Parmi les historiens qui séjournent, depuis vendredi à Alger, à l'invitation du ministère du Travail et des Affaires sociales dans le cadre du montage du musée du Travail et de l'émigration figurerait Daniel Lefeuvre, un historien spécialiste de l'histoire économique de la colonisation. Cet historien est proche d'un autre historien, Jacques Marseille et du laboratoire que ce dernier dirige. Daniel Lefeuvre est l'auteur de Chère Algérie 1930-1962 (société française d'histoire d'Outre-Mer. Paris, 1997), préfacé par Jacques Marseille, un livre dans lequel l'historien développe la thèse selon laquelle la colonisation de l'Algérie aurait plus coûté à la France qu'elle ne lui aurait rapporté. Cette vision réductrice de l'histoire relève, selon des historiens spécialistes de l'histoire coloniale de l'Algérie, d'une tendance à réécrire l'histoire de la colonisation, tendance que ces historiens qualifient de « révisionniste ». La revue Naqd (numéro 14/15) publie une critique de la thèse développée par Daniel Lefeuvre dans son livre. « Sa “chère Algérie” fut surtout chère, on l'aura compris, pour le portefeuille du contribuable français. Outre que reléguer les profits français au rang des intérêts d'une ligue des contribuables est discutable, si l'argent public français fut sollicité, cela ne fut pas perdu pour tout le monde : les compagnies maritimes profitèrent du monopole de pavillon, le capitalisme agraire s'épanouit en Algérie du fait de la domination coloniale... Plus important peut-être : il y eut via l'Algérie satisfaction de fantasmes français - angoisses, refoulements et prurits de grandeur mêlés. Dire, comme le représente D. Lefeuvre, que la France a secouru une Algérie en perfusion n'a guère de sens, sauf à considérer que et la France et l'Algérie étaient des entités insécables. Pourra-t-on raisonnablement faire croire que la minorité européenne de l'Algérie c'était l'Algérie ? Elle fut, à vrai dire, aussi la France, et elle fut partie prenante dans les processus de décision. » Dans l'article publié par Naqd, il est ajouté : « ...Une approche totalement économiste qui évacue le politique refoule une évidence : en situation coloniale, c'est le politique qui détermine l'économique. » Daniel Lefeuvre était au cœur du récent prétendu « scoop » sur les propos de Paul Delouvrier rapporté par Sciences et Vie. Le Monde (édition du 19 octobre 2004) rapporte lui aussi que, selon Daniel Lefeuvre, l'Etat français aurait accepté en 1959 de verser une sorte d'« impôt révolutionnaire » au Front de libération nationale (FLN) pour que les pipelines qui évacuaient les hydrocarbures du Sahara ne soient pas sabotés. La révélation aurait été faite à l'historien en 1983, par Paul Delouvrier que le général de Gaulle avait chargé de mettre en œuvre le plan de Constantine. Or, le témoignage posthume de M. Delouvrier est unique à ce jour. Selon Le Monde, Daniel Lefeuvre soutient que le FLN aurait utilisé une partie de l'argent pour installer une fabrique d'armes au Maroc avec l'aide de militants de l'extrême gauche française.