La situation actuelle fait ressurgir des souvenirs que les Algérois croyaient à jamais révolus : le pain manque dans les boulangeries. « Nous ne tarderons pas à mettre la clef sous le paillasson. J'en connais qui ont franchi le pas à El Biar et surtout à Belouizdad. Ces gens ne sont pas des amateurs mais sont dans le métier depuis des années. Les voir dans cette situation c'est à désespérer de l'avenir d'une corporation très affaiblie. » Ce sont là les propos d'un boulanger désabusé de Belouizdad qui a fait du pain depuis plus de trente ans. L'affaire familiale prospère qu'il avait reprise ne semble pas bien marcher comme avant. « Nous travaillons à perte. En plus des charges liées au mazout et autres pièces détachées, nous sommes affrontés au prix de la farine toujours en hausse. On a beau vendre des gâteaux pour compenser la marge bénéficiaire, on s'en sort mal », soutient-il en montrant du doigt la concurrence déloyale que leur font les nouveaux boulangers qui trichent, selon lui, sur le poids et la qualité de la marchandise, « pas respectés du tout », qui fait peser un réel danger sur la santé de la population. « Notre marge bénéficiaire est réduite sinon nulle et nous ne pouvons subvenir à nos charges, d'autant que le prix de la farine a augmenté. Le quintal se négocie à plus de 2000 DA », s'indigne-t-il en affirmant avoir « renvoyé » des clients parce que son stock de farine était épuisé. Seuls quelques gâteaux et du pain d'orge sont exposés sur le présentoir. « Souvent, nous préférons réduire la quantité que nous produisons au risque de faire monter contre nous les clients fidèles de la maison et que nous connaissons depuis longtemps. » A l'est d'Alger, surtout à Aïn Taya, des boulangers ont fermé durant le week-end et les clients, pris au dépourvu, ont été obligés d'aller s'approvisionner à Réghaïa ou plus loin au centre-ville de la capitale. Indispensable dans la production du pain, la farine destinée à la panification est cédée souvent à plus de 2000 DA le quintal, obligeant souvent les professionnels à se rabattre sur les grossistes qui leur octroient des facilités. Pour beaucoup de boulangers, les élucubrations marquant le travail de l'actuel comité installé en septembre 2007 ne les concernent pas. « Ces gens qui se sont succédé à la tête du comité national ne cherchent qu'à affirmer leur leadership sur l'instance, sans toutefois se soucier des boulangers », se désole Ali, vendeur dans une boulangerie à Bab El Oued. Les dissidences apparaissent au grand jour et d'anciens membres évincés ne manquent pas de monter au front. « D'ailleurs, nous ne savons plus avec quel argument ils vont affronter les services du ministère du Commerce et défendre nos droits », note-t-il. Les gérants des minoteries assurent de leur côté que les boulangers sont seuls responsables de la situation actuelle. Les grossistes, soutiennent-ils, les obligent à acheter à plus de 2000 DA en contrepartie de certains avantages tels que la vente à crédit, alors que le produit qu'ils proposent est meilleur. Une rencontre est prévue demain entre les représentants des boulangers et le ministère du Commerce.