Bab El louz : le quartier le plus ancien de la capitale des Hammadites. Celui qui par son architecture ramassée retrace le mieux une conjugaison des influences ottomane, andalouse et kabyle. Certaines maisons dépassent les deux siècles d'âge. Vu de Yemma Gouraya, l'essaim de points rouges brique est parcouru de venelles et d'escaliers. De plus près, le pittoresque est allié au silence des ruelles. Mais, triste sort, la poésie des lieux est entamée par un état de délabrement très avancé pour beaucoup de constructions et de voies de communication. Dès l'entrée de la rue Saïdani, la plus longue venelle traversant de part en part Bab El louz, on constate le sinistre. En face, le mur de soutènement de l'escalier donnant sur l'ancien hôpital est déformé. Les marches de l'escalier sont défoncées par endroits. Un terrain vague jonché de détritus ouvre la visite. Un pan du mur d'enceinte de la première maison située à cette extrémité de la rue est tombé. Des lézardes parcourent le reste des maisons, faisant craindre le pire aux habitants rencontrés. Un décor de film de guerre y a pris place. La dernière en date à s'écrouler est la maison de la famille Mahindad. Les intempéries du mois d'octobre passé ont « dénudé » la maison des Boumsila en emportant tout le mur de clôture. Le sinistre « a fait du bruit du côté des autorités, sans plus », se désolera un riverain dépité. L'intérieur des habitations n'est pas plus « réconfortant », dira Ahmed Benkhelifa. Sa famille vit un danger permanent. Murs gonflés et fissurés, plafonds décrépits confortés, remède de fortune, par des chevrons, du contre-plaqué et des tôles ondulées. Le tout baignant dans une forte odeur de moisi, de par le fort taux d'humidité régnant. La Protection civile et les services d'hygiène et de prévention de l'APC ont conclu à « l'urgence d'une évacuation vers un logement plus décent », nous apprendra Ahmed, mais sa famille attend toujours. Le prix de l'attente n'est cependant pas clément, « l'aîné des enfants a chopé une allergie ». Ses voisins ne sont pas logés à meilleure enseigne. L'impasse Boualem Ouzegdouh est, pour reprendre l'expression de l'un des habitants, « entrée dans la phase terminale de son agonie ». Le serpentin dévale en pente la rue Boualem Ouzegdouh jusqu'à Oued Roumane, un collecteur d'eaux pluviales et d'eaux usées situé une cinquantaine de mètres en aval. Un passage fait d'une suite d'escaliers et de paliers et que serrent 32 maisons abritant au total 202 personnes. Cette voie d'accès, à l'origine, n'était pas dallée, devenant alors boueuse en période d'averses, soit une véritable patinoire, causant de nombreux accidents. Le quartier « toujours ignoré par les autorités », il a fallu quelques âmes généreuses habitant l'impasse pour que des escaliers en bonne et due forme voient le jour il y a une dizaine d'années et mettent ainsi fin aux chutes et fractures qui s'en suivaient chez les personnes âgées notamment. Aujourd'hui, les riverains tirent une autre sonnette d'alarme. Les maisons sont toutes situées en soubassement les unes par rapport aux autres ; de ce fait, de leurs murs supérieurs adossés à la terre pleine suinte une humidité flagrante. Le sol gorgé d'eau est devenu malléable ; du coup, les planchers se sont affaissés dans la plupart des habitations. Invités à voir de plus près, nous sommes entrés dans la demeure de Rachid Belkacem, le président du comité de quartier. Nous y avons mesuré l'ampleur du sinistre. Une forte odeur de moisi prend à la gorge. Les balcons des chambres à l'étage sont confortés par des madriers de crainte d'une catastrophe. Celle-ci peut être « imminente » sous l'action simultanée de l'eau et des vibrations produites par la circulation, appréhende notre hôte. Profitant de la prompte mise sur pied en 2003 d'une commission de wilaya dont la mission était l'évaluation des dégâts causés par le séisme du 21 mai 2003, les habitants de l'impasse ont pu faire connaître (sur PV) l'état de dégradation affectant leurs logis. Le rapport mentionnait, comme paramètres prévalant, la vétusté, les fissurations, les affaissements des planchers et les effondrements des plafonds. Le document concluait « l'urgence d'une évacuation et la mise sous scellés des 32 habitations », pour prévenir toute catastrophe humaine. Mais, « bien que toutes les autorités locales aient été alertées », nous signalera un ancien du quartier, Braham Cheikh, la situation demeure inchangée. Des habitants, renchérira Rachid, découragés ont « même envisagé d'apporter eux-mêmes une solution », mais des experts consultés les auraient dissuadés, « une réfection individuelle risquant de provoquer des écroulements généralisés ». Une ultime démarche a été initiée auprès des services du ministère de l'Habitat qui a délégué deux représentants en 2006 pour constater matériellement les dégâts. La suite est toujours attendue.