Le marché du crédit immobilier au profit des particuliers est estimé à 100 milliards de dinars. C'est ce que révèle Rachid Metref, directeur des crédits spécifiques et aux particuliers au CPA. 70% des crédits bancaires sont destinés à l'immobilier, affirmait récemment, pour sa part, le délégué général de l'ABEF, Abderrahmane Benkhelfa. Mais que représente réellement le crédit immobilier en termes d'impact sur la vie des ménages ? Les statistiques de l'ONS montrent que le nombre de mariages enregistrés est passé de 279 500 en 2005 à 295 000 en 2006, soit 15 700 nouveaux ménages en 2006, et davantage encore aujourd'hui. Cette courbe ascendante de nuptialité induit une demande plus forte sur l'immobilier. Mais le marché reste sourd à cette demande, comme l'illustre ce bon mot d'un confrère qui lance : « C'est le crédit de l'immobilisme plutôt que celui de l'immobilier. » Disséquant la structure de ce marché, M. Metref donne un certain nombre d'indices pertinents qui permettent d'en comprendre la physionomie. « Le marché du crédit hypothécaire aux particuliers représente à peine 1% du PIB. Dans des pays comme le Maroc, la Tunisie ou l'Egypte, il est autour de 7 à 8%. En Europe, il a dépassé les 10%. Sous d'autres cieux, c'est un marché qui peut faire basculer une économie dans un sens ou dans un autre. Aux Etats-Unis, le marché financier en entier est basé sur l'immobilier, comme l'a prouvé la crise des subprimes. Chez nous, c'est un produit encore récent qui a à peine dix ans d'âge. Nous n'avons pas la culture de l'immobilier. » Pourquoi le crédit à l'immobilier peine-t-il donc à s'installer en dépit d'une très forte disponibilité des ménages et une demande insatiable sur l'immobilier ? Pour M. Mesaoudi, directeur des crédits aux particuliers à la CNEP, cela est dû au fait que les prix de l'immobilier ont emprunté une tendance inflationniste au moment où les salaires sont rampants. Rachid Metref relève toute l'absurdité du marché secondaire du logement où un F3 dans les grands centres urbains se négocie à pas moins de 5 millions de dinars. « Il est aberrant qu'un logement doive coûter entre 15 et 20 années de salaire en moyenne, alors qu'ailleurs il coûte trois à quatre ans de salaire maximum, ce qui permet ici à peine de rembourser l'achat à crédit d'un véhicule », dit-il, avant de faire remarquer : « Le prix du mètre carré ne devrait pas dépasser une fois et demie le Snmg (soit 18 000 DA). Or, à Alger, le mètre carré se négocie à 90 000 DA et plus. » Analysant la marge d'intervention du crédit immobilier, M. Metref dira : « En Europe, 20% de la population peut se permettre un logement cash, 20% ne peut jamais se permettre un logement et les banques interviennent donc sur les 60% restants. Chez nous, une étude de l'EPLF a montré que 27% des Algériens peuvent se permettre un logement cash, 30 à 40% ne pourront jamais acquérir un logement en toute propriété. Restent 40% qui constituent la clientèle potentielle des banques. » Le « Monsieur crédit » au CPA se dit prêt à accorder un crédit à un salarié rémunéré à 20 000 DA, « mais à voir les prix du marché, c'est à peine s'il peut acheter une bicyclette », ironise-t-il en invoquant le sacro-saint argument de la solvabilité. Analysant la structure du coût du logement en Algérie, il soulignera que le problème numéro un, c'est le prix du foncier, quand toutefois les assiettes de terrain sont disponibles. Prenant sa calculatrice, il évalue à 20 000 ha la surface nécessaire pour l'édification des 1 250 000 logements inscrits dans le programme en cours d'exécution de l'Etat. « Nous avons un immense pays dont nous exploitons à peine 10% alors qu'aux Etats-Unis, des villes entières ont poussé dans le désert », regrette-t-il. Pour lui, la politique d'aménagement du territoire, notamment en ce qui concerne les villes nouvelles, n'est pas faite dans le sens de la conquête effective de nouvelles surfaces, loin des grandes agglomérations où le foncier est cher. « Quand vous voyez les villes nouvelles de Mahelma, Boughzoul et Bouinan, on constate qu'on tourne autour des mêmes pôles urbains et que l'on se dirige vers une surdensification programmée. » Pour Salim Messaoudi, la solution est dans la production, y compris dans le social et la location-vente. La diversification des formules établirait ainsi une hiérarchie où chaque segment de revenus trouverait son compte. Cela dit, nombre d'observateurs reprochent à nos banques leur frilosité. Pour eux, il incombe aux banquiers de faire preuve d'imagination pour trouver des produits adaptés aux grilles de revenus exclues du social et du reste. Ils pourraient ainsi relever le niveau des crédits en revoyant à la hausse le montant des mensualités, d'autant plus que dans les faits, nombre de ménages paient en loyer le double de ce que les banques prennent pour le même niveau de revenus. Sur un autre plan, l'Etat est appelé à intervenir pour organiser le marché locatif. Le recours de nombre de ménages à l'achat tient au fait que nombre d'entre eux ne souhaitent pas passer leur vie à payer des loyers rédhibitoires quand ces traites leur auraient permis dans le système bancaire de devenir propriétaires. L'Etat peut intervenir par ailleurs en s'impliquant davantage dans les formules d'acquisition du logement. A ce propos, d'aucuns s'interrogent pourquoi la CNL ne contribue-t-elle pas au financement des logements acquis de particulier à particulier comme elle le fait pour la formule LSP.