Auteur avec un « groupe de militants » d'une lettre adressée à la mi-décembre au secrétaire général du FLN, Abderrezak Bouhara, vice-président du Sénat, ancien ministre sous Boumediène et membre des instances dirigeantes du vieux parti jusqu'au 7e congrès de 1998, revient ici sur l'alerte qu'il a lancée à Abdelaziz Belkhadem quant à la situation du parti qu'il juge inquiétante. Bouhara appelle à la tenue d'un congrès extraordinaire pour préparer le parti à la présidentielle de 2009. Dans votre constat autour de la situation au FLN, vous vous appuyez sur les résultats des dernières élections Quels en sont les enseignements ? Le phénomène de l'abstention reflète une réalité. Déjà, en 2002, l'abstention était importante dans les grandes villes et dans certaines régions du pays (Béjaïa et Tizi Ouzou). Il faut sérieusement étudier l'abstention, parce que c'est un acte politique. Si l'abstention est si forte, notamment dans les grandes villes, on peut alors supposer que l'intelligenstia de manière générale, les cadres, les intellectuels, s'éloignent de plus en plus des élections et cela est sérieusement inquiétant. Pour le FLN, en parlant chiffres, on constate, lors des dernières élections législatives, que l'assiette électorale du FLN est à son niveau le plus bas, avec 7,5 % du corps électoral. Cela est une véritable sonnette d'alarme. Pourquoi une telle désaffection ? C'est parce que le discours politique ne colle pas aux préoccupations des Algériens, à leurs difficultés quotidiennes. Au FLN, nous n'avons pas réussi à trouver le discours politique qui réponde aux aspirations des citoyens, nous n'avons pas réussi à transmettre le message parce qu'il y a une flamme, si vous voulez, le feu sacré qui manque au FLN, il nous manque des thèmes mobilisateurs. « Le feu sacré », c'est-à-dire ? Il manque ce fameux feu sacré au FLN parce qu'il n'y a pas de débat dans le parti, ni dans l'organisation ni dans les instances. Le débat n'a pas lieu seulement lors des réunions organiques, au Conseil national ou au congrès, etc. Le débat doit être permanent. D'ailleurs, je vous rappelle que les statuts du FLN prévoient des commissions permanentes, mais ces dernières n'ont jamais fonctionné. Vous évoquez une crise multiple que connaît le parti. Peut-on avoir plus de détails ? Le FLN vit une crise d'identité, de fonctionnement, d'organisation, de confiance, de représentation, de stratégie d'alliance, etc. Toutes ces questions ont fait que nous n'avons pas su trouver un ancrage au sein de la société. Prenons la crise d'identité : je veux dire par là une crise, un déficit par rapport à notre programme, à notre projet politique. Parce qu'un projet politique, ça s'enrichit. Si on voyait le cheminement du projet national depuis 1954, on constate qu'il a été enrichi lors du congrès de la Soummam, lors des différentes réunions du CNRA (Conseil national de la Révolution algérienne), avec la Charte de Tripoli, ensuite la Charte de 1976. Il y a eu processus d'enrichissement et approfondissement du projet national. Or, aujourd'hui, qu'est-ce que nous sommes ? Quelle est notre couleur politique ? Qu'est-ce que nous voulons ? Quels sont nos grands objectifs sur les plans politique, économique, social, etc. ? Toutes ces questions méritent débat. Selon vous, c'est ce débat qui fait défaut au FLN... L'exercice de la démocratie au sein d'un parti est important. La démocratie veut dire débat, respecter les opinions d'autrui et la règle de la majorité. Mais la démocratie c'est aussi accepter de rendre des comptes. C'est-à-dire que la direction doit accepter de présenter son bilan et doit également accepter de subir les sanctions de ceux qui sont à la base de son élection. Parce qu'un parti politique n'est pas une société avec un conseil d'administration, avec un président et des actionnaires, un parti c'est d'abord la base, c'est avant tout le congrès, c'est une pyramide qu'il faut renverser. Mais selon vous, cela se passe autrement actuellement au FLN, d'où l'échec des tentatives de « rassemblement » des différentes tendances... Ce qui rassemble dans une organisation ce sont d'abord les convictions, les dénominateurs communs, les idées communes, une vision commune autour de laquelle nous nous rencontrons. Il y a une cohésion dans un parti. Les positions sont concertées lors des consultations et des débats avant d'être adoptées et annoncées par la suite. Dans un parti politique, on ne devrait pas avoir des directives qui viennent d'en haut avec un encadrement qui est dans l'obligation de les exécuter ou de les considérer comme les positions du parti. Vous appelez à la tenue d'un congrès extraordinaire du FLN. Quel serait son ordre du jour ? La tenue du congrès extraordinaire s'impose d'elle-même, car voilà le constat au FLN : nous avons une assiette électorale qui est faible et il faut l'élargir, donc nous avons besoin d'un ancrage plus important dans la société. Dans sa stratégie, un parti inscrit en perspective les échéances électorales. Et nous avons devant nous, dans un peu plus d'une année, la présidentielle (prévue au printemps 2009), donc il nous faudra arrêter une stratégie pour aller à ce rendez-vous. Pour arrêter cette stratégie il faut du temps, mais aussi de la concertation. Dans notre esprit, nous voulons un débat d'idées. Nous estimons qu'il faut tirer maintenant les résolutions des dernières élections et, pour que ces résolutions soient valables, il faudrait que ce soit dans le cadre d'un congrès. Un congrès qui doit se tenir dans des délais raisonnables, c'est-à-dire avant le rendez-vous électoral de 2009. Maintenant, si nous sommes dans l'erreur, qu'on nous présente des propositions différentes. Nous sommes ouverts au débat.