La salle 5 du tribunal de Sidi M'hamed, près la cour d'Alger, abritera désormais la nouvelle juridiction à compétence territoriale étendue. Elle sera la première parmi les quatre prévues à Constantine, Oran et Ouargla, à être mise en place pour instruire et juger les grandes affaires liées au terrorisme, grand banditisme, délit économique, blanchiment d'argent et (à moyen terme) la cybercriminalité. Prévues par l'article 40 du code de procédure pénale et le décret exécutif 06/348 du 5 octobre 2006, ces juridictions spécialisées permettent aux procureurs généraux (PG) de revendiquer la compétence d'une affaire s'ils jugent que les faits relèvent de leurs prérogatives. En clair, si une affaire éclate par exemple à Djelfa et que le PG d'Alger estime qu'elle tombe sous sa compétence, elle est automatiquement mise en action au niveau de la juridiction spécialisée, qui, faut-il le préciser, est totalement autonome par rapport à l'ancienne organisation judiciaire. Pour mettre en place rapidement ce que certains qualifient de « pôles spécialisés », de nombreux magistrats, choisis parmi les « plus compétents », ont bénéficié de plusieurs cycles de formation accélérée en Algérie, mais également à l'étranger, notamment en Espagne, où ce système existe, en France et aux USA. Il n'est pas uniquement question de juger ces affaires, mais également de les mettre en action et de les instruire, puisque les bénéficiaires de ces formations sont des magistrats du siège et de l'instruction et des parquetiers. Ainsi, a-t-on appris de source judiciaire, le premier pôle a être inauguré incessamment par le ministre de la Justice, Tayeb Belaïz, sera celui du Centre, et aura comme siège le tribunal de Sidi M'hamed, près la cour d'Alger, dont la compétence, est-il nécessaire de le rappeler, est non seulement nationale, mais aussi internationale. Dans ce cadre, un atelier de formation destiné aux magistrats est prévu du 12 au 16 janvier à Alger pour débattre du « rôle et de l'impact de l'action publique et l'instruction ». Organisé en collaboration avec l'organisation latino-espagnole pour l'administration et les politiques générales espagnoles, le séminaire permettra aux juges de discuter de la pratique internationale en matière d'extradition de criminels, des nouvelles techniques d'instruction utilisées dans les affaires de terrorisme, de criminalité organisée, de blanchiment d'argent, de la contrebande et du trafic de drogue. Quatre experts espagnols animeront cet atelier qui consacre aussi une séance plénière aux moyens de preuve qui sont aujourd'hui remis en cause, notamment en raison de la difficulté à lutter efficacement contre la grande criminalité tout en veillant au respect des droits de l'homme et de la défense. Pour les organisateurs de cette formation, il est question de profiter de cette tribune pour unifier la méthodologie de travail des magistrats du parquet et de l'instruction. De nombreux ateliers similaires ont été déjà organisés par la chancellerie au profit de plusieurs magistrats, notamment ceux destinés à faire partie des pôles spécialisés. Pour de nombreux spécialistes, la mise en place de ces instruments de lutte contre les nouvelles formes de criminalité est très importante dans la mesure où il sera question de spécialiser et donc de rendre plus performante la justice. Néanmoins, la réussite, et donc la pérennité de cette mesure, dépendra essentiellement de la volonté politique des pouvoirs publics à aller vers un Etat de droit à travers l'indépendance totale des magistrats. Est-il vraiment possible de croire qu'un procureur général puisse un jour avoir une totale liberté et un courage politique pour décider lui-même de prendre en charge une grande affaire liée, par exemple, à la criminalité financière et dans laquelle des personnalités politiques pourraient être impliquées ? Pour certains, cela relève de l'utopie si l'on se réfère aux pressions qui pèsent sur les juges, mais pour d'autres, cela dépend tout simplement de l'engagement des magistrats pour un véritable Etat de droit.