Décidément, c'est une promotion qui décoiffe. Quelques minutes à peine après sa nomination en tant que secrétaire d'Etat à la politique de la Ville, Fadéla Amara aura eu sur France infos ce mot qui range les émeutes des banlieues au rang de péripétie historique… Paris : De notre bureau Un vrai revirement pour la battante qui, pendant la campagne législative, avait soutenu sur le terrain plusieurs candidats socialistes, avec des mots forcément pas très tendres pour la majorité présidentielle. C'était la semaine précédente. Il y a un siècle ! A présent ministre, son engagement à gauche devient-il donc du coup une ancienne histoire ? Après avoir dit que « le Kärcher, c'est de l'histoire ancienne », aux journalistes médusés, Fadela Amara devait, pour se justifier, user de la langue de bois : « Dans les cités, à partir du moment où l'on apporte des réponses concrètes, vous allez voir que cela va changer très vite. » Ses amis de l'association Ni putes ni soumises (NPNS), créée en 2003, ont des avis plutôt mitigés sur cette trajectoire. Le responsable Drôme-Ardèche est confiant, croyant qu'elle n'a pas accepté le poste « pour le prestige » : « Elle veut mettre de l'ordre, mais de manière sociale. » Ordre, le mot est prononcé ! Dans le département voisin, le Vaucluse, la responsable du comité de Carpentras a, par contre, démissionné, se demandant comment elle pourrait être associée à la fondatrice présidente de NPNS, membre du gouvernement de Sarkozy, « cela serait de l'équilibrisme ». Samedi et dimanche derniers, avait lieu l'assemblée générale nationale de l'association. Avec un a priori favorable puisque le communiqué officiel de félicitations à leur désormais ancienne numéro un saluait, le 19 juin « sa force de détermination, qu'elle mettra en œuvre pour changer le quotidien (…) de territoires trop longtemps ignorés par la République ».Même son de cloche (l'expression est de circonstance pour la très catholique Christine Boutin), sa ministre de tutelle qui voit dans sa nomination « la volonté de Nicolas Sarkozy de ne pas opposer deux France ». Africa 93, association de la cité des 4000 de La Courneuve, est plus circonspecte : « Comment Fadela pourra-t-elle cautionner les actions de ce gouvernement qui s'annonce particulièrement répressif en matière d'immigration, notamment en matière de regroupement familial ? Est-ce qu'elle ne sera pas limitée par son obligation de solidarité ? » A gauche, enfin, on peut résumer les positions par cette critique de Clémentine Autain, adjointe au maire de Paris, Fadela Amara a « beaucoup d'appétit et peu de conviction ». Ce que la secrétaire d'Etat réfute : « Je suis vécue à droite comme à gauche comme une sorte de poil à gratter, une femme honnête, franche qui ne met pas sa langue dans sa poche. Je pense que Nicolas Sarkozy respecte ça. Nous avons toujours eu, quand il était ministre de l'Intérieur, des rapports extrêmement honnêtes et francs. Il me respectera dans ce que je suis, dans le combat que je mène et dans ce que j'ai envie de faire. » Alibi de Sarkozy à une politique d'ouverture à gauche, et à la France diverse, la nomination de l'Algérienne Fadela Amara (après Rachida Dati et avec la Sénégalaise Rama Yade) aura donc fait causer. Un site algérien, toutsurlalgerie.com, émet des doutes sur les intentions présidentielles : « La communauté maghrébine de France compte de nombreuses élites. Il existe parmi elles de nombreux profils capables de diriger des ministères ou des secrétariats d'Etat dont les compétences ne sont pas forcément liés aux questions d'immigration ou d'intégration. » Voilà qui ouvrirait un autre débat…