La décision de dépêcher un groupe d'experts pour enquêter sur les attentats du 11 décembre 2007 semble irriter le gouvernement algérien. Elle est intervenue après la remise à Ban Ki-moon du rapport du chargé de la sécurité de l'ONU, dépêché à Alger, et aussi les déclarations de Bouteflika qui a exprimé son désarroi de n'avoir pas pu protéger le personnel de l'ONU, et celles de Zerhouni qui a révélé que les bureaux onusiens étaient ciblés depuis longtemps. En déclarant que Ban Ki-moon a décidé d'une « manière unilatérale » l'envoi d'un groupe d'experts chargés d'enquêter sur les circonstances de l'attentat du 11 décembre 2007 contre le siège de l'ONU, le chef du gouvernement Abdelaziz Belkhadem a non seulement emboîté le pas à son ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, qui affirmait qu'il s'agit d'une « mesure interne » à l'organisation, mais aussi suscité des interrogations quant à la réaction des autorités. Tard dans la soirée de mardi, la porte-parole de Ban Ki-moon, Michèle Montas, a indiqué qu'au stade actuel l'organisation est en train de mener « des consultations à la fois internes et avec les Etats membres sur le travail de cette équipe indépendante ». Elle a également annoncé que la composition de l'équipe et son mandat détaillé vont être annoncés au début de la semaine prochaine (c'est-à-dire lundi). « Vendredi 11 janvier 2008, le secrétaire général a reçu du secrétaire général adjoint à la sûreté et à la sécurité un rapport préliminaire sur les circonstances qui ont conduit à l'attaque terroriste perpétrée il y a un mois contre les locaux des Nations unies à Alger. Le secrétaire général a désormais décidé de nommer un groupe indépendant chargé d'établir tous les faits concernant l'attaque d'Alger et de traiter des questions stratégiques essentielles visant à assurer et à renforcer la sécurité du personnel des Nations unies dans leurs opérations à travers le monde. Le groupe s'efforcera d'obtenir la pleine coopération des autorités gouvernementales algériennes », lit-on dans le communiqué diffusé dans la nuit de mardi à mercredi par l'organisation onusienne. Quelques heures auparavant, le chef du gouvernement a qualifié à partir de Madrid, la capitale espagnole, la décision de Ban Ki-moon de « mesure unilatérale » et de ce fait elle « ne pouvait être accueillie favorablement », estimant que « l'Algérie fait son devoir au sujet de cette question » (ndlr, la sécurité). Abdelaziz Belkhadem a noté que l'ambassadeur d'Algérie auprès de l'ONU n'a « pas été consulté » et l'avis de l'Algérie « n'a pas été pris », ajoutant plus loin que « les règles en la matière n'ont pas été du tout respectées ». Pour la porte-parole de l'ONU, cette enquête, qui sera menée par des experts indépendants de l'organisation, « vise en réalité à approfondir celle menée par le secrétaire général adjoint de l'ONU à la sécurité, David Veness, qui a remis vendredi dernier un rapport préliminaire à Ban Ki-moon ». Un rapport interne, a-t-elle souligné, qui ne peut être rendu public. La décision d'enquêter sur la sécurité des bureaux de l'ONU à Alger est tout à fait légitime, surtout si des défaillances ont été relevées en la matière, d'autant que le ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, avait lui même jeté un pavé dans la mare en affirmant publiquement que les bureaux de l'ONU étaient depuis longtemps visés par les terroristes. A-t-on informé les concernés de cette menace ? A-t-on pris suffisamment de mesures pour éviter qu'un camion-citerne bourré d'explosifs circule en toute liberté dans ce quartier censé être le plus protégé du fait qu'il abrite de nombreux sièges d'ambassades ? Autant de questions auxquelles il faudra apporter des réponses, d'autant que Ban Ki-moon avait révélé lors d'une conférence de presse, dont le contenu a été diffusé sur le site web de l'ONU, qu'il en avait fait état de la discussion qu'il a eue avec le président Bouteflika, lors de sa visite à Alger, quelque temps après l'attentat. « J'ai discuté avec le président Bouteflika quand j'étais à Alger le mois dernier. En effet, c'est un problème très grave pour quelques pays dans le monde (...) pas seulement pour l'Algérie. J'ai dit au président Bouteflika qu'à ce moment-là, bien entendu, j'étais choqué, c'était un événement tout à fait tragique, mais lui-même m'a dit qu'il était embarrassé et gêné de n'avoir pas pu protéger le personnel des Nations unies et les bureaux de l'ONU. C'est un problème mondial et non pas une question qui touche uniquement l'Algérie. » Néanmoins, Ban Ki-moon n'a pas manqué de préciser qu'« en tant que pays hôte, le gouvernement algérien est responsable. Il doit prendre toutes les mesures nécessaires pour renforcer la sûreté et la sécurité de l'ONU. Il m'a assuré qu'il trouverait de nouveaux locaux au PNUD et au HCR. Cela ne concerne toutefois pas seulement le gouvernement algérien. C'est une question dont je souhaite m'entretenir avec tous les Etats membres en général ». Ce qui explique certainement, l'« embarras » de Bouteflika au sujet de son incapacité à protéger le personnel et les bureaux de l'ONU. Y a-t-il eu quelque part négligence ? On ne le sait pas. Cependant, il est important de rappeler que Ban Ki-moon n'a parlé de groupe d'experts indépendants qu'après avoir reçu le rapport de son secrétaire chargé de la sécurité. Il avait d'ailleurs expliqué lors d'une conférence de presse que « sur la base de ce rapport, nous allons renforcer les mesures visant à garantir la sûreté et la sécurité de notre personnel et de nos locaux. Je vais m'entretenir avec les Etats membres des voies et moyens d'améliorer la sécurité et la sûreté du personnel ». Ban Ki-moon n'a pas exclu l'envoi d'une telle mission d'enquête en déclarant à la presse : « Je n'ai pas l'intention de vous parler de questions relatives à la procédure interne. J'examine toutefois cette question de près et j'ai demandé à M. Veness de se pencher sérieusement sur cette question pour me remettre un rapport d'ensemble. » Ceci démontre que la décision de Ban Ki-moon a été motivée par « l'embarras » de Bouteflika, la déclaration de Zerhouni, sur le fait que le siège de l'ONU était visé et les conclusions du rapport de Veness.