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Louisa Aït Hamadouche. Enseignante à l'institut des sciences politiques de l'université d'Alger « L'Algérie aura un partenariat gagnant, gagnant avec la Russie »
Après l'effondrement du bloc soviétique, la Russie a perdu de son influence dans le monde. Quelle place occupe-t-elle réellement aujourd'hui sur l'échiquier politique mondial ? Il est vrai que le démembrement de l'Union soviétique a beaucoup porté atteinte à l'influence de Moscou dans le monde. Ce pays est passé du statut de superpuissance à un statut hybride entre puissance régionale et puissance internationale, dans la mesure où l'influence aujourd'hui de la Russie est supérieure à celle d'une puissance régionale classique, telle celle de la France ou de la Grande-Bretagne, et elle est inférieure à une puissance mondiale, à savoir les Etats-Unis. A mon avis, l'influence d'un Etat se mesure à un certain nombre de critères et de facteurs et pour beaucoup d'entre eux la Russie demeure encore une puissance très importante. Justement, nous enregistrons un retour très remarqué de la Russie sur la scène internationale, est-ce là l'expression de la volonté de Poutine de redonner à la Russie son lustre d'antan ? Bien sûr, je crois que la réponse est évidente. Maintenant est-ce qu'il le pourra, ça c'est une chose, et par quels moyens, c'est également une question qui se pose. Il faut dire que toute la période des années 1990 a été de très grande instabilité et le recul de la Russie a été donc non seulement attendu mais tout à fait logique. Il est vrai aussi qu'aujourd'hui et surtout avec le deuxième mandat de Vladimir Poutine, la Russie a énormément changé. Poutine est conforté de par sa personnalité, son charisme, son entourage immédiat que l'on appelle le clan de Petersbourg, et aidé par une conjoncture internationale favorable caractérisée par énormément d'échecs américains au Moyen-Orient, notamment en Irak et en Afghanistan, et de plus une conjoncture économique des plus favorables qui permet à la Russie de réaliser des recettes de près de 245 milliards de dollars en 2007. Donc la conjoncture est des plus favorables à l'entreprise de Poutine. Est-ce que Poutine a réellement les moyens de relever ce défi tout en sachant que la Russie a perdu énormément de terrain, que ce soit en Afrique, en Amérique latine et en Asie ? Le terrain perdu par la Russie est certes indiscutable. Cela dit, ces dernières années, comme vous l'avez signalé, la Russie opère un retour très important. Ce retour est permis par une conjoncture internationale assez favorable. Aujourd'hui, la Russie est un partenaire économique important pour un très grand nombre de pays et effectue un retour économique très important en Afrique du Nord. On l'a vu avec les contrats réalisés avec l'Algérie, avec le Maroc également. Elle effectue aussi un retour très important en Asie centrale dans la mesure où elle récupère petit à petit le terrain perdu suite au démembrement de l'URSS et suite aux attentats du 11 septembre. On remarque qu'elle a réussi à avoir des accords économiques d'une valeur stratégique avec des Républiques très importantes comme le Kazakhstan et le Turkménistan. Vous savez que le Kazakhstan possède les premières ressources pétrolières de la mer Caspienne alors que le Turkménistan possède les premières ressources gazières. Le contrat qui vient d'être conclu avec la Russie et qui concerne la construction d'un gazoduc, est à même de consolider l'influence non seulement économique mais également politique de la Russie dans cette région qui est une région proche, dans la mesure où la Russie redevient le partenaire politique et économique indispensable à ces Etats. En d'autres termes, on remarque que la Russie réactualise les moyens pragmatiques de l'influence. Elle n'utilise plus les moyens politiques de l'Union soviétique mais l'atout économique qui est surtout plus efficace. Nous remarquons qu'il y a surtout des contrats de vente d'armes. Croyez-vous que la vente d'armes suffit à faire gagner du terrain à la Russie à l'heure où la concurrence en matière d'armement est des plus rudes ? Il est clair que les contrats d'armement sont pour le complexe militaro-industriel russe un facteur très important de développement, c'est le cas pour la Russie comme pour d'autres pays, Israël par exemple et les Etats-Unis. Tous les grands producteurs d'armement favorisent le développement de leur économie par l'exportation d'armement. Deuxièmement, les contrats d'armement revêtent une dimension politique indéniable. L'armement influe sur la doctrine stratégique que choisissent les Etats d'adopter, donc c'est très important. Même si on ne peut pas dire qu'un contrat d'armement garantit une influence politique, il est en tout cas évident qu'il représente une influence importante. Dans le dernier contrat signé avec l'Algérie, un froid s'est installé entre les deux pays lié à la qualité de l'armement vendu par la Russie et contesté par l'Algérie. Croyez-vous que cela puisse influencer négativement le cours des relations bilatérales ? Les relations entre l'Algérie et la Russie ne datent pas d'hier et encore moins de la signature de ce contrat d'armement. Il est vrai que les problèmes rencontrés avec la livraison du premier Sukhoï ont jeté un froid dans les relations, cela dit, ça n'a pas remis en cause l'ensemble du contrat, donc les choses se sont arrangées de ce côté-là. Et d'un autre côté, les relations algéro-russes ne dépendent pas uniquement des contrats d'armement, il existe une coopération économique très importante entre Gazprom et Sonatrach. Mais il est vrai aussi que l'Algérie est un peu comme la Russie, elle a décidé d'adopter une politique pragmatique, ce qui signifie ne pas mettre tous les œufs dans le même panier pour parler simplement. L'Algérie veut que sa coopération avec la Russie soit importante mais pas exclusive. Je crois que c'est comme ça qu'on peut expliquer l'échec d'une Opep du gaz. Une organisation que voulait absolument créer la Russie et qui avec l'hésitation de l'Algérie semble compromise pour le moment. Est-ce qu'une Opep du gaz pourrait être une aubaine pour les deux pays pour se replacer sur la scène internationale ? L'Algérie semble considérer le contraire puisqu'elle a poliment décliné l'offre ou du moins a demandé à ce qu'elle soit reportée à d'ici quinze ans. Mais il est vrai qu'une Opep du gaz pourrait constituer une sérieuse préoccupation pour les pays consommateurs puisqu'un cartel dans ce domaine permettrait de fixer les prix comme le fait l'Opep pour le pétrole. Quelles sont les ambitions russes en Méditerranée et en Algérie particulièrement ? Les ambitions russes sont celles d'une puissance régionale ou d'une puissance internationale. C'est-à-dire que la Russie très pragmatique veut faire des affaires avec les pays de la Méditerranée, donc vendre son pétrole et investir dans les pays qui sont potentiellement riches en matière première, puisque la Russie en consomme beaucoup aussi. Elle veut faire aussi des affaires puisqu'elle importe énormément de produits et d'ailleurs nous avons remarqué qu'avec le Maroc par exemple, les relations économiques se sont beaucoup développées, les visas ont été supprimés entre les deux pays, la coopération dans le domaine spatial a beaucoup évolué, les investissements se sont énormément accrus, notamment dans le domaine agricole. Il faut savoir que le Maroc prend à lui seul plus de 40% de parts de marché en Russie après la Turquie et la Chine. C'est pour dire que la Russie n'est pas seulement intéressée par l'énergie et l'armement mais elle cherche aussi à diversifier ses relations économiques. La Russie pourrait donc être un bon partenaire pour l'Algérie en toute matière ? Je pense que oui. L'Algérie a besoin du savoir-faire russe dans divers secteurs comme la technologie de pointe, l'armement et dans le domaine de l'énergie également. De plus, la Russie cherche de son côté à se redéployer non seulement avec ses anciens alliés traditionnels tels que l'Algérie et la Libye, mais aussi à diversifier ses partenaires. Je pense qu'il y a un partenariat gagnant-gagnant entre la Russie et l'Algérie.