Pour tout combattant authentique, il n'y a pas plus belle mort que celle les armes à la main sur un champ de bataille. Osmane Redouane a tiré la dernière salve dans sa salle de classe devant ses élèves. Toute une symbolique pour cet enseignant de français amoureux de son métier jusqu'à en sacrifier sa vie personnelle. Le syndicalisme militant — et non de compromission — ainsi que l'éducation/instruction des jeunes générations ont été les deux fronts qu'il a ouverts sans faiblir, sans gémir. Depuis sa prime jeunesse, il ne les dissociait pas dans son quotidien professionnel. L'infatigable lutteur a fait naître dans le sillage de son activité débordante de belles espérances. La plus belle restera gravée dans les mémoires : le sens de l'honneur mène inéluctablement à la victoire. A-t-il un jour monnayé son idéal ? Personne ne pourra dire qu'il est resté indifférent face à son acharnement à mener tel ou tel combat. Il était intraitable sur la question du droit à la dignité . On peut ne pas être d'accord avec ses idées ou sa manière de les défendre. Et en effet il dérangeait lorsque, fort de sa conviction, il fixait son but et y fonçait droit. Dans ces moments, on ne pouvait pas le raisonner. Il ne vous écoutera pas. Ses passions ? Servir les faibles, pourfendre les injustices et rehausser la dignité humaine. Elles ont nourri son existence tel un carburant qui alimentera sans cesse le feu de la lutte. De sa LUTTE. Un feu qui le consumera sur le plus bel autel qui soit : une salle de classe dans un temple du savoir, la craie à la main devant ses élèves. Ses enfants, lui plaisait-il à dire. Hormis ces derniers et ses collègues, rares sont ceux qui connaissent Osmane Redouane l'éducateur. Il a la vocation chevillée au corps. Ce samedi 15 décembre, dès l'entame de son dernier cours, il a eu cette phrase révélatrice de son professionnalisme : « Nous devons terminer cette leçon avant les vacances d'hiver. Elle est très importante. » C'est là le témoignage de ses élèves de terminale qui l'ont assisté dans son dernier voyage. Il aurait pu leur dire de venir la terminer dans un garage désaffecté ou une cave d'immeuble. Comme le font depuis de nombreuses années ces maquignons de cours de soutien, ces assassins du rêve enfantin. Des pseudo-éducateurs qui au demeurant raflent de l 'argent sale et les primes de rendement maximales. Non ! mille fois non. Il ne le fera pas. Redouane Osmane appartient à la race des seigneurs. Cette infime minorité de militants qui meurent en martyrs du devoir. Que Dieu ait son âme. P.-S. : On ne peut s'empêcher de faire le parallèle avec l'inventeur de la comédie moderne. Molière est mort dans les mêmes conditions : sur les planches du théâtre qu'il chérissait et devant ses fidèles admirateurs.