En ces jours de commémoration du 50e anniversaire du déclenchement de la Révolution, il est bon de faire une pause et de se dire que la grandeur de la lutte pour l'indépendance du pays ne devrait jamais être mise en ballottage avec les dérapages post-indépendance. Mais aujourd'hui encore, il nous arrive à tous de lire le combat héroïque de nos martyrs et figures historiques avec les yeux de l'ancien colonisateur. À Liberté aussi, nous avons commis cette erreur. Dans ce même espace, réservé habituellement à notre brillant chroniqueur, le témoignage d'un représentant du gouvernement français de l'époque coloniale nous a menés à douter de personnalités historiques au patriotisme maintes fois démontré. Nous nous excusons auprès de Réda Malek et de ses compagnons qui avaient défendu avec acharnement la souveraineté de l'Algérie sur ses richesses naturelles, en l'occurrence le pétrole. Pour ces hommes, qui tenaient tête à une puissance militaire et économique qu'était alors la France, il était hors de question de marchander la vie des patriotes ou la pureté de la Révolution. De quoi s'agit-il ? Un historien qui ne craint pas le ridicule prend le risque calculé d'un révisionnisme de la pire facture qui soit pour ressortir du vieux congélateur des inconsolables de l'Algérie française, des contre-vérités bâties sur le ressentiment et la nostalgie du temps béni des colonies. Daniel Lefeuvre, historien aspirant à la notoriété par la falsification et le travestissement de la vérité, sort de sa besace de braconnier de l'Histoire un témoignage posthume, s'il n'est apocryphe, de Paul Delouvrier, délégué du gouvernement français en Algérie, à la fin des années 50. Son objectif : faire accroire que le FLN, qui avait fait l'admiration du monde entier, a passé un compromis déshonorant, voire a commis une forfaiture, en monnayant auprès de l'ennemi la sécurité des pipelines qui acheminaient le pétrole et le gaz du Sahara jusqu'aux zones portuaires du Nord. Aux termes de ce deal amoral pour un mouvement révolutionnaire, les compagnies pétrolières françaises ont versé de l'argent au FLN lequel, en contrepartie, s'est engagé à ne pas saboter les oléoducs. Foi de Delouvrier, ci-devant grand commis de l'Etat français et qui dit avoir obtenu de De Gaulle lui-même “un milliard de francs lourds par an pour sortir le gaz du Sahara et l'amener jusqu'à la côte”. Fort heureusement, des interlocuteurs algériens des autorités coloniales françaises sont encore en vie pour battre en brèche ces contre-vérités et ramener ces élucubrations tardives à ce qu'elles sont, un tissu de mensonges grossiers. M. Réda Malek, négociateur et porte-parole de la délégation algérienne à Evian, est justement de ceux-là. À ce titre, il n'ignorait rien des accords, connus ou secrets, passés par le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), que ce fût avec la France ou d'autres parties. Du reste, dans ses nombreux écrits, conférences et témoignages, il n'a pas manqué de livrer les détails des pourparlers avec la puissance occupante. Au fait de tous les enjeux autour du pétrole algérien, il est formel : jamais un tel accord n'a existé. Bien plus, le CCE (Comité de coordination et d'exécution) s'était même brouillé avec le président Bourguiba qui avait accepté la proposition française de faire transiter par le territoire tunisien le pétrole algérien. Le devoir de vérité historique commande, aussi, de rappeler que si la guerre d'Algérie a duré quelques années de plus, ce fut précisément à cause du refus de la partition, entrevue par les autorités coloniales, et qui consistait en une reconnaissance de l'indépendance d'une Algérie amputée de son Sahara. LIBERTE