À quelque 1300 km au nord-est de Pékin, une ville capitale de la province de Heilongiiang arrache la sixième place dans le classement des pôles industriels chinois. Ce qui n'était autrefois qu'un petit village de pêche et de surcroît frappé d'un climat des plus froids, Harbin se trouve aujourd'hui propulsée au-devant de l'activité industrielle du pays. Harbin (Chine) : De notre envoyé spécial Il n'est pas un hasard si cette ville de glace, carrefour des transports, joue également les premiers rôles dans le développement social et culturel en s'ouvrant au tourisme d'un genre plutôt particulier. La perle du coup de cygne — c'est son surnom — a su transformer son handicap de climat arctique en une attraction touristique féerique. Une culture intimement liée à la neige et à la glace s'est ainsi développée dans cette ville à l'architecture mi-baroque mi-européenne, traversée par le fleuve Song Hua. Pour cette année, ce sont quelque 120 000 m3 de glace qui sont découpés des entrailles de ce fleuve pour servir à la sculpture de plus de 3000 œuvres d'art. L'île du soleil, un parc immense, accueille des touristes tant étrangers que locaux. Devant l'entrée, le spectacle a déjà commencé. Les non-initiés au froid, qui peut atteindre les - 40 degrés, sont facilement repérables à leur démarche de canard sur les restes de glace qui parsèment les allées bordées de sculptures à couper le souffle. Tout y est représenté à merveille. Pour nous, l'envie de prendre des photos souvenirs est hélas contrariée par la peur de se découvrir au froid intenable. Le soin est donc vite laissé à nos accompagnateurs chinois qui découvrent, à travers nous, l'autre sens du thermomètre. A l'intérieur du parc, les allées sont nombreuses et rivalisent de bonnes surprises, au grand bonheur des visiteurs. Par endroits, des hôtesses toutes habillées de rouge tentent de convaincre les clients à se restaurer ou à prendre un thé dans des salles comparables à des igloos tellement elles sont taillées dans la glace. La féerie Une musique douce diffusée en permanence accompagne nos déambulations à travers le parc. Des habitués des lieux, commerçants de leur état, proposent à la vente des bonnets, des gants et même des sucreries en forme de brochettes. A bout de forces et transis de froid malgré l'équipement spécial dont on s'est affublé, nous nous dirigeons droit vers la sortie du parc pour nous engouffrer dans le bus et rejoindre l'hôtel de la Paix au plus vite ! Après un dîner copieux truffé de belles recettes chinoises toutes nouvelles à nos palais, nos accompagnateurs reviennent à la charge pour nous faire visiter, en nocturne, la ville de glace. A l'entrée, ce sont des vigiles russes engoncés dans de longues tenues noires qui contrôlent les billets d'accès. Nos amis chinois nous expliquent que cette présence fait partie des agréables surprises à présenter au touristes. A l'intérieur de cette immense ville de près de 400 km2, des châteaux, des tours, des statues grandeur nature occupent le vaste espace. Des lumières multicolores scintillant de mille feux accentuent la féerie du spectacle qui s'offre aux yeux. Pour l'occasion, la tour olympique ornée de la mascotte des jeux olympiques prévus cet été à Pékin ravit la vedette à la cité impériale et même à la mythique muraille. Dire que tout ce travail aussi bien majestueux que gigantesque n'a duré que 20 jours et disparaîtra dans l'espace de deux mois, à l'apparition des premiers rayons de soleil. C'est dire toute l'importance accordée par les Chinois au tourisme depuis la mise en place des réformes dans la gestion du pays. La tour du dragon, quant à elle, n'est pas faite de glace. Elle est un véritable chef d'œuvre en acier réalisée en l'an 2000. Elle culmine à 356 m et sert en même temps d'antenne de télévision. Au hall d'entrée, un espace bien garni est dédié à la vente de souvenirs de la ville et autres bibelots aux nombreux touristes qui s'y rendent. La couleur rouge, symbole de bonheur et de pureté chez les Chinois, est omniprésente aussi bien en ces lieux qu'ailleurs. A chaque étage, des échoppes et des galeries ne désemplissent pas de touristes. En regardant vers le bas, un énorme squelette de dinosaure tranche avec la pénombre étudiée des lieux. A 181 m du sol se trouve la première salle panoramique. Plus haut encore, à 206 m, se trouve la deuxième salle. Arrivé à cette hauteur vertigineuse, une vue imprenable sur la ville s'offre aux yeux. Seul le vent et le froid peuvent vous arracher à ce tableau à la beauté sublime. la ville de Harbin compte encore de multiples curiosités qu'elle offre aux visiteurs. La rue piétonne du quartier russe, appelée Daoliq, est une succession, sans fin, de magasins branchés. Les inconditionnels du shopping y trouvent leur compte. La rue respire la propreté et la bonne ambiance, le tout bercé par une musique douce. De magnifiques statues en bronze grandeur nature embellissent chaque recoin de la grande avenue piétonne. Dans un autre endroit de la ville se dresse, à l'extrémité d'une immense lac, la cathédrale Sainte Sophie. Le site est un véritable joyau architectural russe. Beaucoup de touristes s'y rendent pour admirer cette bâtisse. A l'intérieur, des signes de décrépitude enlaidissent pourtant les salles qui affichent encore quelques fresques aux couleurs dépeintes. Là encore des cadeaux souvenirs sont proposés au public dont les répliques miniaturisées du saint siège. Vagues de fleuve En hiver, la liste des curiosités de Harbin ne sera pas exhaustive sans le spectacle des nageurs de glace. Fans Yuekun, un homme de 79 ans, pratique cette discipline depuis 25 ans. Malgré son âge avancé, il est reste dynamique et se porte encore comme un charme. Il explique qu'au départ, cette pratique répondait aux convictions religieuses des hommes de Russie, contraints en hiver rigoureux de percer des trous dans les rivières gelées pour purifier leur corps. Cette influence étrangère se perpétue à Harbin et cette attraction permet aux Harbinois d'organiser aux touristes des moments de spectacle à couper le souffle, particulièrement aux touristes qui nous ressemble. Ainsi, le rendez-vous du festival de la neige et de la glace est l'occasion pour les organisateurs de creuser dans le fleuve gelé du Song Hua une piscine aux dimensions acceptables et de veiller à briser la couche de glace qui se forme rapidement en surface pour assurer les bonnes conditions de nage aux hommes et femmes retenus pour cette démonstration. Fan Xvekun nous assure que cette pratique est excellente pour la santé puisqu'elle permet de stimuler les artères corps. Le couloir vert La ville de glace peut s'avérer aussi une ville industrielle florissante. Dès 1984, elle enregistre son premier investissement étranger. En termes de projets, ce sont quelque 3307 entreprises qui sont appelées à voir le jour pour un montant global de 11,2 milliards de dollars. Sur les 5,3 milliards de dollars engagés dans des projets, 3,5 sont déjà exploités, indique-t-on au niveau du bureau du suivi des investissements de la municipalité de Harbin. Ces projets sont initiés par 59 pays et concernent 19 secteurs. Les USA, la Corée du Sud, Hong-Kong occupent la tête de liste des investisseurs étrangers. La municipalité de Harbin, qui compte 57 quartiers industriels, a mis en place un bureau spécial pour la promotion et la coopération économique. II est chargé d'accompagner tout investissement dans la circonscription. Un « couloir vert » est réservé à tout investisseur intéressé de créer une entreprise. Toutes les facilités sont garanties dans les étapes de création d'une entreprise qui ne sauraient excéder les trois mois. Les nouvelles technologies de pointe sont particulièrement encouragées par les responsables de la province de Harbin. L'industrie automobile, les accessoires, l'industrie alimentaire et médicale sont autant de domaines importants et qui requièrent toute l'attention. Dans la banlieue de la ville, une usine du groupe Jivsan est spécialisée dans la production d'huile de soja et dérivés. Elle possède huit autres filiales disséminées à travers le pays. Rien qu'à Harbin, ce sont 7 millions de tonnes qui sont produites annuellement. L'usine fabrique vingt autres produits dont la vitamine E . Les chaînes de production sont entièrement automatiques. L'introduction de l'automatisme et du robotisme dans les usines chinoises ne tient plus du tabou. L'un des gérants de la construction automobile, en l'occurrence Harbin Hafei, gagne déjà un temps énorme dans l'assemblage de ses véhicules. Deux minutes lui suffisent pour assembler une voiture. II est question de ramener ce temps à seulement une minute 20 seconde d'ici à la fin de l'année. Le géant Hafei, dont le sigle tire sa référence des vagues déferlantes et incessantes du fleuve Song Hua qui traverse Harbin, a débuté dans la fabrication d'avions et d'hélicoptères militaires avant de se lancer dans les petits avions civils et les voitures en tous genres. En 2003, ce constructeur a inauguré l'exportation de ses produits vers une quarantaine de pays incluant l'Algérie, l'Italie, les USA, les pays du Moyen-Orient, particulièrement la Syrie.C'est la stratégie développée par la firme pour affronter la rude concurrence que connaît l'industrie automobile et surtout la surproduction des usines chinoises en général. Une autre société basée à Harbin fabrique, quant à elle, des moteurs électriques destinés à une société américaine. II s'agit du groupe Tech-Full. Divers moteurs, pompes et armoires électriques de grande qualité sont fabriqués par ce groupe.