Les niveaux atteints par les importations de semences de pomme de terre auront largement dépassé les capacités d'absorption du marché. Alors que dans les champs, la culture s'étale à perte de vue, profitant de températures journalières très douces pour la saison, chez les revendeurs de semences, c'est la déprime qui semble l'emporter. Des centaines de quintaux, voire de tonnes, encombrent encore les étals, alors que les premières récoltes pourraient survenir plus précocement que d'habitude. La raison en est toute simple, cette précocité s'explique également par l'arrivée massive de semence dès la première quinzaine de novembre. Cette mise à disposition des fellahs se traduira par une mise en culture dès la 3ème semaine du même mois. Si bien que la plupart des cultivateurs de la région auront profité de toutes ces conditions favorables pour se mettre à l'ouvrage. Les prix de vente qui s'échelonnaient entre 7 400 et 12 000 DA, selon la variété et surtout l'importateur, finiront par dérouter les éternels resquilleurs qui préférèrent, comme à leur accoutumée, attendre un effondrement des cours. Il est vrai qu'avec plus de 90 000 tonnes importées, le marché avait de quoi se satisfaire. Il aura fallu des manœuvres spéculatives sur la semence de Spunta, variété à peau blanche, et sur celle plus prisée de Bartina, à peau rouge, pour que le marché s'emballe. Délaissant les variétés classiques comme la Désirée, qui ne trouveront plus preneurs. Alors que les prix des premières iront en augmentant, les secondes suivront une courbe glissante au point d'atteindre des prix inférieurs à 7 000 DA. Pendant ce temps, la campagne de plantation se généralisait aux régions intérieures de Aïn Defla, Mascara, Maghnia, Tiaret, Chlef, Relizane et le grand sud. De leur côté, certains opérateurs continueront d'importer des variétés très peu cotées. D'où un certains dédain de la part des fellahs retardataires qui se décideront à ne plus planter aussi tardivement. Conscients que si leur récolte arrive au moment du pic de production qui se situe entre mai et juin, ils courent le risque de vendre à perte, voire de subir de plein fouet une mévente qui serait catastrophique. Ce comportement responsable aura cependant des effets inattendus chez les importateurs et les revendeurs qui ne trouvent plus aucun client pour des quantités appréciables de semences. En effet, la Désirée, qui sera suivie par d'autres variétés, verra sa cote chuter de manière inexorable, passant en moins de 15 jours de 7 000 à 4 000 DA. Ce qui la met à la même valeur que la pomme de terre de consommation, dont les quantités commence à s'amenuiser. S'agissant d'une semence, elle devra obligatoirement subir un déclassement administratif et finir normalement à la décharge. En navigant à vue, les opérateurs parviennent à déstabiliser profondément les fellahs en les obligeant à acheter à des prix insupportables durant la période de plantation idéale et en leur proposant des prix bradés deux mois plus tard. Proposer de la semence entre 40 et 70% moins chère en l'espace de 60 jours, ne participe pas à ramener la sérénité dans les campagnes. Alors que le volume importé était supérieur aux capacités financières et techniques des fellahs, ce sont les pratiques spéculatives de quelques importateurs et autres intermédiaires qui auront réussi à entretenir une tension sur ce produit. La mévente qui pourrait concerner 10 à 15 % des importations ne leur aura en rien réduit leurs marges bénéficiaires.