Fin de mandat brutale pour le gouvernement de gauche en Italie. Battu au Sénat hier lors d'un vote de confiance, Romano Prodi s'est résigné à remettre sa démission au président Giorgio Napolitano. Devant ce dernier s'ouvre un dilemme : convoquer des élections anticipées ou nommer un gouvernement de transition. Rome : De notre correspondante Le gouvernement italien de gauche a eu la vie brève, exactement 618 jours, après la victoire de la coalition de centre-gauche aux élections législatives d'avril 2006. Depuis le début de son mandat, l'Exécutif de Prodi n'a pas eu la vie facile. Aux prises avec des alliés divisés et une opposition de droite qui n'a eu de cesse de revendiquer un pouvoir « spolié », selon elle. Vue la marge ténue avec laquelle la gauche a battu la coalition de Silvio Berlusconi au vote, l'ancien président de la Commission européenne aura quand même accompli un exploit en portant à bras-le-corps une formation politique tiraillée par mille démons. Comme une véritable comédie italienne à plusieurs actes, le parcours du gouvernement de gauche a été jalonné d'obstacles, de soubresauts et de coup de théâtre. Mais cette fois, la consultation au Sénat, après celle à la Chambre des députés, a sonné le glas pour la formation de Prodi. Ce n'était au fait que la seconde grande crise. Rappelons que Prodi avait déjà remis sa démission en février 2007 après avoir perdu la majorité lors d'un vote sur la politique étrangère. A l'époque, le chef de l'Etat avait choisi de reconduire le même gouvernement. Et voilà que tout recommence avec la démission du ministre de la Justice, Clemente Mastella, jugé dans une affaire de corruption, lui et son épouse, présidente du conseil régional de la Campanie. Ce dernier, chef de file d'un petit parti catholique centriste, Udeur, a retiré son soutien politique à la coalition de Prodi, la privant du vote de ses deux sénateurs, pour n'avoir pas reçu, selon lui, « un soutien réel de Prodi ». Hier, au Sénat, le troisième sénateur de l'Udeur, Nuccio Cusmano qui a défié son propre parti en votant pour le gouvernement, fut violemment pris à parti par ses compagnons politiques. Insulté par un autre sénateur de l'Udeur, qui lui cracha même dessus, il eut un malheur et dut quitter le Sénat sur une civière. Mais ce vote de « l'ennemi » n'a pu sauver la majorité. Prodi n'a eu que 156 voix favorables contre 161 contre. Un autre allié, Lamberto Dini, chef du petit parti des Démocrates libéraux a voté contre Prodi. Avec la démission du 61e gouvernement italien depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, c'est une nouvelle crise qui secoue l'Italie. L'origine de cet imbroglio constitutionnel, la nouvelle loi électorale très contestée et que la gauche espérait pouvoir changer durant son mandat. Car ce texte, introduit par la droite, permet à une coalition de gagner les élections avec une marge très réduite, et en s'alliant avec de petits partis comme ce fut le cas lors des législatives de 2006. Ce texte, Napolitano, qui n'est pas favorable au scénario de la tenue d'élections anticipées, voudrait le voir modifié. D'où l'alternative au vote pourrait être la désignation d'un gouvernement de transition à qui incombera la mission de porter à terme la réforme de la loi électorale. Les élections devraient se tenir dans un an et les derniers sondages donnent la droite nettement avantagée par les Italiens. Ce qui explique, peut-être, le triomphalisme des sénateurs de la droite, qui ont sablé le champagne au Sénat hier devant les rappels à l'ordre d'un président furieux.