Vallée enclavée à moins de 40 km au sud d'Alger et à l'est de la wilaya de Blida dont elle dépend et recevant le soleil moins de deux heures pour toute la journée, la commune de Hammam Melouane bat le record de fraîcheur dans la wilaya, et elle n'est pas alimentée en gaz naturel. « Il fait très froid en hiver et le vent siffle réellement ; il est plus que grand temps que les habitations et les structures soient raccordées au gaz naturel », dira le jeune P/APC Saheli Ali, qui vient d'être réélu pour un second mandat. Il faut dire qu'il est aux affaires de la commune depuis 1997, et ce dès l'âge de 24 ans. Son frère en avait pris les destinées avant d'être abattu par les terroristes, tout comme son père, président, assassiné en 1995. L'exécutif communal est partagé entre le FLN (4) et le RND (3) : pas de place pour les autres partis. La tribu des Beni Missera veille sur les commandes de la région et une explication du président de l'APC semble tenir la route quant à l'origine du nom patronymique de la commune. « Toute la région appartient à la tribu des Beni Missera, peuplée du temps des Ottomans de près de 45 000 Berbères et ce fut la tribu des Benazzouz à Boufarik, complice des gouvernants, qui combattit en 1817 les Beni Missera et réussira à les éparpiller. La France y ajoutera son grain de sel en ramenant des familles entières de Benkhellil, Bouinan et autres communes limitrophes pour les besoins de son expansion. D'où l'origine du nom Melouane qui veut dire ‘'de toutes les couleurs''. » Information à vérifier et à confronter avec celle qui affirme que la fille d'un bey très riche était malade et qu'elle reprit des couleurs grâce à son immersion dans un trou fangeux où se réunissaient les eaux. Et ce sera le bey qui édifiera l'actuelle kobba de Sidi Slimane, marabout représentant alors l'établissement thermal. Celui-ci semble avoir été inconnu des Romains puisqu'aucun vestige datant de leur l'époque ne s'y trouve mais l'occupant français exploitera le « gisement » et mettra près d'un demi-siècle pour l'adduction des eaux thermales et la construction d'un établissement inauguré en 1934, selon la revue Algeria n°21. Celui-ci se trouve juste en contrebas des Bains du marabout Sidi Slimane. Seule attraction connue pour la région, les eaux thermales, de 39° à 44°C, sont utilisées pour des cures contre les rhumatismes, les douleurs articulaires de toutes sortes, les séquelles de traumatismes, les affections utérines, le rachitisme et autres maladies. Conditions de l'essor touristique On y vient de partout, surtout les week-ends et durant la saison estivale. « 700 véhicules en moyenne le week-end et il est arrivé que nous recensions jusqu'à 2000 véhicules/jour en été », ont déclaré les gendarmes. Cet afflux semble ne pas être mis à profit pour les intérêts de la commune. « Nous nourrissons l'espoir de voir le centre de la commune réservé exclusivement au tourisme mais l'Etat doit nous aider », déclarera M. Saheli. Pour lui, tous les habitants sont issus de la politique de regroupement opérée durant la colonisation et il est donc facile d'implanter d'autres regroupements ailleurs pour une exploitation touristique maximale. « Des étrangers viennent et s'étonnent de ne pas percevoir l'aspect touristique de la région exploité par les autochtones, mis à part un peu d'artisanat et la vente de produits frais comme le pain fait maison et le fromage », dira encore M. Saheli qui affirmera qu'une zone d'habitations pour 420 logements a été dégagée à la ville nouvelle. Tous les intrants pour une réussite du projet n'avaient pas été cités. La sécurité des lieux, l'élargissement de la route, l'amélioration de l'adduction en eau potable, le branchement en gaz naturel et une meilleure exploitation de la carrière juste à l'entrée de la station. « Nous subissons les bruits du dynamitage et la pollution provenant de la carrière d'exploitation de gravats juste plus bas », dira le directeur de la station thermale acquise par Zaïm en 2006. « Les conditions offertes ne permettent pas une utilisation étalée sur l'année. » Les problèmes subis à l'acquisition avaient été aplanis depuis la visite du président de la République en mai 2007 et le projet de modernisation de la station thermale, selon un bureau d'études allemand, permettra de dynamiser le secteur du tourisme dans la région. « La priorité pour les autochtones demeure l'emploi. Il est prévu une formation sur place par des étrangers pour les emplois spécialisés », déclarera le directeur de la station qui promet une vocation internationale pour les lieux dès 2009. Des familles et quelques couples étaient présents et chacun y allait de ses appréciations pour la richesse du site et le devoir de protéger cet environnement. « Eau de source et eau thermale dans un même lieu et des flancs de montagne majestueux, voilà ce que nous retenons de ces endroits paradisiaques », disent ces visiteurs rencontrés à la fin du mois de décembre. Néanmoins, aucune officine de pharmacie. Des gens interrogés confirmeront le constat comme ils déploreront l'absence de médecins. « Les quatre centres de santé reçoivent épisodiquement des médecins en exercice ailleurs mais il n'y a même pas une ambulance pour les urgences. » Les maladies existent, surtout celles liées à l'état précaire des conditions de vie. Sur les 5775 habitants que compte la commune, il est répertorié par les services techniques de la commune 3391 citoyens vivant dans 537 bidonvilles et formant 662 familles. Magtaâ Lazreg, lieu coupé du monde Magtaâ Lazreg, centre à 5 km au sud du chef-lieu et formant un cul-de-sac, renferme 219 bidonvilles abritant 309 ménages et une population de 1660 personnes. Même le relais pour les téléphones portables n'existe pas ; que dire de l'antenne hertzienne pour la télévision ? Les programmes de l'ENTV sont ignorés et très peu de paraboles ornent le toit des maisons. Coupés du monde et d'autres réalités, les hommes semblent accepter leur sort. Cependant, la priorité pour l'endroit demeure le logement. Les conditions de vie sont précaires. Des enfants assis à même le sol devant l'entrée de ce qui est appelé « habitation » observent les visiteurs avec l'air de dire : « Qui sont ces êtres venus d'ailleurs ? » L'école ne forme pas et des statistiques classent les résultats de l'unique collège parmi les dix derniers au niveau national. « Lorsque l'on ouvrira réellement l'auberge dépendant du ministère de la Jeunesse et des Sports au profit des enfants de la commune, ils connaîtront une amélioration de leur niveau culturel », affirmera un jeune parent qui reproche la mise à disposition des lieux pour les vacanciers venant d'autres communes. 18 locaux à usage professionnel entrant dans le cadre de la politique des 100 locaux par commune sont en voie de finalisation mais personne n'est enthousiasmé. « Quel est le statut de ces locaux ? On ne sait pas s'il faut payer le loyer ou si l'on peut disposer d'une aide financière. Quelle activité pouvons-nous exercer à l'intérieur ? », disaient des jeunes qui préfèrent observer les visiteurs d'un jour et leur proposer des produits de l'élevage par l'entremise de jeunes enfants frondeurs. Les ateliers de menuiserie de Sidi Moussa employaient beaucoup de jeunes de la région, mais leur fermeture mettra fin à un emploi et une qualification rassurants. L'agriculture saisonnière et les autres activités agraires liées au relief de la région sont encore au stade artisanal. Il y a bien eu une exposition des produits de l'abeille et quelques femmes ont bénéficié de l'aide Touiza d'une association espagnole, mais que peuvent produire 1071 ruches à partager entre plusieurs dizaines de propriétaires ? Trois commerces seulement existent à Magtaâ Lazreg et il est loin le temps qu'évoquent des habitants où « les dechras des environs comme Yemma Helima, Ouled Abada, El Kouahi, Zougaia, Talaoulahal, Sebaghnia venaient échanger leurs produits avec ceux de Magtaâ Lazreg et Hammam Melouane ». Ces lieux sont aujourd'hui désertés et les encouragements au retour ne sont pas suivis des mesures adéquates comme la sécurisation, l'ouverture des routes, l'aide à la construction. « Le marché de Boufarik s'approvisionnait en moutons de Yemma Helima », s'écria presque un vieux nostalgique. La commune de Hammam Melouane, issue du découpage administratif de 1984, comptait 7900 habitants et se retrouve, plus de 20 ans après, avec une population de 7800 habitants, soit 2000 âmes de moins. Le transport vers Magtaâ Lazreg n'est pas régulièrement assuré, et nombre de personnes s'en plaignent, jusqu'à obliger parfois la réquisition par les gendarmes ou, tout simplement, la mise en fourrière de ces bus brinquebalants qui ne tiennent pas la route et ahanent devant la première pente rencontrée. L'entreprise Sapta tarde à livrer le pont à deux voies reliant le chef-lieu de la commune à son centre de Magtaâ Lazreg qui dispose du seul collège pour toute la commune. Hay El Bordj, Plâtrière, Cité Nouvelle sont les autres centres fournissant la masse raréfiée des collégiens. L'auberge de jeunes et l'annexe de l'APC (inauguré en mars 2007) sont les seules constructions récentes avec les locaux professionnels en voie de finition. Les terrains d'assiette ont été dégagés pour la construction d'un total de 500 logements pour toute la commune, mais les recommandations et les réserves émises par les services de la wilaya quant au respect du site et le type de logements devant être bâti a fait retarder le démarrage des projets. Le CW 61 se rétrécit au lieu-dit Rocher des pigeons où un seul véhicule peut passer, une sorte de porte de pierre taillée dans la montagne, et qui se termine à Magtaâ Lazreg. La route de Bouhmar devrait s'ouvrir prochainement pour aménager l'élargissement de ce tronçon. Il existerait même un projet de ralliement de la commune de Berrouaghia par Hammam Melouane en plein site du Parc national de Chréa. Le devenir de ce projet est ignoré face à la pesanteur de cette montagne appartenant à des gens rudes, à l'accent rugueux, le Berbère type à tout l'Atlas et que mit en évidence le Festival de poésie populaire programmée en juillet 2007. « Hemayne », « hamim », « hammou » et « hammam » : mots d'origine arabe mais oh combien différents de « ghsel », « twedha », « n'qa ». Le devenir de la commune 151 hectares qui veulent coller au développement par le biais du tourisme et de la culture, ayant montré leurs limites dans d'autres secteurs. Hammam Melouane figure donc avec Chréa et les gorges de la Chiffa parmi les trois attractions touristiques dont dispose la wilaya de Blida. Pour M. Saheli, l'urgence demeure l'arrêt de la pollution provenant de la carrière d'exploitation de sable et remblai. La station d'épuration de l'eau pose également problème dès l'arrivée des eaux de pluie. « Nous cessons la distribution de l'eau quand la pluie tombe à cause de la station d'épuration qui est en panne depuis cinq ans », explique le premier responsable de la commune qui est aux petits soins avec ses administrés puisqu'il est réélu à chaque fois. « J'accorde des Omras à des personnes nécessiteuses, j'offre des cadeaux aux retraités et tous les citoyens connaissent mon numéro de téléphone pour signaler tout problème ou urgence », aime à faire comprendre ce jeune président, propriétaire agricole à Bougara et qui se déplace avec un agenda où il note toutes les remarques et observations des habitants. Un homme fier, appartenant à une lignée non contestée de commandeurs et qui veut voir sa commune sortir de sa léthargie et de son statut de région dépendante des finances de la wilaya.