Chaque année, ils sont plusieurs milliers de praticiens spécialistes à quitter le pays vers des cieux plus cléments. Pour seulement l'année 2007, près de 700 praticiens ont fui l'Algérie pour s'installer au Canada et en France. Actuellement, 7000 spécialistes algériens de renommée exercent dans la région parisienne. Ce départ massif de l'élite algérienne vers l'étranger est la conséquence d'une mauvaise gestion du secteur de la santé publique. Elle est aussi le résultat d'une politique de désengagement qui a détruit un secteur figurant parmi les plus sensibles et qui a vu défiler à sa tête en l'espace de neuf ans six ministres, chacun ayant tenté de le remodeler à sa manière. « Nous faisons partie de l'élite de l'Algérie, nous sommes la cheville ouvrière du secteur de la santé. Nous sommes les universitaires ayant le cursus le plus important du pays, mais les 6000 spécialistes existant à travers le territoire national sont complètement marginalisés et méprisés », regrette Dr Mohamed Yousfi, président du Syndicat national des praticiens spécialistes de la santé publique (SNPSSP), lors d'une conférence de presse animée hier à Alger. Le conférencier s'est étalé sur les anomalies constatées au niveau du statut particulier, sur le non-respect des textes de lois, sur le cabinet noir... « Nous avons demandé des audiences et des séances de travail au ministre de tutelle mais il n'a jamais répondu à nos sollicitations, nous avons alors décidé de nous adresser à lui à travers la presse. Les portes du dialogue étant fermées, nous interpellons M.Tou via les médias », a tonné Dr Yousfi en estimant que les réformes engagées dans le secteur de la santé et sa mise à niveau ne sauraient aboutir sans une prise en charge « réelle » des doléances des professionnels de la santé. L'Etat, selon l'orateur, a investi beaucoup d'argent dans la modernisation des structures de santé et l'acquisition de matériels modernes, mais peu de moyens, en revanche, ont été consacrés aux professionnels de la santé et à l'élément principal qui est pourtant la locomotive de ces réformes, à savoir les praticiens. Revenant sur le statut du praticien spécialiste, Dr Yousfi a souligné que son syndicat rejette dans le fond et dans la forme la mouture envoyée par le ministère de la Santé à la Fonction publique, et qui n'est pas, selon lui, celle élaborée par la commission mixte (ministère de la Santé - SNPSSP). Le cabinet noir L'orateur parle dans ce cadre d'un cabinet noir et de casseurs qui ont élaboré dans l'obscurité un autre statut qui a été remis à la Fonction publique. « Nous nous demandons aujourd'hui si la mouture initiale élaborée par la commission mixte a été présentée au ministre de la Santé. Le ministre est-il au courant de l'existence du document confectionné par des étrangers à la commission », s'est-il interrogé en avançant que ces casseurs ont opéré le même procédé en 2004. « Il y a une volonté délibérée de saboter le secteur. On veut sa mise à mort. Il y a des collaborateurs au niveau du ministère qui veulent casser notre travail. Nous condamnons ces pratiques et nous exigeons de la tutelle la récupération de la mouture adressée à la Fonction publique », fera remarquer Dr Yousfi. Evoquant le plan de carrière des praticiens, Dr Yousfi a rappelé que des concours de passage du 1er au 2e et au 3e corps, selon l'échelle de grades appliquée chez les praticiens spécialistes, devaient se tenir déjà fin 2004, mais ils n'ont pas eu lieu jusqu'à présent en raison d'obstacles bureaucratiques. L'autre point noir est la prime d'intéressement qui n'a jamais été octroyée en dépit d'un texte de loi dans ce sens. « Le ministre nous a fait la promesse en 2005 de faire de ce dossier une affaire personnelle, il a saisi le chef du gouvernement qui a ordonné son règlement. La Fonction publique n'a pas réagi alors que nous sommes en 2008 et les concours n'ont pas encore eu lieu, pénalisant ainsi des dizaines de spécialistes », a déploré l'orateur qui ne comprend pas qui « gère quoi dans ce pays ». Dans ce contexte et en tentant de répondre à certaines interrogations, Dr Yousfi justifie ce procédé par le complexe des collaborateurs de la santé vis-à-vis d'eux, de l'incompétence de certains collaborateurs, d'où la rétention. L'autre problème évoqué par le porte-parole du syndicat est celui du manque de locaux pour les syndicats. « Le SNPSSP ne dispose que d'un siège national, bien que la loi 90/14 soit claire à ce sujet et qui stipule que tout employeur doit mettre des locaux à travers le territoire national à la disposition d'un syndicat agréé », a-t-il dit en précisant que les 6000 praticiens spécialistes que représente le syndicat et qui exercent au niveau de 200 hôpitaux, de 32 établissements hospitaliers spécialisés, de 13 centres hospitalo-universitaires sont mobilisés et viscéralement engagés pour défendre la santé publique, car il y va de tout le système de santé et de l'intérêt du citoyen algérien. « Nous demandons au ministre de respecter ses engagements et de rendre justice à ces praticiens qui n'ont jamais abandonné leur poste. Dans le cas contraire, le syndicat usera de tous les moyens pour s'imposer, car la dignité du praticien n'a pas de prix », a martelé Dr Yousfi qui rappela que le syndicat qu'il représente est partie prenante de la grève de trois jours prévue pour les 24, 25 et 26 février.