La mise sous tutelle du ministère de la Communication des EPE de presse, d'impression et de publicité qui faisaient partie du portefeuille de la SGP Communication, relève-t-elle d'un traitement spécifiquement réservé à ce secteur ultrasensible, notamment à la veille d'importantes échéances électorales, ou est-elle le prélude à un retour sous le giron des administrations centrales de toutes les entreprises étatiques, comme au temps du régime socialiste. Expliquer la toute récente décision du CPE de dissoudre la SGP Communication et de transférer ses entreprises au ministère concerné uniquement par le seul souci du pouvoir en place de mettre ce puissant moyen de propagande à son entière disposition ne tient effectivement pas la route, les entreprises publiques de presse ayant de tout temps été à leur service. « Citez moi un seul titre public à qui il peut être reproché d'avoir publié un article hostile au pouvoir, une seule société publique d'impression qui aurait refusé d'imprimer des journaux parrainés de haut lieu, quand bien même ils seraient surendettés. Et il en est de même pour la manne publicitaire dont ont copieusement profité ces titres à très faibles tirages », tient à préciser une source proche du ministère de la Communication. Il est vrai qu'en matière d'organisation et de fonctionnement du secteur public de presse, il ne s'est produit, croit-on savoir, aucun événement notable susceptible d'introduire un quelconque doute quant à sa loyauté, voire sa soumission au pouvoir en place. On ne voit vraiment pas en quoi la dissolution de la SGP Communication que la loi a réduit à un simple agent fiduciaire de l'Etat et l'affectation de son portefeuille d'entreprises à trois EPIC (presse, imprimeries et publicité) va changer ce secteur, que des dizaines d'années de mise au pas ont formaté pour obéir docilement aux tenants du pouvoir. La tutelle que le ministre de la Communication aura à exercer sur les entreprises sera, de surcroît, très encombrante. Les sociétés d'impression (cas de Simpral) croulent sous de gros déficits, les créances détenues sur des journaux privés insolvables sont énormes et les titres publics souffrent d'un grave problème de mévente. Remettre de l'ordre dans ce secteur que par les services multiformes qu'il rend aux pouvoirs en place, ne sera assurément pas une mince affaire. Et même si la volonté d'avoir à son entière disposition ces redoutables instruments de propagande électorale explique en partie la mise sous tutelle des entreprises publiques de presse, la décision du CPE semble, aussi et surtout, obéir à une volonté aujourd'hui partagée par de nombreux membres du gouvernement de reprendre en main les entreprises que la réforme de 1988 leur avait subtilisées, en faisant valoir le principe d'autonomie des entreprises. Des ministères autrefois très puissants, comme ceux de l'Industrie, de l'Habitat et celui des Travaux publics ont de surcroît été dépouillés d'un certain nombre de prérogatives sur les entreprises locales au nom de la décentralisation. Remettre certaines entreprises publiques, notamment les plus juteuses, sous leur autorité ne déplairait donc pas à bon nombre de nos ministres, qui dit-on, travaillent déjà à faire admettre au chef du gouvernement le principe de placer sous leur autorité directe les futurs pôles de compétitivité, convaincus que la mainmise sur ces pôles économiques est de nature à renforcer leurs pouvoirs. Le projet de Abdelhamid Temmar, allant diamétralement à l'opposé de ces velléités de retour au système de tutelle, il est bien évident qu'il aura beaucoup de mal à obtenir le consensus des membres du gouvernement. Des blocages requérant l'arbitrage du chef du gouvernement, voire même du président de la République, sont donc à craindre.