À quelques jours du début du Ramadhan, les boulangers montent au créneau pour exprimer leur insatisfaction quant au prix du pain, 8,5 DA la baguette, et exigent qu'il soit revu à la hausse. Lors d'une conférence de presse animée hier, au siège de l'Union nationale des commerçants et artisans algériens (UGCAA), M. Maâmar Hantour, président du Comité national des boulangers algériens, a estimé que le prix de revient d'une baguette est en réalité de 12 DA. “Les prix du pain sont fixés par le décret de 1996 et, depuis, il n'y a eu aucune révision. Si les boulangers se contentaient des ingrédients (farine, levure, sel et eau) pour fabriquer du pain, aucun Algérien ne le consommerait. Les machines modernes exigent le rajout d'améliorants, sans quoi le pain est carrément immangeable”, explique-t-il. Pour appuyer son argumentaire, il rappelle que les Algériens n'hésitent plus à acheter la galette, les pains spéciaux ou le pain étranger (syrien, égyptien, etc...) à 25 DA l'unité. Ce qui, à ses yeux, prouve que, lorsqu'il s'agit d'un produit de qualité, l'Algérien n'hésite guère à débourser plus. C'est pourquoi le comité qu'il préside s'est basé sur une qualité de pain “comestible” pour en évaluer le prix de revient. Il aborde ensuite le volet relatif aux augmentations qui ont frappé tous les ingrédients entrant dans la fabrication du pain. “La semoule a augmenté, la levure, qui coûtait 100 DA le kilogramme en 1996, vaut aujourd'hui 300 DA. Le bidon de 5 litres d'huile valait 30 DA en 1996 et aujourd'hui il est écoulé à 900 DA. En 1996 le salaire minimum était de 3 000 DA, il a atteint les 12 000 DA. Ce sont là, les réalités du marché et ces augmentations ont touché tous les pays du monde. Ce qui est anormal, par contre, c'est de maintenir les prix au même niveau qu'en 1996, alors que tout a augmenté”, s'élève-t-il. “Ces augmentations ont par ailleurs poussé quelque 5 000 boulangers à mettre la clef sous le paillasson depuis 2003. Chaque boulangerie emploie 5 personnes en moyenne. Résultat : 15 000 postes de travail perdus en seulement 5 ans dans un pays où le chômage bat des records”, ajoute-t-il. Il évoque ensuite la situation peu reluisante du secteur de la boulangerie en Algérie, car les professionnels du secteur qui veulent s'en sortir sont souvent obligés de recourir à des ruses pour ne pas travailler à perte. “Des boulangers recourent à des ruses comme la triche sur le poids de la baguette ou la vente en gros du pain à des gens qui l'écoulent ensuite sur la voie publique”, se plaint-il. Justement, à propos du phénomène de la vente du pain sur la voie publique, le président du Comité national des boulangers tient à alerter les consommateurs sur les dangers que représente ce commerce illégal. “Le pain est un produit qu'on ne peut laver, il est consommé directement et quand il est exposé sur la voie publique il est contaminé par les poussières et les gaz d'échappement des voitures. Cette contamination est, à la longue, nuisible et ses effets ne sont pas visibles immédiatement mais des années après”, explique-t-il. Autre anomalie qu'il dénonce : l'apparition de boulangers clandestins qui activent en plein jour. “Ces boulangers produisent du pain dans des garages ou dans les villages reculés et ils fournissent les vendeurs de rue ou les épiceries. Ces clandestins trichent sur le poids et n'ont aucune charge à payer. C'est pourquoi ils ont investi ce créneau porteur pour ceux qui ne respectent pas les lois de la République”, dénonce-t-il. Selon lui, la révision des prix du pain est une évidence et elle est inéluctable. Il souhaite enfin l'ouverture des négociations avec les pouvoirs publics pour trouver une solution idoine qui ne sanctionnera ni les boulangers ni le consommateur. Saïd ibrahim