Les familles des 54 Algériens dans les prisons libyennes ont interpellé hier le Président, lui demandant une prise en charge humanitaire. Parmi ces prisonniers, 8 d'entre eux, dont 2 femmes, sont condamnés à l'amputation de la main, 8 à la peine capitale, 8 à perpétuité. D'autres attendent depuis des années un procès. Leur avocat affirme que les dossiers d'accusation pour trafic de drogue et vol sont en majorité vides. Emouvante et révoltante a été hier la rencontre entre les familles des 54 Algériens, dont 4 femmes, détenus en Libye et les membres de la Commission nationale consultative de défense des droits de l'homme. Emouvante par le cri de détresse lancé par ces familles et révoltante par l'inertie des autorités algériennes face à cette dramatique situation. Venus de différentes régions du pays, les parents des 54 prisonniers condamnés pour la plupart à la peine capitale, à perpétuité et à l'amputation de la main, pour des affaires de drogue et de vol, ont exhorté la commission à transmettre leurs doléances, ou plutôt « leur cri de cœur », aux plus hautes autorités du pays, « dans l'espoir de prendre en charge, sous l'angle humanitaire », le sort de leurs enfants. Intervenant au nom des familles, Abdelkader Kacemi a expliqué que sur les 56 détenus, 8 sont condamnés à la peine capitale, 22 à la prison à vie, 5 à l'amputation de la main (dont 2 femmes), tandis que les autres attendent depuis 5 ans un procès pour des affaires de drogue et de vol. « Ils étaient plus de 200, mais 115 ont bénéficié de la grâce décrétée en 2006 par le président libyen, Mouamar El Gueddafi. Toutefois, il existe le cas tragique d'un jeune Algérien, condamné à perpétuité, pour homicide et qui a passé 18 ans en prison. En 1993, il a bénéficié d'une grâce présidentielle, mais n'a pu être libéré, parce qu'il n'a pas les moyens de payer la dîme, indue à la famille de la victime, et sans laquelle il ne peut quitter la prison », a noté Abdelkader Kacemi. Il a précisé que de nombreux détenus sont pratiquement oubliés dans les prisons et attendent depuis des années un procès. « Le droit de visite est permis une fois par semaine (le lundi), et il faut à chaque fois payer pour pouvoir l'arracher. De plus, à chaque entrée sur le territoire libyen, les Algériens sont soumis à l'obligation de présenter la somme de 1000 euros, faute de quoi, ils sont refoulés. Les familles subissent les pires humiliations avant d'arriver à voir leurs proches. De plus, il est important de signaler que rares sont les familles qui peuvent supporter ces dépenses, auxquelles il faudra ajouter les honoraires des avocats libyens et qui dépassent largement les 500 000 DA », a déclaré Abdelkader, ajoutant que les représentants de l'ambassade d'Algérie « ne leur ont jamais rendu visite, et leurs rares déplacements pour s'enquérir des détenus ont été faits en présence des membres de la Croix-Rouge internationale ». L'intervenant a parlé de « sanctions inhumaines » infligées souvent aux prisonniers algériens, et qui consistent à les placer « en isolement » dans des « sous-sol humides pendant au moins 20 jours », avec tous les risques des maladies chroniques que ces conditions peuvent provoquer. Son seul souci, a-t-il dit, est d'éviter à ces jeunes l'amputation, l'exécution de la peine capitale et la mise à mort à petit feu, par la peine à perpétuité. « Il faut à tout prix sauver nos enfants de l'amputation et de la peine capitale. » Abondant dans le même sens, Hocine Latreche, d'El Oued, s'est interrogé sur le fait que « la dernière grâce présidentielle qui a touché 500 prisonniers étrangers n'a pas concerné les détenus algériens ». L'ambassade d'algérie n'était pas informée Me Kalfali El Madjid, du barreau de Biskra, et agissant en sa qualité d'avocat du collectif (qui ne peut plaider en Libye) a expliqué que la majorité des dossiers qu'il a pu examiner sont vides et les nombreux déplacements des détenus d'une prison à une autre rend souvent difficile leur localisation. « Le problème c'est que les Libyens n'ont pas informé l'ambassade d'Algérie de ces situations. Ce n'est qu'une fois cette affaire rendue publique par la presse que les autorités ont été mises au courant », a déclaré l'avocat. Néanmoins, il est utile de rappeler que cela fait 5 mois que les familles ont pris attache avec les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, ainsi qu'avec le ministère des Affaires étrangères, et la présidence de la République, à travers de nombreuses lettres dont celles écrites par les mères des détenus et la plus récente date du 27 janvier 2008. Ces écrits n'ont pour l'instant pas abouti. Ce qui a poussé le collectif à se regrouper hier au siège de la commission pour lui demander de faire entendre sa voix auprès du premier magistrat du pays. Réagissant au nom du président (absent), Hocine Khaldoun a voulu rassurer les familles en leur affirmant que l'organisation avait saisi le ministère des Affaires étrangères dès qu'elle fut informée et l'a même exhorté à entreprendre des « démarches immédiates » et « d'ouvrir une enquête sur cette affaire ». Alors le droit à une protection diplomatique de l'etat algérien Pour ce qui est de la présidence de la République, M. Khaldoun a précisé que cette institution sera destinataire du dossier, « une fois toutes les informations réunies », en rappelant toutefois « la complexité » de cette affaire du fait qu'il n'existe pas de convention d'entraide judiciaire et d'extradition des criminels entre l'Algérie et la Libye. « Cependant, cet handicap ne nous empêchera pas de faire des propositions adéquates pour arriver à une solution qui pourrait faire accélérer un tel accord », a déclaré M. Khaldoun. Celui-ci a tenu à rassurer les familles en leur disant : « En tant qu'Algériens, vos proches ont le droit d'exiger une protection diplomatique de l'Etat algérien. L'Algérie ne peut refuser ce droit à aucun Algérien. » Il a promis aux familles « de faire le nécessaire pour faire aboutir » leurs doléances, qui se résument, faut-il le préciser, aux droits garantis (par la Constitution) des Algériens à une protection de leur Etat, quel que soit le pays où ils se trouvent et quelles que soient les relations qui lient ces pays à l'Algérie. S. T.