L'épreuve de force se poursuit en Ukraine, plus exactement dans la capitale Kiev, entre les partisans de Iouchtchenko et du candidat du pouvoir, le Premier ministre sortant Victor Ianoukovitch, dont la victoire à l'élection présidentielle est contestée par l'opposition. Les manifestants de l'opposition ont bloqué dans la journée d'hier les entrées au siège du gouvernement, alors que plusieurs médiateurs étrangers arrivaient à Kiev pour tenter de désamorcer la crise née depuis la victoire annoncée au second tour de la présidentielle du Premier ministre sortant qualifié de pro-russe, le 10 novembre dernier. Le président sortant ukrainien Léonid Koutchma et le leader de l'opposition Viktor Iouchtchenko devaient tenir une « table ronde » hier à Kiev avec ces mêmes médiateurs européens pour chercher une solution à la crise, alors que les manifestants bloquaient le siège du gouvernement et la Présidence. Cette rencontre avec le représentant de l'Union européenne pour la politique étrangère, Javier Solana, les présidents polonais Aleksander Kwasniewski et lituanien Valdas Adamkus et le secrétaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, Jan Kubis, devait être suivie par un tête-à-tête Koutchma-Iouchtchenko. La participation éventuelle du Premier ministre Viktor Ianoukovitch, vainqueur contesté de la présidentielle de dimanche, n'a pas été évoquée. Le Président sortant a néanmoins rencontré successivement dans la matinée MM. Kwasniewski et Solana. Par ailleurs, tous les partis et coalitions, y compris ceux soutenant le régime en place, ont décidé de tenir aujourd'hui une séance extraordinaire du Parlement ukrainien sur la crise politique. Rappelons qu'une séance extraordinaire s'était déjà tenue mardi dernier au Parlement, mais en présence seulement des députés de l'opposition. Ils avaient alors proclamé Viktor Iouchtchenko « Président ». Un doute demeurait cependant sur les effets concrets immédiats tant de la médiation que des travaux parlementaires, alors que la Cour suprême ukrainienne doit commencer seulement lundi l'examen des plaintes des deux parties contre les fraudes lors de la présidentielle. Si elle ouvre formellement la possibilité d'invalider les résultats contestés - M. Iouchtchenko s'est félicité de ce « début » -, la procédure juridique risque aussi de faire traîner les choses, de démobiliser les troupes de l'opposition et d'offrir une protection au régime contre les pressions internationales. Enfin, Moscou a confirmé, par la bouche de son chef de la diplomatie, les constatations faites par Vladimir Poutine au cours du sommet UE-Russie tenu jeudi dernier à La Haye, aux Pays-Bas, pays assurant actuellement la présidence de l'UE. Ce dernier, qui avait pratiquement piqué une colère en évoquant la crise en Ukraine, a tout simplement préconisé que les plaintes déposées devraient être examinées par les institutions habilitées, comme le prévoit la loi ukrainienne. Le ministre des Affaires étrangères russe est allé plus loin affirmant que son pays voyait dans la crise ukrainienne une tentative de l'Occident d'étendre vers l'Est son influence au détriment de la Russie. Sergueï Lavrov a accusé « certains Etats » de faire sortir la situation ukrainienne du champ du droit et de vouloir « tracer de nouvelles lignes de partage » en Europe afin que l'Ukraine rejoigne le camp occidental. Pour cela, il ne serait pas exagéré d'affirmer qu'on assiste à une véritable crise géopolitique. Les appels lancés hier par le président sortant Léonid Koutchma demandant aux manifestants de rentrer chez eux et que « cesse cette pseudo-révolution » seront-ils entendus ou alors relanceront-ils la crise de plus belle ? De son côté, le ministre de la Défense s'est voulu rassurant en affirmant que « l'armée ne trahira pas le peuple ». Laissant entendre par là que l'armée n'interviendrait pas dans le règlement de cette crise en faveur du pouvoir et qu'elle resterait neutre.