Dès sa nomination au poste de Secrétaire d'Etat chargée de la Ville, en juin 2007, nombre d'observateurs se sont interrogés sur la validité de l'attelage Christine Boutin (sa ministre de tutelle)/Fadéla Amara. Entre la catholique psychorigide sur les valeurs conservatrices et rompue aux arcanes de la machine politique, et la jeune (43 ans) Secrétaire d'Etat, musulmane pratiquante, issue d'une famille kabyle ouvrière de Clermont-Ferrand, allergique au protocole et aux usages des ors de la République, les hiatus n'ont pas cessé, jusqu'à ces derniers jours avec la critique venue de Christine Boutin quant à la pertinence d'un « plan banlieue » par rapport à une politique globale de la Ville qui est son credo. On peut regretter au passage que les auteurs du portrait de Fadéla Amara, programmé jeudi soir dans « Envoyé Spécial » de France 2, aient fait l'impasse sur les divergences et dissonances, de notoriété publique, entre les deux femmes. Il reste de ce portrait la « saisie » d'une Secrétaire d'Etat au langage et au fonctionnement atypiques. Connaît-on beaucoup de ministres qui, à peine nommés, se déclarent prêts à démissionner si leur politique mise en œuvre sur la durée s'avérait être un échec ? Connaît-on beaucoup de ministres qui délaissent un appartement de fonction de 200 m2 sur la rive droite pour rester fidèles à un appartement HLM du 13e arrondissement de 50 m2 ? Connaît-on beaucoup de ministres qui, dans un gouvernement de droite, forment leur cabinet à base de militants socialistes ? Ainsi, entend-on beaucoup Mohamed Abdi, ce Franco-Marocain conseiller spécial, qui a été, avec Fadéla, l'un des co-fondateurs de l'association Ni putes ni soumises. Au gré de ses nombreux déplacements sur le terrain, on constate combien Fadéla Amara est d'abord nourrie de convictions profondes quant au rejet de l'injustice et des discriminations. Sans rien renier de ses engagements à gauche, elle déclare qu'elle ne votera pas Sarkozy en 2012. Elle a pourtant relevé le défi de grande ampleur que constitue la mise en place d'un « Plan Marshall » des banlieues dont elle dessinera les premiers contours aujourd'hui 22 janvier prochain à Vaulx-en-Velin, lieu géographique des premières flambées des années 1980 et 1990. En février, l'Elysée validera ou amendera son ambitieux projet. Mais ce plan Marshall, sera-t-il de nature à éradiquer les grands problèmes que les quartiers connaissent depuis 30 ans, et que seule une politiques qui décréterait les banlieues cause nationale et priorité, serait en mesure de régler ?