Il a fallu qu'il y ait une visite présidentielle pour que les autorités locales se souviennent que sur les hauteurs de la ville il y a un quartier qui s'appelle le plateau du Mansourah, et entamer des travaux de réfection et d'embellissement, mais uniquement au niveau de l'avenue Abdelhamid Kerboua. Datant de la période coloniale, le faubourg en question, composé de villas et de petites maisons, n'a guère changé. Tout ce qui a été bâti il y a plus d'un demi-siècle subsiste jusqu'à aujourd'hui. C'est tout juste si quelques bâtisses ont été retapées, et que les arbres et les fleurs des jardins ont fait place à des extensions immobilières sauvages. Sur place existent un calme et une sérénité que l'on ne retrouve nulle part à Constantine. Un calme et une sérénité qui proviennent du fait que rien n'a été entrepris sur place, puisque commerces et autres rares commodités existants ne sont le fait que de bordiers. Excentré, L'mansourah, pour la prononciation locale, n'est pas un quartier où l'on vient pour se promener ou faire des emplettes. C'est un plateau où l'on réside, c'est tout. A ce sujet, Mounir, quinquagénaire né dans ces lieux, dira : « C'était plus grand que ça. Puis, dans les années 1960, on a décidé d'y ériger le siège de la 5e région militaire. Au début, ça ne nous dérangeait pas, mais avec une extension qui n'en finit pas, plusieurs immeubles, qui n'étaient pas nombreux d'ailleurs, et des pâtés de maisons entiers, ont été annexés pour utilité…militaire ». C'est vrai qu'en plus du siège de la 5e région, il y a ensuite eu celui de la gendarmerie, puis des habitations et des résidences pour les éléments des corps constitués. Sans plus. Il y a bien eu le lycée Ahmed Bey qui a donné aux lieux une note plus jeune, mais c'était insuffisant pour apporter un plus à une cité qui ne réfléchit qu'au passé. Notre interlocuteur ajoutera ceci : « Même les acquis que nous avions avant la fin des années 1970 ont disparu. La forêt qui bordait L'mansourah s'est considérablement rétrécie. Les belles villas sont devenues des blockhaus derrière lesquels leurs habitants se calfeutrent comme partout ailleurs. Pour faire notre marché, nous sommes obligés de nous déplacer à Sidi Mabrouk ou au centre-ville ». Le sentiment d'isolement qui prévaut dans ce secteur est renforcé par une carence totale en matière de transport en commun car, à l'instar des cités Emir Abdelkader et Bellevue, celle du plateau du Mansourah ne dispose pas de bus, communaux ou privés. C'est tout juste si quelques taxis font la navette entre la basse El Kantara et la haute Mansourah, relayés par les inévitables, et non moins nécessaires, fraudeurs. Aujourd'hui, coincé entre l'avenue Abdelhamid Kerboua, retapée en un temps record, et les enceintes des institutions militaires flambant neuf, L'mansourah fait encore tache, car ses bâtisses et ses rues de traverse, qui devaient rester…invisibles lors du passage du cortège présidentiel, sont toujours à la recherche d'un temps et d'une aura perdus.