Sept attentats kamikazes en moins de neuf mois. La tendance est plus que lourde. Il faut dire qu'en la matière et sans craindre l'exagération, Alger n'a presque plus rien à envier à Baghdad ou à Kaboul, où Al Qaïda fait régner le chaos avec ses « bombes humaines ». « On n'est pas loin de la moyenne irakienne », nous affirmait hier Hmida Layachi. Selon le journaliste et spécialiste de la mouvance islamiste, le recours « quasi » systématique à l'attentat kamikaze a été adopté dès l'annonce officielle du « ralliement » du GSPC à la nébuleuse Al Qaïda. Les attentats suicide du 11 avril à Alger ont été les premiers d'une longue et sanglante liste noire. Mossaâb Abdelouadoud, le chef du GSPC qui revendiquait le jour même le double attentat (communiqué diffusé sur internet), annonçait la « bonne nouvelle » aux Algériens : « Nous disons aux renégats et à leurs maîtres croisés : ayez la nouvelle de la venue des jeunes de l'Islam qui aiment la mort et le martyre comme vous aimez la vie de débauche et de délinquance ; par Allah, nous ne déposerons nos épées ni nous ne savourerons la vie, jusqu'à ce que nous libérions chaque pouce de la terre de l'Islam de tout croisé et de tout renégat et collaborateur (avec l'ennemi), et jusqu'à ce que nos pieds foulent notre Andalousie perdue et notre Jérusalem bafouée. » Pour Hmida Layachi, l'attentat kamikaze est désormais un « choix irréversible » pour le GSPC. Certes, déclare-t-il, « il n'y a pas de rapport "mécanique" entre les capacités de nuisance du GSPC et la nature des cibles choisies, mais il faudrait s'attendre à moyen et à long termes à une intensification de ce type d'attentats ». « Même avec un groupe très réduit, explique-t-il, on en arrive, avec des attentats comme ceux d'Alger, à peser médiatiquement et à délivrer un double message politique aussi bien pour les gouvernants que pour les chefs d'Al Qaïda à qui Droudkel a fait allégeance. » Quel sens faudrait-il donner ? Quel(s) message(s) veut-on délivrer avec un telle folie meurtrière ? Nacer Djabi, sociologue et spécialiste de la violence urbaine, estime « illusoire » une telle « quête ». « Il ne faut pas chercher à rationaliser des actes qui n'obéissent à aucune logique », nous répond-il. Pour lui, ces attentats sont d'abord le résultat de la « baisse de vigilance » au sein des services de sécurité et de la société. Face à une telle « démobilisation », il faudrait penser à faire « enfin le bilan de la charte pour la réconciliation nationale ». Son collègue au CREAD (centre de recherche, faculté des sciences sociales de Bouzaréah), Zoubir Arrous, affirme de son côté que les attentats d'hier ne peuvent s'interpréter que comme des « preuves d'existence ». « Face à l'acharnement des services de sécurité, les groupes terroristes ne peuvent opposer que ce genre d'arguments », nous explique-t-il. H'mida Layachi considère, lui, que malgré « les coups portés » au GSPC, celui-ci demeure très « actif ». « Alger est pour eux une cible prioritaire, une cible privilégiée, vers laquelle doivent affluer toutes les opérations », assure le spécialiste. La preuve, selon lui, est que le groupe « salafiste » est en train de « reconstituer » tous ses réseaux dans les quartiers populaires. « Une forme de recomposition au sein des "houmas", quartiers populaires, est en train de se faire et ce sont autant de prémices pour une intensification des actions terroristes », développe-t-il. La crainte viendrait selon lui du fait qu'actuellement « il y a une prédominance des éléments takfiristes au sein du noyau dur du GSPC ». Il n'est pas à écarter, dit-il, qu'on replonge dans le « scénario » des massacres collectifs de 1997.