La vague de chaleur qui a affecté récemment plusieurs régions du pays a influé négativement sur la disponibilité du pain chez les boulangers. Beaucoup d'entre eux baissaient rideau dès l'entame de l'après-midi et ce, en raison de la désaffection des apprentis chargés de confectionner le pain. Face à cette situation, il fallait vraiment se lever tôt pour avoir sa baguette de pain. Cet état de fait a engendré d'interminables queues aux abords des boulangeries. «Je défie quiconque pourrait pénétrer à la salle jouxtant les fours. Une température avoisinant les 60 degrés y règne. Croyez-moi, travailler dans ces conditions n'est guère une promenade de santé. Nous vivons l'enfer au quotidien», s'écriera un boulanger à l'adresse de personnes qui attendaient d'être servies, depuis une bonne heure, dans l'une des boulangeries de l'avenue Belouizdad. Mais, s'il est vrai que la hausse spectaculaire du thermomètre de ces derniers jours a influé de manière considérable sur la disponibilité du pain, il n'en demeure pas moins que d'autres facteurs, tels la fermeture pour travaux ou le départ en congé de nombreux boulangers a exacerbé cette situation. Sur l'axe menant de la rue Belouizdad au Champ de manœuvres, il nous a été donné de constater que de nombreuses boulangeries étaient fermées. C'est à croire que tout le monde s'est donné le mot pour procéder à des aménagements ou partir en congé. En l'absence de données chiffrées, il n'est guère aisé de dire combien, sur les quelque 1 200 boulangeries que compte la capitale, activent réellement durant les mois de juillet et d'août. «Dans notre pays, cela fait bien longtemps que la notion de service public a été renvoyée aux calendes grecques. Pour les partisans du moindre effort, tous les prétextes sont bons pour ne pas travailler. Rappelez-vous les jours de l'Aïd, les boulangeries ferment sans aviser personne. Certes, les boulangers sont confrontés à des difficultés en tout genre (augmentation des prix de l'électricité, du gaz, des impôts, faiblesse de la marge bénéficiaire...), outre la concurrence déloyale engendrée par leurs collègues travaillant au noir. Mais cela ne doit en aucun cas justifier leurs dérobades», s'insurgera un sexagénaire, un couffin à la main. Mais, ce qui aura suscité l'étonnement des uns et des autres a incontestablement trait à la disponibilité du pain sur les trottoirs et au niveau de certains épiciers. Pour l'écrasante majorité des personnes interrogées, cet état de fait n'aurait pas eu lieu n'était la complicité (et la complaisance) de certains boulangers dans la mesure où ce sont eux qui cèdent leurs pains aux revendeurs. L'autre facteur à l'origine de la pénurie du pain au niveau des boulangeries a trait au fait que de nombreuses personnes se rendant sur les plages emmènent, très tôt le matin, de grandes quantités de pain avec eux. Cette situation fait que le pain devient de moins en moins disponible. On ne le dira jamais assez : le pain est un produit extrêmement sensible. A peine une crise ou une pénurie de pain se profile-t-elle à l'horizon que c'est le branle-bas. La même chose peut être dite dans le cas d'une augmentation du prix du pain. C'est semblable à un qui souffle sur le front social. «L'hiver dernier, le prix de la pomme de terre a frôlé les 120 dinars. En dépit de cela, les gens ont trouvé cette hausse presque normale, convaincus qu'ils étaient par les justifications économiques des officiels, acceptant aussi le diktat des spéculateurs. Mais, s'agissant du pain, surtout pour nous autres Algériens, les choses sont complètement différentes», nous dira un père de famille. A l'approche du mois de Ramadhan, beaucoup appréhendent une pénurie de pain. Mais, là, c'est une tout autre paire de manches. B. L.