Rigoureusement au centre de la scène. Peppe Barra se dresse devant ses quatre musiciens. Seul, dans une ample robe blanche, il capte les lumières de la scène et en prodigue au passage. Jeudi dernier, cet artiste interprète de renommée a ouvert la Saison culturelle italienne à Alger. On nous le présentait comme un chantre de la tradition populaire napolitaine. C'est sous les traits d'un personnage caméléon, d'un artiste plein d'extravagances qu'il se découvrira sur les planches du Théâtre national. On ne donne pas le temps à la salle de se tasser avant de hisser le rideau. Dans le brouhaha de l'avant-spectacle, la scène se découvre, Barra est lui-même pris par surprise. A son retour, il chausse encore son masque d'Arlequin noir. « Jouer » ainsi son émotion de se retrouver dans un théâtre, lui l'enfant né dans une famille de théâtre à « Nâpoli », une ville qu'il aime « bôcô », peut-être plus que l'Italie. Adepte de l'improvisation, et après une tentative courte de parler en français, il soumet en s'excusant le public à sa langue pour expliquer, l'une après l'autre, les chansons qu'il interprète dans un généreux effet de manche. Des rires, des chuchotements entendus proviennent de la salle en dépit d'une langue qui reste pour une large part méconnue. Peppe Barra table le contact, il sait qu'il parviendra à se faire comprendre. La musique est avant tout un savant mariage entre la chanson populaire et une composition hors du temps, flirtant avec la world music. Barra y applique son jeu de scène. En lutin des planches, il transforme le spectacle en fables à plusieurs voix, où l'expression dialectale des chansons napolitaines trouve toute sa couleur. Le concert commence sur les sonorités d'un instrument d'orgine greque qui a ouvert l'appétit à plus d'un compositeur en raison de son timbre coincé entre un clavecin et une mandoline. Ses musiciens, Barra les appelle pompeusement « maîtres » - pourrait-il en être autrement avec un personnage aussi théâtral ? - Mario Conte, au claviers, Paolo Del Vecchio, à la guitare, Sasà Pelosi, à la basse acoustique et Ivan Lacagnina aux percussions. Le concert devait être appuyé par une autre figure, le violoniste Lino Cannavacciuolo, qui ne fut pas de la partie jeudi dernier à Alger. Peppe Barra aura néanmoins donné en cette soirée de jeudi et pour l'ouverture de la Saison culturelle italienne une belle et rare performance.