurs d'épices et les négoces de tapis. De ce côté-ci, un chant patriotique émanant d'un mégaphone fait presque voler en éclats la marchandise de l'étal de cacahouètes. De l'autre côté de la place les poèmes de Moufdi Zakaria sonnent comme un appel à l'introspection destiné à faire jaillir cette image du Mozabite entièrement impliqué par la cause nationale. Tous les bureaux de campagne misent sur la fibre nationaliste pour faire arrimer le bateau Ghardaïa au port du 29 novembre afin de choisir sa trajectoire. Voguant sur une mer de sable, à lente cadence, Ghardaïa est bel et bien entrée dans une autre ère, celle de la politique. Un secteur qui pourtant a longtemps fait objet de frilosité et de suspicion de ce côté-ci du Sud. Les anciens Mozabites n'aiment pas la chose politique, ignorant pourtant que gérer les affaires d'un arch ou d'une tribu est déjà un acte aussi bien social que politique. A plus forte raison lorsqu'un ensemble de archs se fait gardien d'une culture et d'un mode d'organisation sociale particulier. Une organisation sociale basée sur des instances juridico- religieuses dédiées à l'Etat rostomide, perpétuée à travers les siècles sans perturber le cadre général de gestion administrative des institutions publiques officielles. L'échelle hiérarchique sociale de la communauté mozabite fait que la famille en est l'unité de base, suivie de la fraction achira, de la tribu et le arch englobant sous son aile les habitants du k'sar. Sur le plan religieux, un conseil des sages se présente comme l'organe législatif et exécutif de la communauté. Le choix du souk comme lieu de propagande électorale n'est nullement fortuit. Le marché de Ghardaïa est l'âme même de la ville, son cœur palpitant par lequel se mesure sa vie économique, sa vie sociale et sa richesse culturelle perpétuée au fil des siècles. C'est même le lieu de rendez-vous par excellence de tous les Ghardaouis, leur point de chute où ils échangent, en dehors des réunions des conseils des sages, leurs idées sur les affaires de la cité. C'est le centre névralgique de cette pentapole aux mille secrets. Tous les Ghardaouis, grands et petits, affluent tous les jours vers ces lieux où le marketing, plus qu'une science, est carrément une seconde nature chez les marchands. Nul étonnement à cela, puisque Ghardaïa a de tout temps été une plateforme commerciale et caravanière « d'où vont transiter l'ensemble des échanges commerciaux entre le centre du Maghreb du Nord et l'Afrique sahélienne ». Cette situation n'a pas été sans lui jouer des tours ces dernières années, puisque devenant un lieu de transit par excellence d'un nombre de fléaux comme la contrebande ou l'émigration clandestine.
Les partis bousculent les idées reçues
Si le reste de l'Algérie a vécu dans toute sa globalité les effets de l'ouverture politique, la vallée du M'zab a préféré garder ses distances avec le vent du changement. La crainte des Mozabites résidant dans la perte de ce qui leur est le plus cher, leurs traditions et particularités sociales. Comme le vent du changement a eu le souffle long, les portes de Ghardaïa n'ont pu résister à ses sollicitations. Dès le début des années 1990, les différentes formations politiques ont tenté de pénétrer dans le mur des forteresses de la vallée, en vain. La mainmise des partis-Etat a eu raison de la persévérance des autres formations politiques. Aujourd'hui, une mutation s'opère dans cet antre du conservatisme qui renonce à abjurer le changement, mais apprend à l'écouter et le voir se mouvoir à l'intérieur même de ses murailles. « Cette fois-ci, nous avons le choix entre trois listes au lieu d'une seule, je vais donc voter », nous dit un homme d'âge moyen accompagné de sa femme voilée à la mode de chez Beni M'zab, un drap blanc en guise de voile drapé sur tout le corps dont n'apparaît qu'un seul œil se méfiant de tout regard étranger. Cet homme nous révèle qu'à El Ateuf, la commune à laquelle il appartient, c'est la première fois que trois listes différentes sont proposées au choix des électeurs. « Avant, on nous présentait soit une liste indépendante soit une liste FLN selon ce que la communauté a décidé. Aujourd'hui, pour cette élection, il y a un léger changement et je vais le saisir », nous dit-il avec un large sourire voulant effacer le refus de sa femme de nous parler. Kamel Eddine Fekhar, membre du conseil national du FFS et premier responsable du bureau du même parti à Ghardaïa, nous explique cette situation par le fait que « le pouvoir a de tout temps exercé une sorte de chantage sur les Mozabites. Soit on soutient une liste donnée soit l'Etat surseoira aux quelques privilèges accordés à la communauté ». En termes de privilèges, notre interlocuteur nous parle de la préservation du rite ibadite. « Il faut savoir qu'il existe à Ghardaïa de nombreuses écoles privées enseignant les préceptes du rite ibadite en plus de l'enseignement du programme officiel. Si les notables de la région refusent de donner leur quitus au pouvoir, la menace de voir ces écoles fermées deviendra réelle », explique M. Fekhar en soulignant que « le pouvoir a pris la légendaire tolérance des gens de la région pour de la faiblesse. C'est pour cela que l'arrivée du FFS a cassé cette relation de domination de l'Etat sur la population », dira-t-il. Ce dernier dont le nom s'est vu associé aux événements de 2004 à Ghardaïa où, avec un nombre de jeunes Ghardaouis, il a été emprisonné pour atteinte à l'ordre public, considère que le harcèlement contre les démocrates est une réalité. « Les Ghardaouis ont montré en 2004 qu'ils sont partie à part entière de ce pays et ont manifesté leur colère pacifique contre la hogra. Aujourd'hui, l'officialisation du rite ibadite nous permettra de libérer notre communauté de la menace de qui que ce soit. » Notre interlocuteur estime qu'aujourd'hui les structures lourdes chargées par le passé de la gestion de la cité se sont désengagées de la chose politique. « Nous ne voulons pas bousculer les choses, mais faire admettre à nos concitoyens que nos traditions sont puisées des règles mêmes de la démocratie. Il ne faut pas s'attendre à ce que cela change aujourd'hui, mais nous y travaillons sur le long terme. » Ammi Daoud, un sage parmi les gens de la cité, ne voit pas d'un bon œil l'apparition des formations politiques sur le terrain mozabite. « Qu'ils nous laissent tranquilles. Que veulent-ils nous faire. Tout cela n'est que vacarme et brouhaha », dit-il en regrettant le calme des années 1970. Assis sur un banc et faisant face au tumulte du marché, Ammi Daoud, d'une djellaba blanche vêtu, assortie à la couleur de sa barbe, nous dit, éreinté par les quelques marches franchies dans les méandres du souk : « Il faut toujours revenir aux anciens. Que ces jeunes le comprennent bien. » D'un souffle lent, il ajoute par ailleurs : « Que peuvent bien nous apporter ces élections ? Qu'avons-nous fait de l'argent du pétrole ? » Et à un marchand de dire à son tour : « Je suis heureux lorsque l'appel à la prière retentit car cela sonne la fin du vacarme électoral. » Et de renchérir : « Moi je veux qu'on me dise ce qu'il adviendra du métier à tisser, de nos tapis et de notre quiétude. »
« Quelles élections ? Je pense d'abord à payer mes factures »
Nous laissons l'animation marchande du souk pour les venelles de la ville. Les quelques affiches électorales collées sans trop d'ostentation attirent peu les passants. Il faut dire aussi qu'ils ont eu largement le temps de les examiner pendant une vingtaine de jours de campagne. Adossés au mur d'un café, deux jeunes hommes s'échangent des mots. Nous perturbons ce dialogue peu enjoué pour savoir ce qu'ils pensent de ces joutes électorales. « Déjà de par notre métier nous ne nous sentons pas concernés par ces élections. Nous sommes routiers et avons des familles à nourrir, c'est tout ce qui nous importe. Je n'ai même jamais eu de carte de vote », nous dira le plus jeune. Pour celui dont le gris commence à menacer la noirceur de ses cheveux, les promesses électorales ne sont pas les bienvenues. « Je ne vois ma famille qu'une seule fois par mois. Qu'ont-ils fait pour que mes enfants aient d'autres sources de revenus ? Pourquoi voulez-vous que je pense à eux ou à leur progéniture qui est à l'abri du besoin ? », lance-t-il en regrettant d'avoir déjà voté par le passé. Et à son ami de rétorquer : « Les jeunes sont les oubliés de cette terre. » Le même ton de rejet de cette consultation électorale émana cette fois d'un groupe de vieilles personnes dont les ennuis d'audition renseignent sur leur âge bien avancé. « J'ai 12 garçons et 8 filles et j'arrive à peine à les nourrir. Avec 700 DA par mois de la retraite et les 10 000 DA de la location de mon local, j'arrive à peine à acheter le strict nécessaire », nous dit l'un d'eux. Et à lui de continuer : « Il faut payer l'électricité, l'eau et la Lahda à 200 DA, et la pomme de terre à 55 DA, et la semoule à 600 DA, comment voulez-vous qu'on vive ? » Son ami regrette pour sa part le manque d'intérêt pour l'agriculture dans la région. « Je ne peux pas cultiver la terre. Le fait d'acheter la semence est déjà problématique. L'arrosage n'en parlons pas. L'Etat ne nous aide pas. Ils sont loin de nous là-bas dans leurs fauteuils. » Avec des étincelles dans les yeux, ce brave vieil homme accuse : « Pourquoi à l'époque coloniale cette terre était-elle fertile et arrivait à nourrir toute la France et même d'autres pays ? Et aujourd'hui elle est aussi aride et asséchée. N'est-ce pas la même terre qui a besoin de la même eau ? » Et au premier de revenir : « Disons qu'on est vieux et on ne sert à rien ; qu'ont-ils fait pour les jeunes qui n'arrivent même pas à se marier ? Ils passent leur jeunesse collés au téléphone en avançant dans l'âge. Leur vie est devenue une succession de paroles en l'air. » C'est une jeune femme qui trancha avec ce discours en s'invitant à la discussion. « Moi je vais voter car c'est un devoir. Ce qu'ils feront de ma voix c'est leur problème. Moi je remplirai mon devoir et à eux d'en faire de même », dira-t-elle. Elle émettra un bémol en lançant ce verdict ô combien réaliste : « Avec les 100 milliards de dollars dans les caisses, nous devrions vivre comme des princes, à l'image des Koweïtiens ou des Emiratis, mais malheureusement on est bien loin d'être des princes avec nos moyens de survie de misère. » Nous avons pris l'engagement de parler à une des femmes drapées dans leur voile blanc. Ce fut chose faite grâce à une vieille femme dont les quelques rides entourant son unique œil en l'air renseignent sur son âge avancé : « Bien sûr que j'irai voter, parce que je l'ai toujours fait. Maintenant pour qui, je ne sais pas, je ferai comme on me le dira de faire ou suivrai tout le monde, c'est tout. » Elle s'empressa de nous serrer la main et partir comme pour échapper à la crainte de dire des bêtises. Il est vrai qu'elles ne sont pas habituées dans la région à se dévoiler.
Bousmaha Saadia défie le poids des traditions
Agée d'une soixantaine d'années, grand-mère et présidente d'une association, Bousmaha Saadia a franchi avec courage la ligne de départ de la course électorale pour les sièges de la wilaya de Ghardaïa. Inscrite au treizième rang sur la liste FLN, Bousmaha Saadia, née à Ghardaïa, n'a pas hésité à défier les traditions et les préjugés en entrant dans l'arène politique réservée traditionnellement aux seuls hommes dans la région. « Avec ma camarade Benkhlifa qui est quatrième sur la liste FLN, c'est la première fois que des femmes sont arrivées à pénétrer le domaine politique. C'est pour nous déjà une victoire », nous dit Bousmaha en précisant que la femme de Ghardaïa se doit de montrer qu'elle est utile pour le pays. « J'ai une amie qui est maire à Tipaza, je me suis dis pourquoi pas dans le Sud, la femme sudiste est tout aussi capable de gérer les affaires de la cité », souligne notre interlocutrice en se préparant à faire son dernier meeting de campagne face à un auditoire mixte d'hommes et de femmes.
« Dites-le à Bouteflika »
Un vieil homme que les dents et la jeunesse ont quitté depuis longtemps s'approcha de nous en constatant qu'il avait affaire à des représentants de la presse et nous siffla cette phrase d'une naïveté pas commune : « Quand vous rencontrerez Bouteflika, prenez-le en aparté et dites-lui sans que ceux qui l'entourent vous entendent que la situation est vraiment difficile ici-bas. Comme cela, il saura qu'on lui a menti et il fera certainement quelque chose pour nous. » Et d'ajouter : « Il est entouré de loups, il doit être informé de ce qui se passe, dites-le lui s'il vous plaît. » Nous ne sûmes quelle attitude avoir après une telle supplique que de prier pour que son appel trouve un écho.


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