La deuxième édition des « journées théâtrales de la ville d'Alger » ont débuté hier au complexe Laâdi Flici (Etablissement Arts et Culture). Cette rencontre de deux jours à laquelle prennent part plusieurs universitaires et spécialistes en la matière, algériens et étrangers, est consacrée au thème « Théâtre cité et citoyenneté ». Dans son intervention, « Le théâtre dans la ville ou l'éclat d'une présence trop vive », le Dr Makhlouf Boukrouh cite l'exemple d'Alger, ville qualifiée aujourd'hui de « grand village d'Alger » marqué par une gestion « anarchique de l'espace, l'insécurité et le manque d'infrastructures culturelles ». Une situation qui influe sur le comportement de ses habitants. « L'aspect architectural joue aussi un rôle dans le comportement de l'individu. D'autant qu'il porte en son sein des goûts, une culture entre autres. Il reflète aussi une identité », explique-t-il. Il voit en le théâtre un « lieu de rassemblement où s'effectuent des échanges multiformes, c'est un art de présence ». Aujourd'hui, il est permis de constater que « la ville a échoué quant à vulgariser la culture ». Maître de conférences à l'université de Sousse (Tunisie) et metteur en scène, Hafedh Djedidi a abordé la question de « Théâtre et cité. Le théâtre comme proxème vital du tissu urbain ». Il indique que « toutes les cités du monde, quelle que soit leur capacité démographique, et ce, depuis les agglomérations primitives, sont amenées naturellement à organiser leur espace vital de manière à répondre à ses doubles besoins matériels et spirituels ». Ainsi, le tissu urbain moderne ou antique « prend compte deux types de besoins essentiels qui vont déterminer la codification » de l'espace et le « compartimenter ». Il s'agit des « des besoins afférents à l'alimentation et à l'entretien du corps physique et des besoins ayant trait à l'instruction, à l'aération de l'esprit et l'expression de la spiritualité ». Pour la première catégorie, l'intervenant cite à titre d'exemple le marché, l'hôpital, le bain maure. La suivante regroupe « tous les proxèmes où s'exercent l'instruction comme l'école, le spiritualité comme la mosquée ou l'église, le divertissement ou l'aération de l'esprit comme la taverne, le café, le théâtre, le stade de foot ou la place publique ». Pour se maintenir en tant qu'« entité culturelle cohérente », la société « réagit et codifie par ses lois, ses valeurs, ses us et coutumes le comportement de l'individu ». De ce fait, elle « aliène et limite au nom de la discipline sociale le champ d'expression de la liberté de l'individu appelé à se conformer à la collectivité ». Néanmoins, poursuit Hafedh Djedidi, le théâtre en tant qu'espace « socialisé » devient le « seul lieu » où la cité, « à travers ses comédiens, va tolérer l'expression de ses propres travers et de ses propres élans subversifs, et qui plus est, dans le spectaculaire ». En d'autres termes, « dans l'emphase ou le grotesque et caricatural où le pathétique embelli par l'expression artistique ». Ainsi, la Cité « semble disposer de deux théâtres antinomiques. Un théâtre qui s'ignore, éclaté en plusieurs proxèmes et qu'improvisent les situations du trafic social comme l'éducation, le procès juridique, le prêche religieux et le discours politique et un théâtre consacré, agora de l'expression ludique de la cité ». La même voix conclut que le théâtre est « le proxème urbain le plus chargé de sens. Il prolonge, par delà les strates de l'histoire, par ce qu'il donne à voir, l'expression d'une délivrance salvatrice ». Un lieu où l'« expression artistique tente de doubler l'expression même de la vie au travers des pulsions que le réflexe social brime ou condamne. C'est aussi l'unique et seul espace conventionnel où la société, quelque censure qu'elle exerce sur lui, tolère sa propre mise en question tout en continuant de le penser comme espace régulateur des passions ».Metteur en scène, comédien et directeur artistique du théâtre de Lenche à Marseille (France), Ivan Romeuf traite du volet « Eléments de réflexion autour du théâtre, de la cité et de la citoyenneté ». Il voit en la politique culturelle un « ensemble de mesures qui permettent d'abord aux artistes de travailler dans les meilleures conditions possibles, ensuite aux habitants de trouver le plus grand nombre de propositions de qualité comme spectateurs ou usagers aussi bien que comme praticiens amateurs. Et enfin qui donne à un territoire une image lisible des orientations culturelles spécifiques liées à son histoire, à sa géographie, à sa composition sociale et à un projet d'ouverture sur le monde ». Il indique qu'aujourd'hui, « La société du profit (…) avilit, écrase le talent, le soummet à la volonté des riches, aux caprices des éditeurs, des critiques, des marchands de tableaux, des entrepreneurs de spectacles, des spéculateurs. Elle confère une valeur vénale à ce qui ne présente pas de valeur artistique, réserve les joies de l'esprit à une couche de privilégiés incapables de les goûter, prive de culture artistique les masses ». Cela dit, chaque « nouvelle classe », selon le même intervenant, qui « prend la place de celle qui dominait avant elle, est obligée, ne fut ce que pour parvenir à son but, de représenter son intérêt comme l'intérêt de tous les membres de la société ». Elle donne à ses « pensées la forme de l'universalité, de les représenter comme étant les seules raisonnables, les seules valables sur le plan universel ». De son côté, l'universitaire et auteur Abdelkrim Berrechid (Maroc) intervient sur le point ayant trait à « la nation et le citoyen dans la vision » de la « cérémonie festive ». A cette occasion, il explique que le théâtre signifie « art de présence ». Enseignante à l'université Paris III (France), Mme Catherine Brun, explique à travers la pièce d'Armand Gatti « Chant public devant deux chaises électriques » (1964) comment le théâtre « lieu de la ville, lieu des villes », devient « le lieu de l'utopie même, patrie des apatrides, miroir des possibles indéfiniment recommencé ». Enseignante à l'université de Franche Comté (France), Mme Lamia Bereksi, dans « l'architecture du théâtre entre Alger et Bucarest », met en lumière les similitudes architecturales entre le Théâtre national algérien (TNA) à Alger et celui de Bucarest. Et cela pour « démontrer que l'image extérieure du théâtre est importante dans une ville.