Liberté : comment se présente la situation de manière générale, ce lundi ? M. Mériane : Je devais commencer les cours à 9h, au lycée Amirouche. J'ai tenu à y être présent, pour apporter mon soutien à mes camarades. Le proviseur de l'établissement m'a convoqué pour m'annoncer que le directeur de l'éducation lui a signifié clairement que je ne peux pas reprendre les cours. J'ai répondu que s'ils cherchent le pourrissement, ils en assumeront la responsabilité. Je dis ceci, parce que promesse a été faite de lever toutes les sanctions et ce, devant la Fédération des parents d'élèves de toute l'Algérie. Je viens de recevoir un coup de fil de son président, M. Dellalou. Il se dit outré et scandalisé par de telles décisions (...) Nous avons gelé et non pas arrêté la grève pour trois raisons essentielles. D'abord, c'est l'appel du cœur des élèves, qui a été un rempart entre nous et la tutelle. Ils sont descendus dans la rue en scandant : “Rendez-nous nos enseignants !”, “Birouh bi dem, nafdik ya oustadh !”. Et vous venez de le constater avec les élèves de la 3e S4 du lycée Amirouche, qui ont fait irruption dans le bureau de Liberté pour apporter leur soutien à leurs professeurs (lire également ci-contre). Nous sommes émus. Ils sont plus conscients que le ministre de l'Education. La deuxième raison, ce sont les pouvoirs publics qui ont utilisé tous les moyens en leur possession pour venir à bout d'un syndicat autonome qui a à peine six mois d'existence. Ils ont fait appel à la sécurité militaire, à la police et à la gendarmerie pour faire rentrer de force nos collègues des autres wilayas. Devant une telle pression et répression, je vous assure que c'est difficile de résister. Est-ce que vous vous attendiez au scénario de ce matin ? Pas du tout. Hier (dimanche ndlr), lorsqu'on m'a lu le fax qui a atterri aux différentes directions de l'éducation du pays, faisant état de la levée des sanctions, sincèrement, je ne m'attendais pas à une telle réaction. Ceci dit, je ne suis pas du tout affecté. Les camarades et les élèves ont été à mes côtés. La problématique est que le pouvoir veut en finir avec un syndicat qui a mobilisé des milliers de PEST, toutes tendances confondues. Quelle a été la réaction de vos collègues ? Ils ont reçu une douche froide. Ils m'ont dit : “Reposez-vous.” Le problème sera pris en charge par nous, sans pour autant tomber dans le piège de régionaliser le syndicat pour le fragiliser. C'est le but recherché par ces provocations. Mais on sera encore une fois à la hauteur de ce défi. Juste après avoir appris la nouvelle de mon renvoi, les enseignants et les élèves ont déserté les classes. Redouane Osmane, porte-parole du CLA, et trente autres enseignants ont été eux aussi interdits de rejoindre leurs classes dimanche dernier ? Notre problème est différent de celui d'Alger. dans la capitale, les grévistes ont été remplacés par des vacataires qui peuvent reprendre ou cesser le travail à n'importe quel moment. L'erreur a été commise par la tutelle. Je pense qu'avant de réintégrer les professeurs grévistes, il fallait auparavant mettre fin au recrutement des vacataires. C'est ce qui fait qu'on s'est retrouvé avec des professeurs doubles. Ce n'est pas le cas à Tizi Ouzou. Je n'ai pas été remplacé. J'ai pensé reprendre mes élèves le plus normalement du monde malheureusement, le pouvoir a plus d'un tour dans son sac. Le ministère de l'Education a proposé des mesures de rattrapage des cours. Quelle est votre appréciation sur cette démarche ? On ne gère pas un ministère à partir d'un bureau d'Alger. On doit tenir compte de la réalité sur le terrain. Encore une fois, les professeurs n'ont pas été sollicités pour participer à l'élaboration de ce rattrapage. La matrice principale pour rattraper le temps perdu est l'enseignant qui doit donner son avis. Que préconisez-vous concrètement ? La participation des enseignants à l'échelle nationale. Il faut qu'il y ait une prise en charge des élèves par leurs professeurs et élaborer avec eux un plan de rattrapage. Ce n'est pas un programme de rattrapage parachuté du sommet qui fera débloquer la situation. Malgré la situation conflictuelle, vous faites preuve d'une grande sérénité… Il faut savoir garder son calme même dans les situations difficiles. Même lorsqu'on se fait tabasser devant le Palais du gouvernement ! Nous avons évité énormément de pièges et d'embûches. Nous avons à faire à un pouvoir capable de tout. Aujourd'hui, quelles sont les perspectives de votre mouvement ? J'appelle tout d'abord les PEST à garder leur calme. Le conseil national du Cnapest se réunira, jeudi prochain, pour étudier cette nouvelle donne. Nous saurons trouver la solution, d'autant plus que la société civile et les parents d'élèves sont avec nous. M. Dellalou, président de la fédération, qui a toujours été hostile à notre démarche m'a transmis un message de soutien et de sympathie. Les élèves doivent rester calme. Pour peu que la situation se dénoue, nous pourrons rattraper le temps perdu. Merci pour leur soutien. B. T.