Après avoir dit ce qu'ils pensent des négociations sur le statut du Kosovo et aussi leur opposition à une indépendance de cette province passée sous administration internationale en 1999 après une guerre de trois mois, les Russes sont passés à l'étape suivante, celle de la reconnaissance du futur Etat si son avènement venait à être décidé, et sous quelque forme que ce soit, puisque des options sont envisagées comme s'il s'agissait de minimiser la portée d'une décision, qui est à prendre en tant que telle. En ce sens, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a mis en garde hier à Nicosie contre une reconnaissance unilatérale du Kosovo, avertissant qu'elle serait « lourde de conséquences » et « provoquerait une réaction en chaîne » dans les Balkans et ailleurs. « Une reconnaissance unilatérale (du Kosovo) sera lourde de conséquences », a dit à la presse le ministre russe qui effectue une visite de deux jours à Chypre. « Je suis convaincu qu'une réaction en chaîne s'ensuivrait dans les Balkans et d'autres régions du monde », a-t-il ajouté. Ceux qui sont prêts à reconnaître la province séparatiste albanophone de Serbie « violeront le droit international et nous ne soutiendrons pas une telle violation », a poursuivi le ministre russe. « Je voudrais souligner que dans le cas d'une déclaration d'indépendance unilatérale du Kosovo et de la reconnaissance de cette indépendance, cela aura des conséquences ». « Ceux qui entretiennent de tels projets doivent en examiner avec beaucoup d'attention les conséquences », a-t-il averti. L'avertissement est clair, mais à qui est-il adressé et quelle est au juste cette menace brandie par le chef de la diplomatie russe, sachant que le risque de contagion est bien réel à travers toute l'Europe ? Les autorités kosovares albanaises ont indiqué qu'en cas d'échec des négociations à la date limite de ce lundi, elles proclameraient unilatéralement l'indépendance du Kosovo, mais qu'elles le feraient en concertation avec les Américains et les Européens. Le risque d'une déclaration unilatérale d'indépendance du Kosovo semble s'estomper au profit d'une action « coordonnée » avec les Occidentaux, indiquait récemment un haut responsable américain. « Il est de plus en plus vraisemblable » que les dirigeants kosovars « agiront en consultation et en coordination avec nous », c'est-à-dire avec les Occidentaux, l'Union européenne et les Etats-Unis réunis, a déclaré ce responsable. Le futur Premier ministre kosovar Hashim Thaci, sorti vainqueur des législatives kosovares en novembre, a déjà plusieurs fois assuré que Pristina n'agirait qu'après concertation avec Bruxelles et Washington. Les Etats-Unis et la plupart des pays européens sont déjà prêts à reconnaître l'indépendance du Kosovo si cette coordination a bien lieu. Quelques pays européens restent cependant réticents : Slovaquie, Espagne, Grèce et Chypre. Plusieurs responsables européens à Bruxelles ont estimé hier à Bruxelles que les pays de l'UE étaient en train de surmonter leurs divisions sur la reconnaissance d'un Kosovo indépendant et de se rapprocher d'une position commune sur la marche à suivre, seul Chypre étant encore réticent. La République de Chypre, dans le sud de l'île divisée depuis 1974, redoute qu'une reconnaissance d'une déclaration d'indépendance unilatérale des Kosovars puisse être utilisée comme précédent par la République turque de Chypre du Nord (RTCN), reconnue uniquement par Ankara. Vendredi, les médiateurs internationaux sur le Kosovo (la troïka Etats-Unis/Russie/UE) ont remis leur rapport aux Nations unies, établissant un constat de désaccord persistant entre Serbes et Kosovars albanais sur l'avenir de la province séparatiste albanophone de Serbie, après quatre mois de négociations. Par conséquent, la marge de manœuvre du Conseil de sécurité de l'ONU sur la question du statut futur du Kosovo apparaît réduite tant les positions russe et occidentale semblent inconciliables, après l'échec des négociations entre Serbes et Kosovars albanais. Le ministre russe des Affaires étrangères a en outre averti, à l'issue d'un Conseil ministériel Otan-Russie à Bruxelles, que régler la question du statut du Kosovo hors du cadre de l'ONU créerait un précédent et conduirait l'Europe sur une « pente glissante » aux « conséquences imprévisibles ». Le général britannique Sir Michael Jackson, ancien commandant de la force de l'Otan au Kosovo (KFOR), a déclaré que la situation de « pagaille » qui y prévaut menace de provoquer des violences ethniques. « Les Kosovars albanais veulent l'indépendance et Belgrade refuse. Nous ne devons pas sous-estimer la volatilité de la situation », a assuré Sir Jackson. La résolution 1244 du Conseil de sécurité de l'ONU a donné mandat à la KFOR d'assurer la stabilité et la sécurité du Kosovo, sous administration onusienne depuis 1999. « Actuellement, c'est la pagaille. Il semble que la résolution 1244 est toujours en vigueur tant que le Conseil de sécurité ne la retire pas, ce que la Russie ne permettra pas », a-t-il dit. L'équation n'est pas aussi simple. Et encore une fois, que comportent les menaces russes ?