En octobre 2004, la justice algérienne a été « sollicitée » pour stopper le mouvement de grève déclenché par le Syndicat national des praticiens spécialistes de la santé publique (SNPSSP). Un syndicat pourtant agréé et représentant le secteur de la santé. Première du genre dans les annales du mouvement syndical, un conseil des ministres a été tenu le 20 octobre 2004 pour mettre en place une stratégie visant à museler les organisations syndicales et a enclenché de manière systématique la machine judiciaire. M. Ouyahia, alors chef du gouvernement, a donné instruction à l'ensemble des départements ministériels de recourir à la justice afin de faire barrage au mouvement de débrayage observé à l'époque par plusieurs syndicats. Depuis cette date, la saisine de la justice est devenue une pratique courante. En 2008, la première victime qui tombe sous le coup de cette mesure est le Syndicat algérien des paramédicaux (SAP). Celui-ci a opté pour une grève de trois jours, qui a été lancée avec un grand succès, et a pu paralyser tous les hôpitaux, d'où d'ailleurs la réaction du ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière de se rabattre sur la justice pour arrêter la protestation. En effet, dimanche soir, les responsables du SAP ont reçu la visite d'un huissier de justice signifiant que la grève entamée le 17 février n'était pas conforme à la loi, le ministère de la Santé ayant déposé plainte en référé auprès de la cour d'Alger. Toutefois, nul étonnement de la part des concernés d'autant que le département de la santé n'en est pas à sa première plainte contre un syndicat autonome. Néanmoins, les paramédicaux n'envisagent pas de rendre le tablier et le formidable mouvement de protestation ne s'arrêtera pas là. « En enclenchant la machine judiciaire, la tutelle a attisé la flamme des protestataires », a-t-il observé. La décision du ministère de la Santé d'attaquer en justice les syndicats est une méthode facile, elle a été déplorée et condamnée par l'ensemble des syndicalistes de divers horizons. Ces derniers ont estimé que le juge en référé ne peut pas se prononcer sur un problème de fond. « Assigner quelqu'un en référé est une procédure rapide et simplifiée tendant à obtenir du président du tribunal civil une ordonnance qui règle provisoirement, et sans porter atteinte au fond du droit, une contestation en cas d'urgence », a souligné un syndicaliste qui s'est interrogé sur l'urgence qui caractérise cette affaire. Selon certains observateurs, la réaction du ministère de la Santé est maladroite, elle est même méprisante et indécente. D'aucuns estiment que les syndicats autonomes ont, avant de déclencher un mouvement de protestation, usé de toutes les voies et tous les moyens pour le règlement de leurs problèmes. Les portes du dialogue sont restées fermées en dépit des maintes sollicitations de ces syndicats qui le confirment preuve à l'appui. « Nous avons adressé plusieurs lettres au ministre lui demandant des audiences, mais nous n'avons eu aucune réponse. Nous l'avons sollicité pour des séances de travail, ses conseillers nous ont renvoyés vers les directeurs centraux. Ces derniers nous ont affirmé honnêtement qu'ils n'ont aucune prérogative et qu'ils ne sont pas en mesure de prendre en charge nos préoccupations », ont déclaré les syndicats représentant ce corps. Face à cette situation de blocage, que fallait-il faire ? Les représentants des fonctionnaires avaient deux options : soit accepter le mépris ou alors agir par une action d'envergure pour arracher leur droit et pour essentiellement se faire entendre en haut lieu. « Le ministre refuse d'ouvrir le débat avec le partenaire social, il refuse de dialoguer, mais il a le temps d'appliquer les mécanismes réglementaires. Il a fait appel à la justice pour lui régler un problème que lui n'a pas su résoudre. Ceci relève de l'aberration et de l'insensé », fera remarquer un syndicaliste. Il est évident que la grogne des travailleurs, traduite sur le terrain par la protestation, dérange en haut lieu. Elle dérange les pouvoirs publics qui utilisent tous les subterfuges pour casser une contestation qui risque de se propager et de durer dans le temps. « L'Etat algérien sort la grande artillerie pour gérer l'urgence », notent les observateurs les plus avertis. Les syndicats algériens en ont ras le bol de leur vécu, ils veulent l'amélioration de leurs conditions de travail. Ceci est un défi, ils iront, selon leurs propos, jusqu'au bout, ils braveront les interdits pour arracher leurs droits élémentaires, notamment un salaire décent...