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Stephane Babey.Journaliste, écrivain
« L'identité de l'errance »
Publié dans El Watan le 06 - 12 - 2007

S'inspirant de son histoire personnelle, ce journaliste français signe un polar basé sur la découverte tardive d'un père algérien.
Au delà de la trame de votre roman, quel est le point de départ de votre réflexion ?
Quand on réfléchit à l'Algérie, que ce soit dans le passé ou dans l'actualité la plus récente, on est confronté obligatoirement à la question majeure : celle de l'identité et des origines. Cette identité, elle est encore en clair-obscur, en construction, tout ça parce qu'il y a une partie qui est masquée et c'est notamment le cas de toute la période coloniale et de toute la guerre d'Algérie. Dans cette identité masquée, c'est la France qui porte la responsabilité première.
Cette identité masquée, c'est aussi la vôtre, en tant que personne. Vous parlez d'un pays où vous n'avez jamais mis les pieds et pourtant qui vous interpelle et vous passionne. Pourquoi ?
Mon identité première, c'est d'abord une errance et de l'obscurité. Ce livre était quasiment écrit à ma naissance parce qu'il se trouve que je suis né avec un père sans visage, et dont les seuls éléments que j'ai pu apprendre sur lui étaient des mots volés au hasard des discussions entre des adultes qui fermaient la porte pour que l'enfant n'entende pas. Mais cet enfant — moi en l'occurrence —, comprenait comme des mots liés à un pays lointain, à un ailleurs. Etrangement, je me suis toujours senti, disons « pas seulement français » et j'ai entretenu un lien intime avec l'Algérie, très tôt dans mon enfance, et qui est difficilement exprimable mais dont je me souviens parfaitement. Tout ce qui se passe en Algérie me touche profondément. Le fait que mon père ait été algérien, je le vis à travers ce lien quasi-surréaliste. Comme Durieux, le personnage central de mon roman, je ne l'ai découvert que très tardivement et, pendant longtemps, pas de manière totalement certaine. Le portrait de mon père, je ne peux le dresser aujourd'hui qu'à partir de bribes qui demeurent les seuls éléments tangibles et disponibles, puisque je n'ai retrouvé sa trace qu'en 2002, quelques mois à peine après sa mort.
Quels éléments avez-vous pu réunir à son sujet ?
Je sais qu'il est né à Alger en 1924 et qu'il est venu en France pour y poursuivre ses études. Il avait pris le parti de l'indépendance de l'Algérie et quand il va rencontrer ma mère, il la rencontre brièvement, et le choc des cultures va faire en sorte que cette union ne sera pas possible. J'ai alors été conçu (fin 1971) mais je ne connaîtrai jamais mon père, sauf par procuration…
D'où ce livre. Mais comment le qualifier : travail de recherche documentaire, introspection personnelle, autobiographie romancée ?
C'est un roman. L'histoire en elle-même est inventée mais les sentiments que reflète sa trame me sont particulièrement intimes puisqu'ils sont les sentiments de quelqu'un qui, comme moi, recherche la vérité sur son passé intime. Mais, bien sûr, le personnage qui découvre soudainement que son père était algérien, c'est un peu moi.
Ce personnage, Durieux, qui est en quelque sorte votre double dans la fiction, vous l'avez voulu à la fois Algérien et juif. Pourquoi avez-vous ressenti le besoin d'ajouter cette dernière identité ?
Dans le roman, le choix de l'identité juive du personnage est un pur choix de ma part car l'identité juive est aussi avant tout marquée par l'errance. Je dirais même qu'elle demeure une identité qui se définit souvent encore dans son rejet. Entre le juif et l'Arabe, il y a cette intimité de la négation par les autres, de la violence faite à une identité. En France, il y a le bougnoule comme il existe le youpin, tous deux condamnés dans une même humiliation, une même négation. Cela aussi, c'est une saloperie française que j'ai voulu souligner.
Aujourd'hui, 53 ans après le début de la guerre d'Algérie, 45 ans après l'indépendance, en quoi est-ce important de produire des œuvres de fiction sur ces événements, que ce soit au cinéma ou dans la littérature ? Que peut apporter de plus la fiction à la réalité ?
Evoquer la guerre d'Algérie et le colonialisme, en tant que système criminel, à travers des œuvres de fiction, est désormais primordial. Le travail des historiens a globalement été fait, mais il s'agit maintenant que la France s'approprie cette page sombre de son histoire. L'histoire, qu'elle soit honteuse ou glorieuse, est constitutive de l'identité collective. Il nous faut donc comprendre et accepter la réalité passée pour continuer à bâtir le projet républicain. Il s'agit aussi de comprendre pourquoi, à une certaine époque, la République elle-même a dérapé pour verser dans l'immonde. Il n'y a qu'à se pencher sur la question de l'organisation de la torture dans l'armée durant cette guerre. Accepter cette histoire permettra aussi à la France d'adopter une attitude claire à l'égard de l'Algérie, une attitude qui ne soit plus enfin imprégnée d'un état d'esprit colonial. C'est aussi primordial pour regarder en face la question migratoire qui doit d'abord être abordée comme une question humaine et non comptable aux seules vues des intérêts égoïstes de la France.
En quoi votre livre pourrait intéresser le lectorat algérien, celui qui vit en France mais bien sûr aussi celui qui est en Algérie ?
Si la France doit faire son travail de mémoire, le déni d'histoire interdit aussi à l'Algérie de poser ses valises, si je puis dire. Je suis persuadé qu'il y a une attente très forte de l'Algérie dans la reconnaissance par la France de ce qui s'est passé. Ce livre y contribue à sa manière. Cette forte attente, il me semble que c'est la moindre des choses pour la France d'y répondre. C'est la meilleure façon de solder les comptes et de partir sur des bases communes et sur un projet commun. Je suis d'une génération qui n'a pas de complexe. Je n'éprouve aucun sentiment de culpabilité personnelle, mais je n'ai pas de complexe à dire : oui mon pays a commis un crime, il s'appelle le colonialisme, et un deuxième crime, celui de vouloir le perpétuer.
Est-ce qu'avec la parution de ce roman, la quête de votre père se trouve apaisée ? Ou allez-vous la continuer ?
Elle est apaisée même si ce livre est avant tout un roman et que je ne considère pas les éléments autobiographiques comme primordiaux. Pour moi, le sujet essentiel reste la négation d'un passé colonial et des crimes commis au nom du colonialisme. L'autre sujet essentiel, et il en est une conséquence, c'est la négation de l'identité qu'elle soit individuelle ou collective (ce qu'on appelle l'Histoire). Mais effectivement on peut parler d'apaisement pour ce qui est des aspects autobiographiques.
Comptez-vous vous rendre un jour en Algérie, sur les traces de votre père ?
Evidemment, se pose pour moi la question de venir en Algérie. Indéniablement, c'est un voyage que je ferai et qui, je pense, nécessitera plusieurs allers-retours, car pour moi, il ne s'agit pas seulement d'aller sur les traces de mon père mais aussi de faire entièrement connaissance avec une culture, une histoire, un présent, bref tout ce qui fonde l'identité collective de l'Algérie. Je pense que maintenant je suis prêt à ce voyage et pas uniquement parce que ce livre est sorti. Disons que partir en Algérie est la seule chose qu'il me reste à faire. La seule et, sans doute aussi, l'essentielle.
Repère
Stéphane Babey est né en mai 1972 à Besançon (France). Il est rédacteur en chef de la télévision locale Perpignan TV depuis 2004. Il a publié Le vrai-faux carnet de Saddam Hussein ; chronique des derniers jours de liberté (Ed.du Sekoya, 2004), fiction dans laquelle il imagine la découverte en 2027 d'un carnet qui s'avère être celui du dictateur irakien, rédigé lors de sa fuite. Il a également écrit Un parrain pour le Roussillon (Cap Béar éditions, 2005), roman policier qui traite de l'implantation de sociétés de machines à sous sur le littoral méditerranéen et l'implication d'élus locaux dans le blanchiment d'argent et le financement occulte de campagnes électorales. Il travaille actuellement à une pièce de théâtre sur Sartre et une autre sur l'immigration, Voyage au pays d'Eden. Dans son roman policier, Les assassins de la citadelle (Cap Béar éditions, 2007), il s'inspire de sa propre histoire. Durieux, un professeur d'histoire, universitaire parisien et auteur réputé, apprend subitement que son père, qu'il n'a jamais connu, était en fait un Algérien militant du FLN tué par des ultras de l'Algérie française. C'est à la mort de sa mère qu'un message l'incite à se rendre à Besançon, sa ville natale. Là, au fil d'une intrigue documentée, l'écheveau de la vérité va se dévider, grâce à un ancien responsable de la fédération de France du FLN. Dans un aller-retour subtil entre passé et présent, ce polar nous dévoile les coulisses d'une soupe politique nauséabonde. Stéphane Babey trempe admirablement le lecteur dans l'univers de ces respectables élus locaux (de droite et de gauche), introduits dans les plus hautes institutions après avoir été liés à l'OAS et, peut-être, à l'assassinat du père dans la sordide citadelle, transformée depuis en… musée de la Résistance. L'histoire offre un regard décalé sur la lutte de libération du peuple algérien, la fiction étant un moyen astucieux de faire découvrir à un lectorat français plus large cette période. Il aborde la résurgence actuelle en France de nostalgies restées figées en 1962. Le livre de Stéphane Babey contrecarre de manière vivante cette vision, pour le moins révisionniste, même quand elle s'habille de bons sentiments.


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