Les lycéens manifestent depuis une semaine leur ras-le-bol de se voir transformer en cobayes le temps d'une réforme qu'on jette tel un torchon une fois utilisée et on en reprend une autre. Le marasme est tel que la rue est apparue comme seul réceptacle à même de le contenir et de rendre audibles des doléances restées longtemps lettre morte. L'acte de grève des lycéens ne peut qu'être traduit comme un cri d'affirmation de leur existence en tant qu'acteur subissant directement ces réformes devant tracer leur avenir. « Une réforme ne se fait pas par décret, mais avec les acteurs eux-mêmes, dont les enseignants qui sont chargés de la mettre en œuvre. Le mouvement de grève est dû avant tout à l'absence de consultation des concernés, les programmes semblent avoir été faits à la hâte sans expérimentation ni consultation », souligne Mohamed Ghoulam Ellah, chercheur associé au CREAD. Continuant son argumentaire, le chercheur estime que toute réforme doit être rendue acceptable. « Il existe une déconnexion entre ceux qui imposent la réforme et ceux qui la subissent, obéissant à une vision bureaucratique et autoritaire, elle ne peut donc pas réussir », indique notre interlocuteur en précisant que « sans concertation collective, on ne peut réussir une action collective. Il faut arriver à créer des consensus et installer l'esprit du compromis entre ministère, enseignants et élèves, car une structure bureaucratique qui agit bureaucratiquement ne peut pas aboutir, et surtout pas en éducation », dira M. Ghoulam Ellah. Le même son de cloche émane du chercheur en sociologie de l'éducation, Khaled Karim, qui voit dans le mouvement de grève « un feed-back négatif sur le fonctionnement de la réforme ». « La société est, avec tous ses segments, un corps qui vit, agit et réagit. La réaction des lycéens est une suite logique à un forcing dû à une volonté d'imposer une réforme qui n'a pas été précédée d'un diagnostic réel du secteur et loin de toute consultation », dira Khaled Karim en notant qu'un lycéen n'est pas l'être immature qu'on imagine. « Au contraire, c'est un être sensible et très attentif à son avenir qui doit être intégré comme quelqu'un qui réfléchit et qui a son mot à dire. »