Ces derniers temps, le polar s'impose sur la scène littéraire du pays comme un genre romanesque qui commence à émouvoir le public. Depuis sa naissance, le roman algérien a beaucoup changé de couleurs, traversant plusieurs étapes et sensibilités. A commencer par l'émergence du roman historique, représenté notamment par Hamdan Khodja, auteur de Euldj, captif des barbaresques et Aly Hammami (natif de l'actuelle Tiaret), auteur de Idris, jusqu'à l'apparition du roman de la terreur ou la graphie de l'horreur - selon les propos du critique Rachid Mokhtari -, en passant par le roman révolutionnaire, avec Kateb Yacine et Mohamed Dib et le roman socialiste, représenté par toute une génération d'écrivains soumis à un imaginaire utopique. Le polar est, ces dernières années, le genre romanesque à succès de par le monde. Il suffit de se rappeler les chiffres astronomiques des ventes du Da Vinci Code de l'Américain Dan Brown (plus de 5 millions d'exemplaires), ou Millénium du Suédois Stieg Larsson (dont les 3 tomes ont été vendus à plus de 6 millions d'exemplaires). On cite aussi le Français Dominique Forma, auteur de Skeud et l'Américain Joseph Wambaugh, auteur de Flic à Hollywood. Il faut noter aussi que même les classiques du polar ne cessent d'attirer des fans à l'instar des britanniques Sir Arthur Conan Doyle (1859-1830), créateur du célèbre Sherlock Holmes, et Agha Christie, auteure de Rendez-vous avec la mort. En Algérie, on n'a pu véritablement parler de polar qu'au début des années 1990, parallèlement avec la montée de la violence islamiste. L'émergence d'une nouvelle sensibilité romanesque dont le porte-drapeau était, incontestablement, le commissaire Llob qui changera plus tard de pseudonyme et déviendra Yasmina Khadra, auteur principalement de Le dingue au bistouri (1990), La Foire des Enfoirés(1993) et Morituri (1997). L'auteur qui se cachait derrière le commissaire Llob a brillement exploité son expérience militaire pour décrire des situations « dramatiques » en créant un univers « policier » inspiré du quotidien algérien plongé dans les méandres de la guerre civile ambiguë. D'après le dictionnaire Le Petit Robert, le polar « se résume en un mélange de genres entre le roman policier (qui se base sur une enquête policière) et le roman noir (qui relate des aventures étranges) ». Du milieu des années 90 au début des années 2000, le roman algérien a été surtout caractérisé par les scènes de la violence, les traumatismes de l'actualité et la haine d'un quotidien marqué par une situation de non-guerre et de non-paix. Il y a quelques années, ont commencé à s'affirmer certains noms d'auteurs algériens qui ont pu marquer leur entrée dans le monde du polar, à l'instar du romancier Adlène Meddi, avec Le Casse-tête turc(2002) qui raconte une enquête criminelle menée par le personnage de Moncef Chergui, dit Al Aghrab, et récemment La Prière du Maure (2008). Mohammed Balhi, journaliste et essayiste, a aussi pu investir ce nouveau champ, dont les règles ne sont pas encore établies en Algérie, avec La mort de l'entomologiste (2007) ainsi que Roshd Djighouadi, auteur de Nuit Blanche (2007). Du coté de la littérature arabophone, le polar est encore timidement investi. On ne peut pour l'instant citer qu'un seul exemple, en l'occurrence Amara Lakhous, auteur de Choc des civilisations pour un ascenseur à Piazza Vittorio (2007), écrit d'abord en arabe et publié sous le titre Comment téter une louve sans se faire mordre » (2002). En attendant, le romancier Bachir Mefti vient d'engager le défi de signer un nouveau roman policier, au sens propre du mot. Le polar a donc bien commencé à occuper une place assez remarquable dans les nouvelles tendances du roman algérien. Mais on peut se poser la question suivante : s'agit-il d'une mode ou d'un engagement en Algérie ? Mode consécutive au grand succès de ce genre dans le monde d'aujourd'hui ? Ou engagement résultant des longues années de violence qui ont tristement coloré le quotidien du pays. .