A partir de mars 2005, il y aura un grand changement dans le travail d'Interpol. Beaucoup de questions sur les extraditions ne se poseront plus », a révélé avant-hier le président de l'Organisation internationale de la police criminelle, Jackie Selebi, lors d'une conférence de presse animée à l'Ecole supérieure de la police à Alger. Sans vouloir être plus explicite, le Sud-Africain a néanmoins affiché sa volonté d'élargir la marge de manœuvre de l'organisation qu'il préside. « Plusieurs recherchés, objets de mandats d'arrêt internationaux, trouvent refuge dans certains pays sous le couvert des droits de l'homme. On va s'efforcer à lever cette couverture politique dès que possible », prévoit M. Selebi qui relève à ce propos un changement dans les rapports entre Interpol et les pays occidentaux. « Avant 1999, les pays européens ne travaillaient qu'en fonction de leurs intérêts en accordant facilement la protection aux criminels recherchés. Mais après cette date, ces pays commencent à subir à leur tour les coups du terrorisme. Alors, ils sont devenus plus fermes vis-à-vis des recherchés », explique le patron d'Interpol en faisant remarquer que beaucoup de pays refusant d'extrader les recherchés, n'ont pas connu le phénomène du terrorisme. Dans ce constat empreint de politique, M. Selebi entend, outre interpeller certains Etats occidentaux devenus un havre pour les criminels recherchés, concentrer un grand effort d'Interpol au service des pays du tiers monde, notamment africains. M. Selebi, premier Africain à être élu à ce poste, a, dès la prise de ses fonctions le 8 octobre dernier, donné le ton en déclarant que « l'une de ses priorités serait d'œuvrer au renforcement des régions les plus faibles parmi les 182 pays membres d'Interpol ». Dans la même assemblée générale, tenue au Mexique, l'Organisation internationale de la police criminelle a adopté la création d'une unité spécialisée pour coordonner l'organisation d'une conférence internationale en mars 2005, ainsi que pour mettre sur pied des ateliers de formation régionaux destinés aux policiers d'Afrique, des Amériques et d'Asie. Tout indique que le premier policier du monde mise sur cette échéance en vue de renforcer davantage les pouvoirs d'Interpol devant le développement effarant des méthodes du crime international. Concernant le statut d'Interpol, ses dispositions lui interdisent toute activité ou intervention dans des questions présentant un caractère politique, militaire, religieux ou racial. Le but de l'organisation, dira M. Selebi, est de faciliter la coopération policière internationale, même s'il n'existe aucune relation diplomatique entre les pays concernés. Toute action est mise en œuvre dans le cadre des lois existant dans les différents pays et dans l'esprit de la Déclaration universelle des droits de l'homme. « La police ne travaille qu'avec une autre police, mais on essaye d'influencer sur les champs politiques dans la perspective d'un monde plus sécurisé », a affirmé M. Selebi en rappelant les résolutions adoptées le mois d'octobre dernier visant à améliorer l'efficacité et la coopération entre les polices du monde dans leur lutte contre la criminalité internationale. Interpol offre à ce sujet des bases de données diverses contenant des informations sur des documents de voyage volés, sur les empreintes digitales, sur des véhicules volés, sur des images d'abus sexuels commis sur des enfants ainsi que des services en matière d'analyse criminelle et des programmes antiterrorisme. L'hôte de l'Algérie a cité l'exemple de la Colombie où Interpol a demandé aux banques de bloquer les fonds des trafiquants de drogue. Cela dit, des exemples concrets montrent que le rapport de force entre Interpol et les législations de certains Etats est plutôt en faveur de ces derniers. Des demandes d'extradition ont rarement abouti dans des pays où la question des droits de l'homme relève de la souveraineté d'Etat. Sur la coopération de la police algérienne avec Interpol, M. Selebi a annoncé que l'Algérie est le pays le plus actif dans la lutte contre le terrorisme mais aussi le premier à avoir soutenu le programme de destruction des mines antipersonnel. « La police algérienne a de grands leaders qui peuvent diriger Interpol sans prétendre à la présider », a avoué le conférencier. Interrogé sur la portée du projet d'amnistie générale que compte proposer le président de la République, M. Selebi a qualifié Bouteflika d'« homme sage » et qu'il ne trouve aucun inconvénient pour cette option, pourvu qu'elle vise à préserver les vies humaines. A signaler enfin que cette visite intervient suite à l'invitation officielle adressée par le président de la République à M. Selebi pour assister à la cérémonie de la destruction des mines antipersonnel.