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Etienne Balibar. Professeur français de philosophie politique et morale
« Nos sociétés doivent faire ensemble leur histoire commune »
Publié dans El Watan le 02 - 12 - 2007

Professeur émérite de philosophie à l'université de Paris-X, Nanterre, professeur à l'université de Californie, à Irvine, Etienne Balibar se distingue par sa verve, ses analyses pertinentes et ses travaux sur des questions aussi sensibles et complexes que celle de l'identité nationale. Rencontré en marge d'une conférence-débat, tenue le 25 novembre au Centre culturel français d'Alger, M. Balibar, qui a vécu en Algérie de 1965 à 1967, où il a enseigné à l'université d'Alger, nous livre dans cet entretien sa propre analyse des rapports entre l'Algérie et la France, notamment en ce qui concerne la mémoire. Il nous donne également sa propre perception de l'idée de construire une union méditerranéenne. Auteur de plusieurs livres dont Sans-papiers : l'archaïsme fatal, sorti en 1999, M. Balibar apporte un regard critique à la politique d'immigration mise en œuvre par le président Sarkozy et décortique l'épineux problème des sans-papiers.
L'Algérie a ratifié un accord d'association avec l'Union européenne dont l'une de ses clauses parle de la libre circulation des personnes. Dans la réalité, on voit de plus en plus de restrictions que de facilités sur les mouvements migratoires de l'Algérie vers cet espace européen. Quelle analyse en faites-vous ?
Le droit à la libre circulation des personnes et son corrélat, qui est le droit d'installation, sont reconnus comme des droits fondamentaux depuis plus d'un demi-siècle, soit depuis la charte universelle des droits de l'homme de 1948. Dans le principe, tous les Etats du monde devraient essayer de s'en inspirer au même titre que ce qui concerne la liberté de la presse ou bien les élections démocratiques. Dans les faits, nous en sommes très loin, et ce, pour différentes raisons. Premièrement, parce que les tendances du capitalisme contemporain vont faciliter la circulation des capitaux, éventuellement des marchandises dans une certaine mesure, mais pas celle des personnes. Il y a une formidable inégalité de ce point de vue. Ensuite, parce qu'à l'intérieur même de la circulation des personnes, les différences de classes jouent un rôle déterminant. Il y a beaucoup plus de libre circulation pour les hommes d'affaires et à un degré moindre pour les universitaires que pour les travailleurs, en particulier ceux en provenance des régions les plus pauvres de la planète, même si on a besoin d'eux. Troisième et dernière raison, parce qu'il y a des obstacles idéologiques qui sont liés à l'héritage de l'impérialisme, au racisme (il faut appeler les choses par leur nom) qui est l'héritage maudit de la colonisation et qui malheureusement se trouve en ce moment réactivé par l'atmosphère qui règne dans le monde depuis que la guerre au terrorisme a été mise à l'ordre du jour. D'où, évidemment, un surcroît de restrictions qui s'accompagnent de stigmatisation des populations d'une partie du monde, jugées potentiellement indésirables ou dangereuses en Europe et en Amérique du Nord. Je me place donc dans le principe de ceux qui militent pour que toutes ces discriminations, toutes ces inégalités soient levées dans la mesure du possible et le droit à la circulation reconnu. Ceci étant, un droit fondamental n'est pas une liberté absolue. Tout droit fondamental suppose une régulation, donc le droit à la libre circulation comme les autres. Il faut bien le contrôler, en organiser la mise en œuvre et le réguler. Simplement, il conviendrait que cette régulation se fasse de façon contractuelle et non pas de façon discrétionnaire. Dans le monde d'aujourd'hui, le privilège est de contrôler les entrées et les sorties sur leur territoire et de ceux que les Etats veulent conserver jalousement. Au mieux, ils acceptent de se mettre en commun, comme l'a fait l'Europe de Schengen, pour exercer une surveillance commune aux frontières. Mais ce qu'ils n'envisagent pas, et l'Algérie pas plus qu'aucun autre pays, c'est de négocier, de discuter de la circulation, des modalités de passage des frontières avec l'autre côté et avec les principaux intéressés ; c'est-à-dire, les individus eux-mêmes. C'est pourquoi il faut admettre l'idée de régulation, mais en même temps en démocratiser sérieusement les modalités étatiques.
Le président français se rendra en Algérie au début de ce mois-ci pour une visite d'Etat. Peut-il y avoir un partenariat d'exception ou stratégique entre l'Algérie et la France sans qu'il y ait une prise en charge réelle et définitive de la question de la mémoire ?
La question de la mémoire se pose des deux côtés. Du côté français, on a besoin de faire un effort sérieux pour regarder de façon non seulement critique, mais autocritique ce qu'a été la colonisation française. Et du côté algérien, de cesser d'instrumentaliser l'histoire de la colonisation pour essayer de faire chanter le partenaire français. Dans cette affaire, je renvoie les Etats et les chefs d'Etat dos à dos. Je ne suis ni pour l'exaltation de la mémoire coloniale ni pour réclamer la repentance. Je suis pour que les sociétés françaises et algériennes fassent ensemble l'histoire de cette période qui est évidemment celle d'une violence très grande et très forte, exercée par la France — et donc par l'Europe d'une certaine façon — sur l'Afrique du Nord et l'Algérie en particulier. A mon avis, il est beaucoup plus significatif qu'on écrive des manuels d'histoire en collaboration plutôt que de multiplier des déclarations officielles.
Que pensez-vous de l'initiative d'une union méditerranéenne, prônée et défendue par le président français, Nicolas Sarkozy ? Est-il encore possible de réussir la construction d'un ensemble euro-méditerranéen après l'échec du processus de Barcelone ?
Je crois à la nécessité de construire un ensemble méditerranéen qui sera un ensemble politique en particulier pour faire un contrepoids à l'influence des Etats-Unis dans cette partie du monde, mais aussi pour trouver un partenariat entre l'Europe et les pays arabes de façon à faire avancer la solution de la question palestinienne. Aussi, j'appuie l'idée d'un espace méditerranéen commun qui permettra un partenariat économique équitable, parce qu'au fond, le développement des deux rives de la Méditerranée – même s'il y a d'autres facteurs dans le monde – dépend d'une coopération plus étroite et plus équilibrée. Et enfin, un espace méditerranéen de dialogue culturel de façon à mettre en échec la perspective sinistre des chocs de civilisations. Cela de manière à mettre en faveur, malgré tous les obstacles et toutes les difficultés, ce qui fait le fonds commun très important et historiquement millénaire de la culture commune à toutes les régions qui entourent la Méditerranée plutôt que de laisser libre cours aux logiques d'affrontement et de replis fondamentalistes, des deux côtés d'ailleurs. Tout cela me paraît vital. C'est dire que toute proposition de relancer la construction euro- méditerranéenne paraît positive. A condition qu'elle ne soit pas simplement de l'ordre de la publicité ou d'effets d'annonce ou de la manœuvre politique de circonstance. Je n'ai pas à apporter des jugements à l'avance sur ce que proposeront les présidents français et algérien. J'espère que cela pourra aller dans le sens d'un dépassement réel des obstacles que vous avez mentionnés, à savoir une relance par-delà l'échec du processus de Barcelone et pas simplement une déclaration de circonstance.
L'arrivée, en mai dernier, de Nicolas Sarkozy au sommet de l'Etat a induit des changements importants dans la politique française de l'immigration. Que pensez-vous du durcissement du traitement répressif de cette question ? Et quelle appréciation faites-vous de la politique de l'intégration des émigrés en France ?
Je n'étais pas favorable au programme de Sarkozy pour différentes raisons. La perspective d'un durcissement, d'une aggravation des aspects répressifs de la politique d'immigration faisaient partie des raisons que j'avais pour me méfier de ce programme. Les choses qui se passent en ce moment à cet égard, sans représenter, il faut le dire d'ailleurs, une révolution ou un infléchissement radical de ce qui s'est fait dans la période antérieure, vont malheureusement, me semble-t-il, toujours et un peu plus que précédemment dans le sens que j'appelais répressif ou restrictif. Il y a plusieurs aspects à cela : certains sont directement administratifs et consistent à essayer de durcir la politique d'expulsion de l'immigration clandestine, à limiter toujours davantage les possibilités d'entrée légalement sur le territoire français par la distribution de visas, à instituer en théorie (on verra ce que cela va donner après) des quotas, sinon par nationalité, en tout cas par profession. Pour une part, c'est naturellement verbal. C'est-à-dire que la réalité de l'immigration n'est pas affectée dans sa masse par ces décisions. Mais cela tend tout de même à renforcer au niveau de la population française l'idée que l'immigration est quelque chose d'anormal, de dangereux ou d'inquiétant. Alors qu'on sait bien que l'économie et la société françaises ont besoin d'immigration. C'est donc un jeu dangereux avec les sentiments xénophobes d'une partie de la population française, lequel est destiné à donner des satisfactions idéologiques à cet électorat. Dans une période où le nationalisme a tendance à se renforcer partout dans le monde et non pas seulement en France, j'estime pour ma part que c'est une politique irresponsable. A côté de cela, il y a un problème beaucoup plus fondamental, qui est celui que vous évoquez lorsque vous parlez de l'intégration. L'intégration est une notion instable, très équivoque, qui est susceptible de pencher soit dans le sens de la vieille notion d'assimilation, soit au contraire dans la direction d'une société toujours nationale, mais plus diverse, pluraliste et multiculturaliste. C'est déjà largement le cas dans la réalité. La plupart des gens, dont on exige qu'ils s'intègrent, sont en réalité déjà intégrés par leur travail, par leur famille, par leur vie familiale, par leurs études, par leur contribution culturelle... J'estime qu'au lieu d'agiter le fantasme de l'émigré inassimilable, soit en raison de sa religion, soit en raison de son origine ethnique, soit même quelquefois malheureusement pour sa couleur, on ferait mieux de prendre acte du fait que la société française est d'ores et déjà une société profondément renouvelée, multiple dans sa composition, et essaye de construire des institutions pour vivre ensemble.
La question des sans-papiers, sur lesquels vous avez édité un livre en 1999, demeure toujours posée aussi bien en France que dans d'autres pays. Quelle solution préconisez-vous à ce problème ?
Il n'y a sûrement pas de solution miracle à ce problème. Moi-même, j'ai beaucoup milité dans les mouvements de soutien des sans-papiers qui demandaient leur régularisation.Périodiquement, d'ailleurs, en France aussi bien que dans d'autres pays européens, les gouvernements sont obligés de régulariser plus ou moins massivement une partie des sans-papiers. La distinction entre les migrants légaux et illégaux est en bonne partie produite par l'administration elle-même. Une distinction largement artificielle qui ne correspond ni aux besoins économiques ni aux situations sociales et qui répond à deux impératifs. Le premier est de trier les flux de migrants : une méthode extrêmement grossière et très peu efficace. Et d'autre part, c'est d'entretenir la sécurité. Alors, la sécurité sert à quoi ? Elle sert à deux choses : à maintenir une partie de la population ouvrière dans une situation inférieure ou pas facilement revendiquée (si vous êtes un sans-papiers et que vous essayez de réclamer une augmentation de salaire, on vous dénonce ou on vous chasse). D'autre part, elle sert à entretenir (ce qui est un jeu beaucoup plus dangereux) l'animosité d'une partie de la population française à l'égard d'étrangers illégaux et par conséquent considérés comme inquiétants ou dangereux. Plus la situation sociale en France est difficile pour un grand nombre de gens, plus au fond on a la tentation de désigner des boucs émissaires et d'isoler une population qui est en butte à la répression policière ou à une espèce de surveillance permanente. Le premier impératif aussi bien rationnel que démocratique en la matière, c'est de regarder la réalité en face. C'est-à-dire voir que l'immigration dite clandestine fait partie des flux normaux de l'immigration. Cela nous ramène au problème précédent, à savoir comment réguler les flux d'immigration. Certainement pas par une méthode discriminatoire et largement arbitraire qui consiste à mettre d'un côté les étrangers et de l'autre les mauvais.
Que pensez-vous de l'institution d'un ministère de l'Immigration en France ?
L'identité nationale ne devrait jamais faire l'objet d'un ensemble de décisions ministérielles. C'est un processus collectif qui doit évoluer par ses propres moyens démocratiques. L'intégration est une notion très équivoque qui oscille entre la civilisation d'un côté et le pluralisme de l'autre. La régulation de l'immigration relève du ministère de l'Intérieur. Je considère ce ministère au mieux comme inutile et au pire comme dangereux.


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