Mme O. Nabila (Alger) Votre article « Stopper la gangrène » m'a interpellée. Je suis professeur de mathématiques dans un lycée d'Alger. Pour des raisons diverses mon fils est élève dans un autre lycée. Il refuse que je lui donne un coup de main et préfère les cours de soutien chez son professeur de maths. Des cours qui me coûtent les yeux de la tête. Ils sont trop chers pour une maigre bourse de fonctionnaire. Je connais bien le niveau de mon fils, en maths surtout. En cette fin de trimestre, il me revient avec des notes supérieures à 16/20 en composition et en devoirs surveillés. Je tombe de haut. Je lui demande de me refaire sur le champ un seul exercice du problème de composition. Il cale. Je le force à me dire la vérité : « As-tu copié sur le voisin ? » Sa réponse me sidère : « Maman, chez lui, le professeur nous a donné les épreuves de devoir et de composition. Et nous les avons corrigées. J'ai gardé les brouillons de correction et voilà tout. » J'ai honte d'être enseignante quand je vois des collègues se lancer dans ces pratiques honteuses. C'est grave. Que faut-il faire ? Réponse : Le mal remonte à la fin des années 1980. Cela a empiré ces dernières années au point où, des enseignants de petites bourgades du pays emboîtent le pas à leurs collègues commerçants de la capitale. Sont-ils la majorité ? J'espère que non. Ce serait la catastrophe, non pas du point de vue pédagogique — nous le savions déjà — mais sur le plan moral. Que reste-t-il de la noblesse et du respect à notre profession quand nous l'exerçons à la manière des maquignons de souks ? Essayez de vous rapprocher du directeur ou de l'inspecteur pour les informer. Bien qu'ils soient au courant des agissements de ces énergumènes. Que dire de ce couple d'enseignants qui transforme son appartement en établissement scolaire pour vendre des cours de soutien ? A ce rythme, l'Etat pourra se passer de l'effort d'investir dans la construction d'établissements. Où trouvent-ils le temps pour corriger, se documenter et préparer les cours pour lesquels ils sont payés… par les contribuables ? Que penserait ce marchand de cours de soutien si un médecin de l'hôpital — en consultation gratuite — lui disait : « Si tu veux bien te soigner, tu n'as qu'à venir dans la clinique privée d'à coté. » ? Dieu merci nos médecins sont honnêtes. Non ! Ni la lourdeur des programmes (alibi facile à avancer), ni la précarité du salaire n'autorisent à tordre le cou à la morale la plus élémentaire : respecter son statut d'éducateur. Et non de commerçant. Quant aux solutions radicales, elles existent. Elles nécessitent un débat de fond et des ruptures drastiques avec ces pratiques pédagogiques dépassées et qui encouragent le recours à ces cours sauvages. M. Ould Oubraham (Aïn El Hammam) Je ne suis pas un fonctionnaire de l'éducation. J'ai aménagé une salle très bien équipée, (carrelage, table ronde pour uniquement six places, tableau blanc, sanitaires, chauffage, confort). Ma femme est détentrice d'une licence d'anglais, obtenue en 1998, elle est vacataire à ce jour. Elle n'a pas été payée depuis septembre 2005, et ce n'est que grâce aux cours de soutiens, à 100 DA l'heure, qu'elle m'aide à nourrir les enfants. C'est ça la réalité. Le mal du système éducatif n'est pas de dispenser des cours de soutien. Dans l'édition du 28, 29 décembre 2007, vous avez salué l'initiative de la tutelle de faire dispenser des cours de soutien dans les établissements scolaires. Je vous informe des résultats, et je vous énumère les causes. La plupart des enseignants n'ont pas jugé utile de se déplacer pour aller enseigner pendant les vacances. Les rares profs qui se sont déplacés sont pour la plupart des vacataires. Ils se sont retrouvés avec 8 ou 9 élèves, parce que les parents ne croient plus à l'efficacité des cours de soutien officiels. Loin de moi l'idée de défendre ces enseignants véreux qui sont fonctionnaires payés par le Trésor public, qui enseignent dans des caves et pratiquent des coûts exorbitants, car, pour moi , toucher 20 000 dinars et prodiguer des cours à 500 DA l'heure est purement une escroquerie de bas étage. Monsieur, je ne suis pas riche. Je ne cherche pas à m'enrichir. Ceux qui le sont vous les connaissez et vous ne les avez jamais dérangés. Alors, si vous avez une conscience authentique, faites la part des choses et ne détruisez pas les ambitions saines des humbles. Réponse : Monsieur vous êtes en colère contre votre humble serviteur au motif qu'il dénonce et je reprends vos termes au mot à mot : « Les enseignants véreux qui sont des fonctionnaires payés par le Trésor public et qui enseignent dans des caves, et pratiquent des coûts exorbitants. Ce qui est purement une escroquerie de bas étage. » Sachez que je le fais sans baisser la garde depuis 1990, année où la gangrène a commencé à pointer son nez à Alger. Dommage que le mal se soit répandu dans les autres villes et les villages du pays. Quant au débat sur l'éthique et la déontologie, sachez qu'on ne choisit pas le métier d'enseignant par hasard, ou par nécessité pour fuir le chômage. Mais par vocation, par amour du métier d'éducateur. Oui ! Avant d'être fonctionnaire, l'enseignant est d'abord un éducateur. Au fait, sur quelles bases vous appuyez vous pour dire « les parents ne font pas confiance aux cours de soutien officiels » ? Le raccourci est trop simpliste pour vous substituer aux millions de parents. Par qui ces « cours de soutien officiels » sont-ils dispensés ? Pourquoi doutez- vous de l'honnêteté de ces enseignants ? Peut-être que cette opération vient mettre en danger des fonds de commerce illicites. Dans cette rubrique nous nous sommes toujours opposés aux cours de soutien à large échelle. Qu'ils soient payants ou officiels. Il y a des solutions purement pédagogiques qui permettent de relever le niveau des élèves qui en ont besoin. Pour le reste de votre lettre, je laisse le soin à nos lecteurs d'apprécier le ton.