Le passage tunnel d'El Biar, construit au début des années 1980 par l'entreprise Hydroelektra de l'ancienne République de Yougoslavie, ne draine plus grand monde. La fréquentation de ce corridor, qui relève beaucoup plus de la curiosité envers la galerie commerçante que du confort et l'esthétique urbains, n'aurait duré finalement que le temps d'une inauguration. A l'origine, la réalisation de ce souterrain piétonnier était dictée par le souci des pouvoirs publics de canaliser le flux des passants et améliorer par la même occasion le trafic routier en surface. Comme pour manifester leur réprobation, les El Biarois se sont mis aussitôt à bouder cette galerie, creusée pourtant à grands frais dans les entrailles de la place Kennedy. Le tunnel s'étend de la rue Mohamed Chonit (ex : rue des Ecoles) jusqu'à l'avenue Colonel Djellali Bounaâma avec pas moins de dix embouchures de perrons. Soit deux ouvertures à chaque extrémité du carrefour. La gent féminine, réputée pour faire le bonheur des commerçants, s'est mise aussi de la partie. Le divorce, ainsi consommé, a vite fait d'entraîner la faillite des heureux adjudicataires d'hier. D'autres se sont heurtés à la résiliation de leur contrat de location pour non-paiement des loyers. Seuls quelques boutiquiers prestataires de services s'échinent vaille que vaille à survivre. La fâcherie collective a produit ses conséquences perverses. Le souterrain baigne dans l'obscurité et le sentiment d'insécurité est perceptible. Autres désagréments, la bouche d'escaliers située du côté de Cupidon sent l'urine, et quelques bouteilles de bière attestent du passage des adorateurs de Bacchus. La liste des griefs n'est pas pour autant exhaustive, si l'on se réfère aux déclarations de ce « bouquet » de lycéennes : « La tranquillité est aléatoire en surface, alors que dire dans le tunnel. On craint beaucoup pour notre sécurité. » Un riverain enchaîne sur le même registre : « Il est beaucoup plus aisé de traverser au milieu des voitures que d'emprunter ce tunnel. D'ailleurs, il est sinistre. » Ce sont là autant d'arguments qui reflètent l'hostilité des El Biarois envers leur « catacombe », en dépit du nettoyage quotidien entrepris par les agents de Netcom et l'affectation d'un agent de sécurité par l'EGCTU. Du côté des services techniques de l'APC, le discours ne prête guère à l'euphorie. « L'APC ne dispose pour le moment d'aucun plan susceptible de réconcilier le citoyen avec cette infrastructure », nous confie notre interlocuteur. Réconciliation ! Le mot est lâché. La place Kennedy a pourtant brillé de mille feux par le passé à l'occasion des festivités culturelles en série. Les El Biarois ont encore en mémoire l'exposition du musée de la voiture et les quinzaines de la floralie, pour ne citer que celles-là. La dernière en date est le Salon automobile organisé au niveau supérieur par un constructeur asiatique. C'est dire que le cadre est agréable et se prête aux manifestations culturelles, à condition de mettre de la volonté au chapitre de l'animation. L'occasion est donc propice pour tendre la main aux artistes de la commune. Les locaux existent. Il est certain qu'ils en feront un meilleur usage. Par Nazim Djebahi