En l'absence de campagne de sensibilisation et d'une meilleure protection des sites archéologiques, ces derniers continuent à être la proie de receleurs d'objets d'arts et de contrebandiers qui agissent en bandes organisées avec des ramifications à l'étranger. Les récentes statistiques des services des douanes et de la Gendarmerie nationale, sur les saisies opérées ces dernières années, laissent perplexes et appellent à des mesures urgentes à même de préserver ces vestiges, témoins de l'histoire des Algériens à travers le temps. Ainsi, durant les deux premiers mois de l'année en cours (janvier et février), les brigades de la gendarmerie chargées de la protection du patrimoine culturel, créées en 2005, ont saisi 167 pièces d'une grande valeur. Des saisies qui, chaque année, connaissent une hausse considérable. Ainsi, en 2006, soit une année après la création de ces nouvelles brigades (ou cellules), 1127 pièces ont été récupérées. Une période qui a connu le démantèlement d'un important réseaux, bien organisé, spécialisé dans le trafic d'objets de valeur, destinés à l'exportation. En 2007, le nombre d'objets d'art saisis a atteint 1350 pièces, et durant les deux premiers mois de l'année en cours, 167 pièces ont été récupérées. A ces chiffres il faudra ajouter un nombre important d'opérations avortées de fouilles clandestines dans des sites archéologiques. Les régions les plus concernées par ce trafic sont en général celles qui abritent des vestiges archéologiques protégés. C'est le cas par exemple de la mise en échec, début 2007, à Tébessa, d'une opération d'exportation frauduleuse d'objets datant de l'époque romaine, composés d'une colonne portant des inscriptions romaines, des jarres, des pierres gravées d'inscriptions byzantines, d'autres datant de l'ère préhistorique. Ou encore le cas de l'arrestation de plusieurs personnes à Batna, en possession de 49 pièces romaines, dont des lampes à huile, des moulins en pierre, une statue, des pièces de monnaie, de la poterie et des ustensiles de cuisine. Les mêmes services ont également procédé à la récupération, dans un magasin à Oran, de 424 pièces d'art, dont 282 pièces archéologiques, 103 pièces de minerais, 75 ossements d'animaux marins anciens et 26 pièces de monnaie. En septembre 2007, les gendarmes ont mis en échec une opération de vente (pour 10 000 DA), à Tlemcen, d'une statue datant de l'époque romaine et représentant la reine égyptienne Néfertiti. Une intervention similaire a eu lieu à El Tarf et a permis de récupérer une statue de Cléopatre ainsi que de la poterie romaine sur le point d'être vendues. Ces opérations sont loin de refléter la réalité du fléau, puisqu'elles ne prennent pas en compte celles opérées par les services des douanes à Tamanrasset et à Illizi (où se trouvent les parcs de l'Ahaggar et du Tassili) et dont les statistiques montrent également une hausse annuelle considérable. Ainsi, les saisies opérées au niveau de l'aéroport de Tamanrasset sont passées de 415 objets d'art, dont 223 pièces archéologiques, en 2003, à 515, dont 315 pièces archéologiques, en 2004. Une année plus tard, c'est-à-dire en 2005, les douaniers ont récupéré 705 pièces, dont 415 archéologiques. Cette quantité a atteint 648 pièces en 2006 et 378 pièces en 2007. Ce qui donne un total des saisies, en 5 ans, de 4494 pièces. A cela s'ajoutent les chiffres effarants des saisis de plantes et animaux protégés. Ces quantités sont passées de 400 espèces en 2003, à 116 en 2004, puis à 310 en 2005, pour atteindre 122 en 2006, et 20 en 2007. A l'aéroport d'Illizi, les services des douanes ont procédé à 1520 interventions en 2006, qui ont permis la mise en échec de 52 opérations de vol d'objets faisant partie du patrimoine culturel. Les sites ne sont pas identifiés Parmi ces derniers, 2300 pièces entre poterie et ensembles d'ossements d'animaux remis à l'office du parc national de l'Ahaggar. En 2007, les mêmes services ont procédé à 1732 interventions qui ont permis d'avorter 59 tentatives d'exportation. Dans ce cadre, ils ont saisi 3232 pièces entre poteries, pierres et ossements animaliers. Il est important de relever que de nombreuses autres saisies similaires ont été effectuées dans d'autres postes frontaliers du pays, mais ne sont pas prises en compte dans la comptabilité des objets du patrimoine. La situation sécuritaire aidant, ce phénomène a pris des dimensions alarmantes au point où des réseaux de trafiquants se sont bien structurés et organisés pour utiliser tous les moyens pour collecter les objets d'art et les vendre. C'est ainsi que quelques 200 sites internet algériens et autres européens ont fait leur apparition depuis 2001, pour se spécialiser dans la prospection et la mise en vente de différentes pièces appartenant au patrimoine algérien. Comme à toute chose malheur est bon, les attentats terroristes ont imposé des mesures de sécurité, notamment une escorte pour les touristes qui visitent le sud du pays. Une décision qui a coïncidé avec la création par la Gendarmerie nationale de « cellules » de préservation du patrimoine culturel, à Oran, Ouargla, Constantine, Tamanrasset, Adrar, Souk Ahras et Tipaza, mais également avec le lancement de plusieurs formations dans le domaine, destinées aux douaniers. Ce qui explique, nous a-t-on indiqué, la hausse des saisies opérées durant ces années. Ces services, douanes et gendarmerie, qui agissent souvent avec l'aide et l'expertise des services de la culture et des deux parcs de l'Ahaggar et du Tassili, estiment néanmoins que leurs efforts risquent de ne pas être à hauteur de ce fléau, tant que l'ensemble des sites archéologiques et des pièces qu'ils abritent ne sont pas répertoriés, enregistrés et diffusés. Pour eux, il est souvent difficile de récupérer une pièce volée d'un site non protégé, une fois localisée à l'étranger, parce qu'il est exigé une sorte de « carte d'identité », qui n'existe pas, pour prouver son origine. Il est donc urgent que les autorités se penchent sérieusement sur ce fléau, en répertoriant l'ensemble des sites pour qu'ils soient mieux protégés des pilleurs et autres trafiquants.