Manches retroussées et masques chirurgicaux, les citoyens se mettent au travail, côte à côte avec les éléments de l'ANP. Il fait un temps printanier en ce 18 octobre à Ghardaïa, la ville qui a connu une catastrophe naturelle le jour de l'Aïd El Fitr. Deux semaines après, la région se relève, difficilement mais sûrement, de son drame et la vie reprend son cours normal. En allant de l'aéroport vers le centre-ville de Ghardaïa, plusieurs bâtisses en dur commencent à prendre forme. Des centaines d'ouvriers besognent comme des fourmis. En entrant dans la ville de Ghardaïa, une file de voitures, sans précédent, asticote les chauffeurs. La deuxième voie du boulevard principal a été emportée par les eaux, ce qui rend la circulation très difficile. Tous les habitants de la ville, portant des bottes et des masques chirurgicaux, ont retroussé leurs manches et se sont mis au travail, côte à côte avec les éléments de l'ANP et de la Protection civile. Le port du masque est indispensable, pas seulement pour échapper à la poussière envahissante, mais aussi en raison des odeurs nauséabondes qui se dégagent. L'amertume se lie sur les visages. Avec une catastrophe d'une telle ampleur, la situation nécessitera des mois pour voir les stigmates s'effacer. Les gens sont fatigués de se battre contre l'eau et la boue qui ne sèche pas, dans une région où il est impossible de faire appel à des engins des travaux publics. Les habitants du centre-ville dégagent l'eau à l'aide de seaux et de pompes hydrauliques de leurs caves, opération qui ne semble pas connaître de fin. Dans le quartier de Baba-Saâd, nous avons l'impression que l'inondation date de plus de deux semaines, tant le niveau de l'eau et de la boue reste assez élevé. Difficile de se frayer un chemin dans ce bourbier. En dehors de la ville de Ghardaïa, en allant vers El Atteuf et Bounoura, la vie reprend difficilement son cours. Les traces du niveau d'eau qui dépasse, à certains endroits, les 2,5 m, interpellent les regards des étrangers à la ville. Un vrai spectacle de désolation! Des voitures et des meubles, emportés par la furie des eaux de l'oued M'zab, continuent à «briller» sur la vallée. A El Atteuf, la cité édifiée par les Ibadites, il y a un peu plus de mille ans, dans la vallée du M'zab, les eaux ont tout emporté. Maisons totalement ou partiellement détruites, routes défoncées, écoles inondées, pylônes électriques arrachés et passerelles cassées en plusieurs endroits. Les 100 locaux par commune, prévus dans le programme du président de la République, fraîchement achevés, ont résisté, mais les portes et les fenêtres ont été arrachées par l'oued. Du côté de la commune de Bounoura, le décor est le même, sauf que les sinistrés s'impatientent devant les retards accusés dans les opérations de déblaiement ou dans l'acheminement des aides. Ils attendent des chalets promis par le chef du gouvernement. La solidarité chez les Mozabites peut et doit servir de modèle. Beaucoup de familles sinistrées ont été prises en charge par leurs proches. «Les premiers habitants sédentaires de la Vallée du M'zab ont construit sur les hauteurs et cela pour deux raisons, l'une pour, justement, surveiller les crues, l'autre pour des raisons défensives face aux invasions des tribus voisines», nous a expliqué Hadj Abdelaziz Omar, l'un des notables de la région et directeur du centre de formation non étatique. La tour Boulila et les remparts du ksar de Béni Izguène, en sont les témoins. «Si on avait suivi les traditions de nos aïeux, la catastrophe n'aurait pas eu lieu», a-t-il ajouté. Oui, c'est vrai, aucun ksar historique n'a été touché par la déferlante des eaux fluviales. Selon toujours les historiens et urbanistes, différents événements ont désarticulé l'organisation géosociale et entraîné des excroissances urbaines, faisant de Ghardaïa une cité ordinaire. Des maisons et des cités ont envahi l'espace vital de la palmeraie ainsi que le lit de l'oued. La brusque rupture encore inexpliquée, il y a près de quatre siècles, du processus ksourien, amorcé dans la Vallée du M'zab, puis poursuivi plus au nord où l'on vit naître les ksour de Guerrara et de Berriane, aurait accéléré le surpeuplement de la vallée. Après la catastrophe qui va marquer à jamais les habitants de ces villes, les travaux de certaines villes nouvelles ont commencé. Les erreurs de conception sont à éviter. «Il faut maintenant revenir à la nature des choses, l'oued doit retrouver son origine», a martelé le chargé de communication de la wilaya. En prévision de la réalisation des villes hors vallée, sécurisant et protégeant les populations et leurs biens des «colères» intempestives de l'oued, la priorité est aujourd'hui de veiller à l'interdiction systématique de toute nouvelle construction sur les berges de l'oued. Pour ce qui est du barrage, qui va être construit dans un avenir proche, les oumanas de la région, comme ils ont l'habitude de les appeler, refusent sa construction. «Le barrage va dépouiller la vallée de sa beauté», ont-ils avancé comme argument. Les habitants de la vallée proposent la construction de plusieurs digues qui freineront l'avancée des eaux tout en respectant leur cours. Les vieux ou les gardiens des traditions estiment que l'oued déborde une fois tous les 50 ans. La dernière catastrophe, à en croire leurs propos, a été enregistrée en 1960. Même si les prophéties de la région s'avèrent justes, les autorités et les habitants de la région peuvent largement se prémunir contre d'éventuelles catastrophes.