C'est une BMW 320 noire volée et bourrée de 60 kg de TNT qui a fait son apparition avant-hier dans le champ politique libanais et régional, selon les premiers éléments de l'enquête déclenchée après l'assassin du capitaine promu commandant à titre honorifique Wissam Eid, 32 ans, chef de la section technique du service des télécommunications et des renseignements des Forces de sécurité intérieure (FSI), lors de l'attentat qui a fait 5 morts et 41 blessés à Beyrouth-Est. Beyrouth : De notre envoyé spécial Pour le Hezbollah, qui a dépêché hier une délégation au commandant des FSI pour présenter ses condoléances, l'assassinat intervient dans le « contexte de déstabilisation et d'atteinte aux institutions qui garantissent la paix civile ». Du côté opposé, les Forces du 14 mars ont considéré qu'il s'agissait de la « poursuite du feuilleton d'assassinat et de sabotage orchestré par le régime syrien ». De son côté, le patriarche maronite, Nassrallah Sfeir, a soutenu que le crime a été perpétré par une « main libanaise, mais que l'acte n'était pas libanais ». Eludant la piste salafiste, un responsable sécuritaire a assuré au quotidien L'Orient le jour que l'explosion qui a visé l'officier Eid est « extrêmement sophistiquée et d'une envergure telle qu'elle est difficilement attribuable à des groupes salafistes qui ne possèdent pas des moyens logistiques aussi performants ». Alors que d'autres sources citées par le même quotidien hésitent à ignorer la piste du terrorisme islamiste, « bien que l'absence de revendication laissent planer le doute » sur cette piste, selon un journaliste libanais. Pour sa part, le quotidien Annahar, citant un haut responsable sécuritaire, a qualifié l'attentat contre Wissam Eid de « réponse aux enquêtes menées sur l'assassinat de Rafic Hariri et sur l'affaire Ein Aleq ». Selon les sources locales, Wissam Eid n'était pas seulement un brillant officier du renseignement, spécialiste en informatique et en décryptage. Le défunt était l'officier de liaison entre les enquêteurs internationaux sur l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri et les services de sécurité libanais. Un poste où il a remplacé le général Riffi, appelé à commander les FSI. C'était cet ingénieur diplômé de l'Université américaine de Beyrouth qui travaillait sur les deux mystérieux coups de téléphones cellulaires qui ont précédé l'assassinat spectaculaire de Hariri à Beyrouth en février 2006. Le jeune capitaine avait déjà, en février 2007, permis de démanteler le réseau des auteurs de l'attentat contre un bus dans la localité de Ein Aleq en analysant les communications téléphoniques des terroristes. Eid avait également activement participé au premier accrochage armé avec le groupe salafiste de Fatah El Islam en mai 2007 et a été blessé lors des échanges de tirs à Tripoli dans le Nord Liban, quelques jours avant le début de la longue bataille de Nahr El Bared. Selon le commandant des FSI, le général Riffi et le capitaine Eid étaient étroitement liés aux enquêtes sur la vague d'assassinats à l'explosif qui ont ciblé plusieurs personnalités politiques et sécuritaires libanaises. Le jeune officier avait déjà échappé à un attentat en février 2006 lorsque des inconnus ont déposé une bombe devant sa maison. Depuis 2004, pas moins de 80 morts et 590 blessés ont été victimes de ces attentats. Un cycle qui, selon l'opinion publique beyrouthie, est loin d'être interrompue. Hier, le général Riffi a annoncé, sans plus de détails, que six réseaux terroristes ont été récemment démantelés. Dans le sud du pays, à Saïda, les services de sécurité ont découvert, vendredi dernier, une importante cache d'armes — kalachnikovs et lances-roquettes RPG7 — dans un immeuble désaffecté. Hier samedi, déclaré jour de deuil, la presse libanaise projetait le même pessimisme, surtout en perspective de la réunion extraordinaire ministérielle de la Ligue arabe au Caire aujourd'hui dimanche. Réunion qui doit étudier le rapport de la délicate médiation du secrétaire général Amr Moussa, entre les partis libanaises. Car le blocage reste total au pays du Cèdre, resté sans président de la République depuis le 24 novembre 2007, à défaut de consensus, entre majorité et opposition. Et ce, même si le général Michel Sleiman, chef de l'armée, a pu, tant bien que mal, réunir un fragile consensus autour de sa candidature. Ce dernier a appelé, avant-hier, le président syrien, Bachar Al Assad ainsi que commandement militaire syrien les assurant de « poursuivre les liens fraternels et la coordination entre les deux pays et les deux armées sœurs ». Une première selon des observateurs libanais qui lient ces appels avec les récentes rencontres révélées la semaine dernière, entre le général Sleiman avec Hassan Nassrallah et Saâd Hariri. Les plus optimistes veulent y voir un début de déblocage. Les plus pessimistes, plus nombreux, s'inquiètent en attendant la prochaine cinglante charge de TNT.