Face à la flambée des prix des produits de première nécessité sur laquelle il semble n'avoir que très peu de prise, le gouvernement a décidé de soutenir à la consommation certains d'entre eux. Un fonds spécial sera prochainement mis en place. A l'instar de ce qui a été retenu pour le lait, les farines et semoules, les huiles de table, les légumes secs, entre autres, seront pris en charge par ce fonds. L'objectif est de ramener le prix au détail de l'huile de table de 800 DA le bidon de 5 litres à 450 DA et celui des légumes secs à 100 DA. Ainsi, le gouvernement a décidé de renouer avec la politique de soutien des prix qui a prévalu durant la période de l'économie administrée. Politique que l'UGTA avait dénoncée au début des années 1990 avec son défunt secrétaire général Abdelhak Benhamouda. Le gouvernement de l'époque ne voulait rien entendre et persistait dans son maintien estimant sans doute que c'était là le prix à payer pour maintenir une certaine « paix civile ». La décennie noire qui s'en est suivie a plutôt prouvé le contraire. Le retour à un « interventionnisme » de l'Etat dans la détermination des prix au détail de certains produits qui ne sont plus administrés, à l'exception du pain et du lait, est en soi plus qu'un anachronisme, au regard de la volonté de libéraliser le commerce et de faire jouer la concurrence entre opérateurs privés et publics. Cela est encore plus équivoque d'autant que l'Algérie est pratiquement sur le point de finaliser l'accord avec l'Organisation mondiale du commerce. Si dans l'immédiat l'effet recherché est celui de ramener les prix à un niveau acceptable et supportable, notamment pour les bas salaires. On ne peut pas objectivement dire qu'une telle démarche participe à la préservation du pouvoir d'achat des Algériens fortement éprouvés depuis plusieurs mois. D'abord, parce qu'une telle mesure en « trompe-l'œil » ne peut avoir qu'une portée limitée et ne suffit pas en soi à juguler un processus inflationniste qui a touché tous les secteurs de la consommation des citoyens. Par ailleurs, l'absence d'instruments de régulation efficaces de l'Etat hypothèque sérieusement l'action des pouvoirs publics sur des secteurs de la distribution et de la commercialisation aujourd'hui totalement déstructurés. On en veut pour preuve, par exemple, le commerce de gros où la vente sans facture est une pratique courante, les marges bénéficiaires relevant plus de la spéculation que de la rationalité économique… Plutôt que d'agir sur ces faiblesses, le gouvernement préfère une « démarche rentière » qui consiste à faire bénéficier toutes les catégories sociales à travers un saupoudrage représenté par le soutien des prix. Tout porte à croire, en dépit des affirmations des pouvoirs publics, que la politique adoptée par le gouvernement depuis quelques mois pour faire face à cette hausse des produits de première nécessité est loin de représenter une série de mesures transitoires. La mise en place de structures aussi lourdes que les offices interprofessionnels, comme c'est le cas pour le lait, au lieu et place de mécanismes de régulation du marché, prouverait bel et bien le contraire. On a sans doute bien compris que les tensions sur les marchés internationaux dont nous dépendons pour nos approvisionnements s'inscrivent dans la durée et qu'il serait encore plus hypothétique de tabler sur un tassement de la demande mondiale, notamment celle des pays émergents. N'empêche que pour l'instant elle va se traduire pour l'année en cours, par exemple, par pas moins de 2 milliards et demi de dollars. La subvention du lait coûtera quelque 22 milliards de dinars, 90 milliards pour la farine et 52 milliards pour les semoules. Si les moyens financiers du pays permettent aujourd'hui d'injecter autant d'argent au soutien des prix, qui s'apparente davantage à une répartition inégale de la rente, n'aurait-il pas été judicieux d'orienter toute cette manne financière qui profitera d'abord aux gros barons de l'import et de la distribution vers les producteurs nationaux et surtout les catégories les plus exposées que sont les bas salaires, les revenus fixes (retraités et pensionnés, etc). En d'autres termes, une démarche qui aurait comme ligne de mire la préservation du pouvoir d'achat de la majorité des Algériens qui relancerait par la même croissance de la production nationale. Mais il est vrai que cela ferait perdre de vue pour le gouvernement actuel l'échéance de l'élection présidentielle de l'an prochain.