Redouane Osmane, porte-parole du CLA, et trente autres enseignants ont été empêchés hier de rejoindre leurs classes. Invraisemblable. Alors qu'on s'est permis tous les coups pour amener les enseignants grévistes à mettre un terme à leur débrayage, voilà que les responsables de l'éducation se payent le “luxe” — plutôt l'outrecuidance — d'une énième provocation qui risque fort bien de mettre le feu aux poudres. Y a-t-il des parties, du côté des pouvoirs publics s'entend, qui ont intérêt à ce que la grève se prolonge ? Décidément, oui. Et pour cause, M. Redouane Osmane, secrétaire général du Conseil des lycées d'Alger (CLA), et 30 autres enseignants ont été tout bonnement empêchés, hier, au lycée Emir-Abdelkader d'Alger, de rejoindre leurs classes. Pourtant, Boubekeur Benbouzid et Abdelkader Teboune, secrétaire général du ministère de l'éducation, ont tous les deux donné des assurances publiques de n'appliquer aucune sanction à l'encontre des enseignants, même ceux ayant reçu des avis de radiation. En effet, le proviseur du lycée a d'abord signifié à Redouane Osmane uniquement la décision de son interdiction d'accès à la classe. Pour ce dernier, le proviseur aurait agi sur instruction orale de l'inspecteur général de l'académie d'Alger, M. Kadri. Sa demande d'une notification écrite n'étant pas satisfaite, Redouane Osmane a provoqué une assemblée générale dans l'enceinte même du lycée pour informer ses pairs des nouveaux développements. Appelé à s'expliquer, le proviseur apprend aux enseignants que 31 d'entre eux, dont Osmane, sont concernés par cette décision. Il a justifié son geste par le fait qu'il n'a reçu aucune décision écrite de réintégration des “radiés”. Devant cette situation, les enseignants du lycée Emir-Abdelkader ont procédé à la suspension des cours jusqu'à nouvel ordre. En apprenant la nouvelle, une vingtaine d'autres lycées de la capitale, selon Osmane, feront de même pour se solidariser avec leurs collègues. Rencontrés devant l'entrée du lycée, Osmane et d'autres enseignants sont dans tous leurs états. “Ils n'ont pas tenu leurs engagements”, s'indigne l'un d'entre eux. “Il y a des cercles qui veulent compromettre la reprise du CLA. La tutelle et l'académie poussent au pourrissement. Alors que nous avons montré toute notre bonne volonté, en remettant même des PV de reprise, voilà que nous sommes revenus à la case départ”, explique M. Osmane, pour qui la balle est désormais dans le camp du département de Benbouzid. “La reprise a été perturbée par cette décision de la tutelle”, soutient-il. Pour un autre enseignant, “ce qui s'est passé aujourd'hui n'est pas normal ! C'est une catastrophe que l'école algérienne n'a jamais eu à enregistrer !” Comme si cela ne suffisait pas, l'administration a interdit — ce sont des élèves et des enseignants qui nous l'ont confié — aux élèves, tout contact avec leurs professeurs ! Et pour que ce contact ne se fasse pas, on a fait sortir enseignants et élèves par deux portes différentes ! Sur un ton pathétique, un élève, très affecté par ce conflit qui ne veut pas prendre fin, a interpellé le président de la République “pour qu'il regarde un peu du côté des élèves et des enseignants”. Notons, qu'enseignants et élèves se sont présentés au lycée dès 8 heures. N'était ce couac, les cours auraient repris normalement, hier, à l'Emir-Abdelkader. Du côté du lycée Okba, “la reprise est à 100%”, assure son proviseur. Tous les enseignants (ici, il n'y a pas de radiés) ont renoué avec le métier dès 8 heures. Même ceux qui ne donnent pas cours ont tenu à être présents en ces premiers jours de reprise. “Nous n'avons eu aucun problème. On nous a accueillis à bras ouverts”, témoigne M. Choukrane, un professeur de physique. “Tous les enseignants en ont assez de cette situation. Vous n'imaginez pas combien me manque la classe !” a-t-il confié. Une lassitude que partagent beaucoup d'autres enseignants. Pour sa part, Mme Oldache, enseignante de mathématiques au lycée Okba et figure connue du CLA, soutient que les cours ont repris normalement. “On n'a eu aucun empêchement d'accéder aux classes”, dit-elle. Et les élèves ? Ils sont assez contents de reprendre le chemin du lycée. C'est avec soulagement qu'ils ont accueilli cette reprise. Témoignage d'un élève de terminale du lycée Okba : “On ne peut qu'être content que la grève ait pris fin. Mais le premier trimestre a presque touché à sa fin sans avoir suivi un seul cours ; je crois qu'une deuxième session du bac s'impose.” Au lycée technique Ibn-El-Haythem du Ruisseau, la reprise est totale. “C'est avec soulagement qu'on a accueilli la reprise ici car, enfin, on entrevoit une porte de sortie”, soutient un enseignant de français qui considère que “la non-association de l'enseignant à la préparation du programme de rattrapage est signe de mépris”. A. C. Des lycéens dénoncent les “abus” de l'administration Une vingtaine d'élèves du lycée Emir-Abdelkader de Bab El-Oued, notamment ceux qui préparent le baccalauréat, se sont déplacés à notre rédaction pour nous faire part de leur inquiétude concernant la reprise des cours. “Nos enseignants ont prouvé leur bonne volonté de résoudre le conflit, en reprenant les cours aujourd'hui, mais grand a été notre désespoir lorsque l'administration leur a interdit l'accès aux classes sous prétexte qu'ils étaient radiés”, s'indigne Nesrine, qui s'interroge sur les dessous de cette décision. Ces élèves ne comprennent pas comment l'administration leur a interdit de s'entretenir avec leurs professeurs. Pis, les éléments des services de sécurité, rassemblés devant le lycée, se sont approchés des élèves pour mettre en garde certains d'entre eux, interpellés par leur nom, contre toute tentative d'agitation. Ces derniers nous diront que des rapports ont été écrits par l'administration et remis au conseil de discipline contre les enfants de professeurs radiés. N. A.