Le 4 juillet 2007, le ministre des Travaux publics déclarait : « Il n'y aura pas un seul mètre d'autoroute dans le parc national d'El Kala » l Après un silence qui aura duré 6 mois, voilà que les travaux dans le parc sont lancés et le tracé initial contesté, tout à fait maintenu. El Tarf : De notre correspondant A El Tarf, on peut voir ces jours-ci des colonnes de fumée qui montent dans le ciel. Renseignement pris, c'est la forêt qu'on défriche activement et qu'on brûle pour ouvrir la voie à l'autoroute. Déjà plusieurs centaines d'hectares ! En dépit de la loi, des contestations et des engagements des pouvoirs publics, les travaux dans le parc viennent d'être lancés. « C'est le chef du gouvernement qui a opté pour la variante n°3 du projet » (celle qui traverse le parc), dit succinctement une lettre qui a atterri discrètement dans les différents services locaux, parties prenantes du projet, en les engageant à agir en conséquence. Pourtant, Amar Ghoul, ministre des Travaux publics, avait déclaré à El Watan, le 2 juillet 2007, que « les travaux de l'autoroute dans le parc national d'El Kala sont différés jusqu'à ce que soit trouvé un autre itinéraire dans le cadre d'une large consultation qui associera experts universitaires et associations ». Ce qui a mis un terme à la grande mobilisation citoyenne et médiatique qui dénonçait l'illégalité de ce tronçon d'une vingtaine de kilomètres. En privé, le ministre est allé jusqu'à affirmer qu'en sa qualité de scientifique et de chercheur, il était absolument convaincu du bien-fondé de la protestation des protecteurs de la nature et qu'il se refusait d'être à l'origine d'une transgression de la loi qui aurait des conséquences désastreuses pour les générations futures. « Il n'y aura pas un seul mètre d'autoroute dans le parc », avait-il encore conclu lorsqu'il recevait, le 4 juillet 2007, les scientifiques initiateurs de la pétition pour le parc national. Puis un silence sidéral et le black-out total pendant 6 mois. Lorsqu'il était, malgré lui, interpellé sur les chantiers, M. Ghoul répondait laconiquement et souvent agacé : « L'affaire du parc national d'El Kala est classée. » Ce qui était de bon augure pour les écologistes, défenseurs du parc En fait, il n'y a jamais eu de recherche pour un autre itinéraire et encore moins de consultation ou d'observatoire. Le tracé initial contesté a été maintenu contre vents et marées en dépit de l'article 4 du statut des parcs nationaux (décret 83-458) qui interdit explicitement le passage dans un parc national d'une voie à grande circulation. « Pas de surprise, l'Algérie est un état de fait et pas un Etat de droit », nous a déclaré un spécialiste des questions de l'environnement. Il est vrai qu'on n'avait pas accordé beaucoup de crédit aux propos du ministre des Travaux publics qui fait maintenant porter le chapeau au chef du gouvernement. Les écologistes et les citoyens avaient parfaitement compris que les autorités voulaient coûte que coûte mettre fin à une campagne qui prenait des proportions embarrassantes et commençait à dépasser nos frontières, relayée par des compatriotes à l'étranger. Avant cela, les pouvoirs publics avaient tenté, pour masquer la transgression des lois et noyer la contestation, d'engager une polémique stérile sur les impacts physiques de l'autoroute. « Il n'y aura que 0,2% du territoire du parc qui seront touchés », avait déclaré M. Ghoul. Une sorte d'invitation au marchandage sur ce que les écologistes considèrent comme indiscutable : l'intégrité territoriale de l'aire protégée sauf si bien entendu on change les lois. Car pour eux : « Ce ne sont pas les impacts physiques de l'autoroute qui causent le plus de dégâts. En piétinant la loi, le passage forcé de l'autoroute anéantit totalement la frêle barrière juridique que sont les statuts du parc qui protègent son inestimable patrimoine naturel. Comme il ne faut pas accorder d'intérêt à cette étude d'impact, partiale et incertaine, brandie comme la caution scientifique, juridique et morale du projet alors qu'elle n'a pas lieu d'être, puisqu'en vertu de la loi, l'autoroute ne doit pas traverser le parc national. L'autoroute va le fragmenter. Elle va le démolir et réduire à néant l'intégrité territoriale et écologique par laquelle il s'est constitué il y a un quart de siècle », rapporte un appel à la mobilisation citoyenne pour sauvegarder cette noble institution de l'Etat algérien. L'autoroute, « le projet du président » Le recours, pour justifier le lancement des travaux, à la décision qu'on veut irrévocable du chef du gouvernement implique plusieurs lectures. La première qui vient à l'esprit est forcément politique et liée à l'actualité politique. Tout spécialement le troisième mandat du Président. L'autoroute, le projet du siècle, ou encore « le projet du Président », doit être livrée avant avril 2009. Plus rien d'autre n'a autant d'importance. C'est une pièce maîtresse de la campagne électorale. Elle doit être inaugurée de bout en bout dans les délais. Quitte à saccager le plus beau jardin de la Méditerranée et écraser les outils des jardiniers. Ce qui, par ailleurs, peut encore être évité. A El Tarf, dans les milieux prompts à se saisir de toutes les opportunités politiques pour se mettre en vue, l'autoroute est présentée comme « le tsunami du progrès ». Mais le slogan ne résiste plus lorsqu'on lui oppose le fait plus terre à terre que l'autoroute, en absorbant directement vers la Tunisie les flux nourriciers de la RN44 et du CW109, va dépouiller la région du plus important segment de sa fragile économie locale : les passagers et les vacanciers. Il aurait fallu, au contraire, rectifier et entretenir les petites routes pour les inviter à être plus nombreux à prendre le temps de traverser et s'arrêter dans la région et consolider ainsi les bases d'une activité touristique qui commence à prendre forme. En passant plus au Sud, dans la région désenclavée de Bou Hadjar, elle aurait là, sans aucun doute, apporté quelques progrès en ouvrant de vastes espaces agropastoraux à quelques minutes à peine du port et de l'aéroport de Annaba.